Une part des postes proposés rencontre des difficultés de recrutement. Elles se traduisent par le délai entre la diffusion de l’offre et la date d’embauche, mais la part des abandons de recrutement est, en fin de compte, de 3% seulement et elle est liée à d’autres considérations.
Il n’existe pas un stock d’emplois non pourvus, même si des difficultés de recrutement demeurent.
UN DISCOURS RÉCURRENT SUR LES EMPLOIS « NON POURVUS »
De manière périodique, des responsables politiques évoquent des « centaines de milliers d’offres d’emplois non pourvues par des chômeurs ne souhaitant pas trop travailler ».
Dans un contexte de chômage de masse, cette affirmation interpelle l’opinion.
Cette présentation des choses est inexacte. D’après les études et enquêtes, il existe bien à un instant donné des offres non pourvues (vision statique) ; les offres sont pourvues dans des délais raisonnables (vision dynamique) et très peu d’offres sont abandonnées par les recruteurs[1].
Tout au plus pourrait-on tenter d’accélérer les délais de recrutement : par une amélioration de la présentation des offres, par des procédures de recrutement plus dynamique, par une correspondance entre offres et candidats plus performante, par un autre accompagnement des chômeurs, etc. Tout cela reste à travailler effectivement (et ne l’est pas trop), mais ne produira pas un grand impact sur le nombre d’emplois ou le taux de chômage.
Les témoignages de personnes, ayant du mal à recruter, relayés par des médias, traduisent des phénomènes réels, mais sur des métiers précis (apprenti boucher, par exemple) et/ou des offres de contrats courts ou à temps partiel. Sans oublier, les offres d’emploi aux conditions très défavorables pour le salarié (salaires, horaires, etc.) qui n’attirent pas de nombreuses candidatures.
LE POINT DE VUE PRUDENT DES RECRUTEURS
Les enquêtes menées auprès d’entreprises révèlent toutes des difficultés rencontrées ou anticipées dans le processus de recrutement[2] par les employeurs. « Parmi les difficultés énoncées, les problématiques de pénurie de main-d’œuvre ou d’inadéquation de compétences disponibles se placent largement en tête. »
Certains préjugés des employeurs sont tenaces.
« Il faut sans doute interpréter avec prudence ces résultats reposant sur les seules déclarations des employeurs, ceux-ci pouvant parfois anticiper à tort des difficultés ou attribuer à un « manque de candidats » des difficultés liées à des exigences mal définies. »
La confusion est fréquente entre ce qui relève de la complexité normale d’un processus de sélection de candidats (formulation des offres, diffusion des offres multicanal, tri des candidatures, organisation de tests puis entretiens multiples) et ce qui tient à une réelle pénurie de profils compétents.
L’ENQUETE DE POLE EMPLOI SUR LES OFFRES SUIVIES
Pôle emploi a mené une enquête auprès des entreprises qui lui confient des offres. Elle porte sur des offres suivies par le service public de l’emploi. Les difficultés de recrutement[3] sont analysées : leurs origines, les secteurs ou entreprises les plus touchés, la fréquence des abandons de recrutement.
Sur les offres d’emploi, confiées à Pôle Emploi, on constate trois situations :
- 69% des offres sont pourvues, mais près des deux tiers des recruteurs concernés estiment avoir eu des difficultés,
- Le recrutement se poursuit, avec ou sans l’aide de Pôle Emploi, dans 16% des cas,
- Le recruteur abandonne dans 15% des cas son recrutement.
Pour les employeurs ayant recruté, les difficultés les plus présentes, à leur avis, sont celles liées aux candidatures (réponses multiples possibles) [4] :
- Pénurie de candidats (36%),
- Manque de compétences (33%) ou d’expérience (33%),
- Insuffisance du diplôme (24%),
- Manque de motivation des candidats pour le poste proposé (27,5%).
Des difficultés liées à la nature du poste (conditions de travail, image, salaire…) ou aux procédures internes de recrutement sont également citées.
Un examen critique conduirait naturellement à retravailler la description des postes proposés et examiner les procédures de recrutement adoptées, sans rejeter toute la faute sur les candidats.
DES DIFFICULTES EXISTENT DANS CERTAINES SEGMENTS
Les petites entreprises de moins de 10 salariés affichent davantage des difficultés de recrutement.Les responsables des TPE ont parfois du mal à mettre en place des procédures de recrutement.
Les difficultés de recrutement sont plus fortes dans trois secteurs : le commerce, la construction et l’industrie. C’est paradoxal compte tenu des pertes de postes dans la construction et l’industrie, mais peut s’expliquer, en partie, par l’évolution des demandes en compétences.
Un emploi durable ou qualifié tend à accroître les difficultés rencontrées. Dans le cadre d’un recrutement en CDI, la recherche de candidats est plus exigeante, car la nature du contrat ou le niveau de qualification influe sur le degré d’exigence du recruteur et par conséquent, sur la nature et l’ampleur des difficultés rencontrées.
LES ABANDONS DE RECRUTEMENT SONT RARES
A la suite des difficultés rencontrées pour recruter, des employeurs renoncent mais assez rarement. A l’issue de la procédure de recrutement pour les établissements dont l’offre a été annulée à Pôle Emploi (après une durée de deux mois), près des deux tiers ont trouvé un candidat (7% en interne à l’entreprise et 56% en externe). Sur les 16,7% de ces établissements qui ont déclaré poursuivre leur recherche, l’employeur déclare avoir abandonné son projet de recrutement dans un cas sur cinq. Ainsi, la part des abandons de recrutement dans l’ensemble des offres clôturées pour Pôle Emploi s’établit à seulement 3%. Pour expliquer ces 3% d’abandons de recrutement, les recruteurs évoquent plusieurs motifs :
- La disparition du besoin d’embauche dans 45% des cas,
- L’absence de candidats satisfaisant à l’offre dans 38%,
- La disparition du financement pour le poste envisagé dans 17%.
[1] « Dans un contexte de chômage de masse et en progression, l’existence d’emplois difficiles à pourvoir et par conséquent durablement vacants paraît difficilement compréhensible. L’expression parfois retenue d’« emplois non pourvus » semble renvoyer à une vision statique, selon laquelle existerait un « stock » d’emplois vacants. Elle ne rend pas compte de l’aspect dynamique du processus de recrutement qui amène parfois l’employeur cherchant un candidat externe à son entreprise, à faire évoluer ses critères et exigences vis-à-vis des candidats, ou redéfinir son besoin. C’est pourquoi les statistiques publiées sur les « emplois non pourvus » sont très variables, issues de sources multiples et manquant parfois de précision» (Voir Rapport COE de septembre 2013 sur les emplois « durablement » vacants.)
[2] Ainsi, d’après l’enquête sur les besoins en main d’œuvre réalisée par Pôle emploi et le Crédoc, 43,3% des établissements envisageant de recruter en 2014 anticipaient fin 2013 des difficultés de recrutement, ces difficultés portant au total sur 34,7% des projets de recrutements. Cf. G. Blache, D. Buchner et A. Dembo, Une amélioration des perspectives d’embauche pour 2014, Pôle emploi, Eclairages et Synthèses n°1, avril 2014.
[3] ECLAIRAGES ET SYNTHESES n°06 – Septembre 2014 – Les offres d’emploi difficiles à satisfaire – – Guillaume Blache, Anita Bonnet, Jean-Louis Zanda – Direction Des Statistiques, Des Etudes Et De L’évaluation
[4] Source : Pôle emploi – Enquête sur le devenir des offres d’emploi. – Champ : établissements ayant trouvé un candidat à l’issue de la procédure de recrutement.
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