LA POURSUITE DE LA MONTÉE DU CHÔMAGE
À fin janvier 2015, le nombre de demandeurs d’emploi en France, y compris DOM, de catégorie A, B et C[1] atteint 5 530 600 personnes. Il a augmenté de 309 000 inscrits en un an soit 5,92%.
Au total, 6 219 800 personnes étaient inscrites à Pôle emploi à fin janvier 2015.
Des journalistes et des responsables politiques mettent en avant une diminution du nombre de demandeurs inscrits catégorie A s’établit à 3 481 600 en France métropolitaine fin janvier 2015. Ce nombre diminue par rapport à la fin décembre 2014 (-0,5 %, soit -19 100).
En fait, sur la France entière, en catégorie A, sur le seul mois de janvier 2015 la baisse est de – 20 100 personnes soit -0,5%. Le nombre de demandeurs d’emploi est de 3 742 000, soit largement plus élevé que celui annoncé.
Mais, au-delà de ces variations mensuelles sans grande signification, une question se pose : « si, demain, nous devons pourvoir des centaines de milliers de nouveaux emplois, serons-nous prêts à le faire ? »
L’HYPOTHÈSE DE LA REPRISE DE LA CRÉATION DE NOUVEAUX EMPLOIS
Si demain une reprise économique se concrétise, au moins dans certains secteurs économiques, sous l’effet de facteurs favorables (baisse du cout de l’énergie, retour de l’euro à un taux de change plus raisonnable, etc.)[2], la question de l’anticipation de cette reprise doit être envisagée.
Le système, après une période de rétraction entamée en 2008, ne semble pas forcément adapté et prêt pour fluidifier le recrutement sur des centaines de milliers de postes[3], remplacement sur des postes existants et création de nouveaux postes, mêlés.
Il faut parier sur l’improbable pour être capable de saisir notre chance.
- D’une part, le rythme de la croissance de l’emploi privé pourrait être de 250 000 à 300 000 créations d’emplois nouveaux par an, ce qui conduit, sur cinq ans, à une perspective de 1 250 000 à 1 500 000 emplois supplémentaires. Cette croissance de 10% de l’emploi salarié privé est un objectif minimum pour un redressement de notre situation économique[4].
- D’autre part, l’emploi public devra tendre à diminuer dans le même temps de manière à atteindre un rapport satisfaisant entre le nombre des emplois publics et celui des emplois privés[5].
Cette hypothèse de reprise économique conduit aujourd’hui à plus de questions que de certitudes. Faut-il encore se poser les bonnes questions pour tenter de réfléchir aux réponses à anticiper.
DES QUESTIONS À TRAITER POUR ASSURER LA CROISSANCE DE L’EMPLOI
Les postes proposées dans le cadre d’une reprise ne seront pas forcément ceux qui existaient antérieurement : on verra affluer la demande de certains profils dans certains secteurs.
Les postes et les fonctions évoluent de manière permanente. Cette évolution serait accélérée par une croissance d’activité. Des postes qui n’existent pas encore aujourd’hui seront à pourvoir[6].
Au-delà du recrutement de débutants dont la formation initiale, espérons-le conviendra (mais ce n’est pas acquis), le rôle de la formation professionnelle sera central pour positionner des candidats sur ces postes.
Quels profils seront attendus ? Quels candidats répondront aux offres d’emploi ?
Quelle sera la place des débutants ? Des personnes confirmées ? Des seniors ?
Quels niveaux de qualification seront nécessaires ?
Les conditions d’une réelle reprise interrogent sur le système en place des acteurs de l’emploi.
Quels seront les acteurs pertinents pour recruter sur les postes existants et sur les postes créés ?
Pôle Emploi est-il à la capable de prendre en charge une reprise du flux de demande d’emploi en la favorisant pas son efficacité ?
Quelle sera la formation à apporter très concrètement aux acteurs de l’emploi ?
Les entreprises de travail temporaire sont-elles des acteurs valables pour des recrutements en emplois classiques sous CDD et CDI ?
Leurs activités dans ce domaine du recrutement classique entamées depuis plusieurs années n’ont pas connu un vrai développement. Elles restent principalement des acteurs de l’intérim, car le modèle économique du recrutement en intérim et en emploi diffère. L’activité du recrutement, hors du marché de l’emploi cadres, n’est pas une activité rentable, sauf exception.
Ne faut-il pas opportun d’imaginer de nouveaux acteurs pour des actions temporaires pour une période de redémarrage de l’emploi[7] ?
Qui prendra en charge les offres d’emploi si elles sont plus nombreuses ?
Sommes-nous prêts à faire face avec un éclatement actuel des acteurs de la diffusion des offres ? Sommes-nous prêts à rendre lisibles et accessibles les offres d’emploi vis-à-vis de tous les chercheurs d’emploi qui souhaitent travailler ? Disposons-nous des outils de matching efficace pour rapprocher l’offre de la demande ?
Pour un flux supérieur d’entrée en emploi, quel accompagnement social sera mis en place pour accompagner la reprise et faciliter la mobilité d’une population nombreuse ?
La reprise des recrutements doit-elle se centrer sur des CDI ou accepter une part pour une période transitoire une explosion du nombre de contrats courts et/ou à temps partiel ?
Si cette période transitoire s’avère nécessaire, il faut revenir sur les limitations imposées aux CDD et aux contrats à temps partiel.
Le niveau des salaires peut-il être gelé, sans remettre en cause le niveau du salaire minimum, pour faire de l’embauche une priorité plutôt que jouer sur les augmentations de salaire[8] ?
Comment éviter qu’une reprise des embauches en France dans des postes peu qualifiés ne soit un appel d’air à une migration de travailleurs détachés (en règle) ne payant pas les cotisations sociales françaises ?
Ces interrogations ne font, bien entendu, pas le tour de la question du meilleur redémarrage possible du marché de l’emploi. Elles interrogent sur la donne actuelle et ont vocation à démontrer qu’il ne faut pas attendre pour leur chercher des réponses dès maintenant.
[1] Demandeurs d’emploi tenus à des actes positifs de recherche d’emploi.
[2] Le débat ne porte pas sur un éventuel succès des politiques actuelles qui apparait douteux, mais sur l’évolution du contexte international.
[3] Une reprise des recrutements même importante ne mettra pas fin au chômage de masse, par contre, il est susceptible d’enclencher une dynamique ou pas.
[4] L’exemple britannique actuel semble prouver qu’après une période de crise profonde (blocage des salaires multiplication des contrats précaires et à temps partiels, nombre de travailleurs pauvres et diminution de bénéficiaires des allocations et des aides, etc.) que l’on peut déboucher sur une reprise réelle avec une augmentation des contrats stables à temps plein et une forte diminution du taux de chômage.
[5] Dans un second temps, le nombre d’emplois publics pourrait à nouveau augmenter après la croissance de l’emploi privé.
[6] Par exemple, dans certains secteurs industriels, des investissements sur des matériels robotisés nécessiteront davantage la création de postes qui n’existait pas. Autre exemple, dans la plupart des secteurs, des postes en rapport avec l’informatique, le web, l’e-commerce… vont continuer à se développer avec une évolution des procédure à tous les niveaux internes et externes.
[7] Par exemple, ne serait-il pas utile de concevoir un modèle centré sur un secteur professionnel dynamique, qui affiche des perspectives de développement de l’aéronautique à l’agroalimentaire, ou centré sur une fonction transversale (internet, Web, conseil, etc.).
[8] Le rapport de force entre salariés et chômeurs reste, même en cette période de « chômage de masse », un rapport numérique de 90/10, donc essentiellement favorable aux salariés en poste. Seul un accord, disposant d’un consensus national (par exemple via un référendum), pourrait permettre d’augmenter les effectifs des entreprises plutôt que les salaires.
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