La prime d’activité encouragera principalement une reprise à temps plein et non une reprise progressive avec de petits temps partiel. Dans une période où la pénurie d’offres d’emploi à temps plein est reconnue, ce choix politique est discutable.
UNE PRIME D’ACTIVITÉ POUR LES BAS SALAIRES EST ANNONCÉE
Le premier ministre a présenté le 3 mars[1] son projet de « prime d’activité » pour les bas salaires. Cette prime se fixe deux objectifs : aider les travailleurs pauvres et inciter les chômeurs à retrouver un emploi. Elle prévoit la fusion des dispositifs de la prime pour l’emploi (PPE) et du RSA activité[2]. Ces dispositifs avaient été mis en place sous le précédent quinquennat pour encourager la reprise d’emploi en creusant l’écart entre les minimas sociaux et les bas salaires.
Les critiques du double dispositif portaient, d’une part, sur la complexité du système et, d’autre part, sur le défaut d’efficacité, en effet, seuls 32% des bénéficiaires potentiels demandaient le RSA activité[3].
Le budget alloué à la prime serait au niveau des budgets actuels des deux dispositifs, soit 4 milliards d’euros par an, aucun moyen nouveau n’est engagé dans cette opération.
L’entrée en vigueur de cette prime est programmée pour le 1er janvier 2016. Quatre millions d’actifs bénéficieraient de la prime[4], alors que six millions de personnes bénéficient de la PPE, du RSA activité, voire des deux à la fois.
La prime d’activité vise donc un public resserré.
Les nouveaux critères de distribution de la prime seront défavorable aux :
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travailleurs qui perçoivent moins d’un demi-SMIC.
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Les salariés ayant de petits temps partiels,
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les salariés dont le conjoint gagne mieux sa vie et qui bénéficiaient jusqu’à présent de la « prime pour l’emploi ».
Le dispositif sera favorable aux :
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salariés payés entre 0,8 et 1 SMIC,
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jeunes travailleurs de 18 à 25 ans, qui ne peuvent actuellement prétendre au RSA activité.
Les estimations du nombre de jeunes actifs de 18 et 25 ans, qui vont pouvoir bénéficier de la prime, varient de 300 000 à 700.000 jeunes. Ce chiffre dépend de plusieurs facteurs donc de décisions encore en suspens (par exemple, l’accès éventuel des apprentis à la prime).
Le fonctionnement envisagé pour cette prime d’activité est le suivant. La prime serait versée mensuellement par les Caisses d’Allocations Familiales (CAF). La déclaration de revenus serait trimestrielle, les droits acquis courant sur trois mois. L’appel à déclaration serait émis par mél. ou SMS, un simulateur de droits permettant d’évaluer le montant à percevoir en ligne. La prime serait attribuée à partir du premier euro de salaire
La fusion des deux dispositifs, fonctionnant sur des critères différents dans le même but, semble logique.
Les clés d’attribution de la prime et le calcul de son montant pour chaque cas vont rester complexes[5] et, globalement, peu lisibles derrière la façade d’un logiciel de simulation de droits. Cette complexité restera un frein à la lisibilité pour les bénéficiaires potentiels.
DES INCERTITUDES DEMEURENT A CETTE ÉTAPE DE LA REFORME
Des incertitudes demeurent pour les jeunes sur la prise en compte des revenus de l’ensemble du foyer fiscal pour les jeunes résidant chez leurs parents, sur la prise en compte des apprentis ou des étudiants salariés, etc. ou sur le barème de la prime pour les temps partiels.
La prise en compte de l’allocation logement dans le calcul reste également en suspens.
Le débat parlementaire introduira probablement des modifications sur le projet loi.
LE CHANTIER DE LA FUSION DE L’ASS ET DU RSA EST LANCÉ
L’Allocation Spécifique de Solidarité (ASS), versée par Pôle emploi à 450 000 chômeurs en fin de droit, ne sera pas incluse dans la réforme et gardera donc pour l’instant son − complexe − fonctionnement propre. Le chantier de la fusion du RSA socle (ex-RMI), pour les personnes sans ressource, et de l’Allocation spécifique de solidarité, pour les chômeurs en fin de droits est lancé. Les conseils départementaux participeront aux travaux, ainsi que d’autres acteurs, en vue de présenter un projet de « minimum social simplifié ».
LE TYPE DE RETOUR A L’EMPLOI EN QUESTION
Le budget engagé par le gouvernement reste d’un montant identique. Le public ciblé variera avec des gagnants et des perdants. Le résultat de la mise en œuvre de cette « prime d’activité » est encore imprécis.
Si l’on ne souhaite pas engager le débat sur le choix de l’État d’assurer le versement de sursalaires à des travailleurs pauvres plutôt que d’encourager ou d’imposer l’augmentation des salaires (par exemple via la hausse du SMIC) aux employeurs, il reste à considérer la question de la cible de ce dispositif.
La prime d’activité aidera les travailleurs pauvres bénéficiaires, elle incitera des chômeurs à retrouver un emploi à temps partiel 4/5ème ou à temps plein pour une rémunération autour du salaire minimum.
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L’aide actuelle, complémentaire à l’activité, est centrée sur un niveau de ressources plus bas pouvant correspondre à des activités à temps partiels réduits.
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La prime d’activité encouragera principalement une reprise à temps plein et non une reprise progressive avec de petits temps partiel. Dans une période où la pénurie d’emploi à temps plein est reconnue, ce choix de politique de l’emploi est discutable.
[1] Le Premier ministre a présenté le 3 mars, devant le « Conseil national des politiques de lutte contre l’exclusion », la feuille de route pour 2015-2017 du plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Elle comporte d’autres mesures, dont la plupart avaient déjà été annoncées. La feuille de route 2015-2017 s’articule autour des trois axes d’intervention qui fondent ce plan depuis l’origine : la prévention des ruptures, l’accompagnement des personnes en difficulté et l’action partenariale au plus près des territoires et des personnes.
[2] Le « RSA activité » a été conçu par Martin Hirsch, alors « Haut-Commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté » à partir de 2007. Son projet initial n’a pas été mené à termes.
[3]Selon le rapport Lefebvre Auvigne, seules 32 % des personnes éligibles au RSA activité en ont fait la demande en 2012, soit environ 700.000 bénéficiaires.
[4] Environ 7 millions de personnes seraient éligibles à la prime d’activité mais le gouvernement estime que la moitié seulement fera une demande d’aide, doit 3,5 millions.
[5] Les revenus maximum pour prétendre à la prime d’activité seraient les suivants.
Situation | Revenu maximum mensuel plafond | |
Célibataire | 1 400 € | Entre 0,5 et 1,2 SMIC |
Mono-actif sans enfant ou une personne isolée avec 1 enfant | 2 200 € | |
Couple bi-actif avec 2 enfants | 2 900 € |
La prestation est ensuite calculée sur la base des revenus individuels, mais en tenant compte de la composition du foyer : revenus du conjoint, nombre d’enfants à charge, avec une majoration pour parent isolé.
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