Le débat sur le recours aux emplois aidés revient à l’ordre du jour. Le recours aux emplois aidés dans la politique de l’emploi à ses partisans et ses adversaires. La question posée est nettement plus complexe que cette opposition aux enjeux principalement politiques. Il faut être clair et reconnaître que les contrats aidés sont mis en place pour des chercheurs d’emploi, et ils ne sont pas conçus directement pour les employeurs.
QUELS EMPLOYEURS SONT CONCERNÉS ?
Les emplois aidés sont accordés selon le type d’employeurs. On distingue généralement :
- d’un côté, les entreprises générant des profits, et,
- de l’autre, les secteurs ne générant pas de profits, d’une part, le secteur de l’économie sociale, dont essentiellement les associations, et, d’autre part, les services publics où le ministère de l’éducation nationale et les collectivités locales arrivent en tête.
L’opposition secteur marchand / secteur non marchand n’est pas appropriée, car des entreprises de l’économie sociale, comme les mutuelles, ont des activités marchandes. L’opposition entre secteur public et secteur privé n’est pas valable non plus en matière d’emploi aidé, dans la mesure où l’économie sociale relève totalement du privé (droit du travail, cotisations sociales, etc.).
QUELLE EST LA NATURE DES AIDES ?
L’aide de l’État à ces emplois s’effectue par le versement de primes mensuelles et/ou d’exonération de cotisations sociales. Le niveau de ces aides varie selon les contrats aidés et selon les employeurs (elle est moins élevée pour les entreprises générant du profit[1]). Il est nécessaire que le niveau d’aide soit suffisant pour décider un employeur d’embaucher.
Le coût des emplois aidés est, par construction, important. En effet, une aide d’un faible montant ne déclenche pas d’embauche supplémentaire, il est un effet d’aubaine sur des embauches programmées. L’emploi aidé doit être un emploi de plus donc présenter un avantage entrainant la décision d’une embauche de plus. Pour donner un ordre d’idée discutable, l’ensemble de l’aide doit diminuer le cout global d’un salarié d’au moins 50% pour être efficace.
QUI GÈRE LES EMPLOIS AIDES ?
L’État finance les contrats aidés. Un budget important figure dans la loi de finances 2015. Les fonds sont distribués par les services déconcentrés de l’État : les DIRECCTE. Le repérage des bénéficiaires et leur suivi est assuré par Pôle Emploi et ses cotraitants : réseau des missions locales (pour les jeunes de niveau infra bac)[2] et réseau des Cap Emploi (pour les personnes handicapées).
Des collectivités locales, par exemple les régions, ont financé et financent également des emplois aidés. Il s’agit par exemple, des « emplois tremplins », qui obéissent à des critères plus précis (par exemple sur le secteur professionnel) et ont un suivi généralement beaucoup plus complet. Le nombre d’emplois aidés des collectivités est beaucoup plus limité que celui pris en charge par l’État. L’adoption de la loi NOTRe, sur l’organisation territoriale, fera sans aucun doute évoluer cette intervention.
QUELS SONT LES BÉNÉFICIAIRES ?
Les emplois aidés ne concernent pas tous les demandeurs d’emploi. Les publics ciblés pour ces emplois diffèrent selon les politiques de l’emploi successives[3]. L’objectif affiché est de favoriser l’accès ou le retour à l’emploi et de lutter contre le travail au noir en visant le recrutement de personnes connaissant des difficultés particulières sur le marché de l’emploi à partir de l’étude de la typologie des demandeurs d’emploi. Celle-ci fait apparaitre des catégories surreprésentées. Citons par exemple : les jeunes sans aucune qualification, les chômeurs de longue durée (inscrits à Pôle emploi depuis plus d’un an), les bénéficiaires du RSA, les personnes en situation de handicap, les seniors (par exemple de plus de 57 ans), etc. Les acteurs de l’emploi[4] qui gèrent les contrats aidés font fréquemment preuve de souplesse quant au respect des critères des contrats, il existe toujours un écart entre les textes et la réalité. Ce n’est d’ailleurs pas plus mal.
Le choix limitatif des catégories actuellement ciblées reste tout à fait discutable. Les personnes ciblées conviennent ou pas aux employeurs concernés. Il est difficile de faire embaucher un jeune sans aucune qualification dans des associations dont le personnel est recruté à un niveau minimal à bac+2. C’est le cas dans le secteur médico-social associatif par exemple.
QUELLE EST LA DURÉE DES AIDES ?
Les contrats aidés peuvent avoir des durées très diverses. Leur durée a varié selon les politiques allant de 6 mois (par exemple, CUI CAE renouvelable) à cinq ans (comme cela a été le cas avec les « emplois jeunes »), voire concerner des contrats en CDI sur une période donnée (comme le projet des « emplois francs » qui n’a jamais été mis en œuvre par Pôle Emploi). Une durée trop courte, par exemple de 6 mois, manque de sens.
QUELLE PART DE FORMATION EST ASSURÉE ?
Une part de formation est souvent intégrée dans le cahier des charges des contrats aidés. L’employeur s’engage à assurer une formation; cette obligation n’est pas souvent respectée. Son contrôle a posteriori ne débouche pas sur une sanction. C’est le cas actuellement des « emplois d’avenir »[5]. L’absence fréquente de formation professionnelle, dans le cadre des contrats aidés, pose un vrai problème.
QUEL EST LE NOMBRE RÉEL DE CONTRATS AIDES ?
Le nombre de contrats aidés fait débat dans la mesure où l’on mélange, à des fins de communication politique, le nombre de contrats aidés signé (depuis le début du lancement de la mesure ou dans l’année) et le nombre de postes en contrats aidés occupés en fin de mois. En effet, certains contrats signés ne débutent jamais, d’autres font l’objet d’abandon (par le bénéficiaire dans deux tiers des cas) ou de rupture de contrat par l’employeur et enfin certains prennent terme au bout de 6 mois. Il y a un réel écart entre :
- les crédits engagés par l’État (lors des signatures) et
- les crédits effectivement dépensés (selon le bon déroulement des contrats).
C’est pourquoi les chiffres, annoncés lors des votes budgétaires, ont à considérer avec prudence. L’impact des emplois aidés est moindre que celui que l’on imagine. Le nombre des contrats aidés reste marginal par rapport au total de la population active ou de l’emploi salarié. A la fin d’une mesure, il n’y plus d’entrée, mais il reste un stock de bénéficiaires des contrats.
Contrairement à toutes les annonces du gouvernement, une décroissance du nombre de contrats aidés est actuellement engagée, dans le cadre général de la réduction des dépenses publiques sur 2015-2017.
QUELS SONT LES RÉSULTATS DES CONTRATS AIDES ?
Les résultats des contrats aidés font l’objet de débat. Leur bilan ne peut se limiter à la notion de placement, comme certains « experts » le prétendent, de manière peu sérieuse. Leur impact dépend de leurs caractéristiques, des publics ciblés, etc. Il y a un bilan par type de contrat aidé. Les contrats aidés constituent une étape dans un parcours professionnel (pour un premier emploi comme pour le maintien en emploi de personnes de 60 ans et plus). Ils apportent une expérience professionnelle concrète, ils permettent de présenter une référence sur un CV, ils peuvent déboucher sur un recrutement, etc. Les contrats aidés actuels, le Contrat Unique d’Insertion (CUI) et les « emplois d’avenir » ne sont pas forcément les meilleurs outils (ce sujet mérite un article en soi). On constate leurs limites. Il faut changer ces outils pour l’emploi.
COMMENT ENGAGER LA RÉFLEXION SUR CONTRATS AIDES DU FUTUR ?
Une réflexion sur les contrats aidés ne peut se limiter à un tout ou rien.
Le choix idéologique, d’inspiration ultra libérale d’une suppression totale des contrats aidés ne semble pas réaliste, dans le contexte durable du chômage de masse et des catégories connaissant des fortes difficultés. La question qui se pose est de savoir quels contrats aidés mettre en place dans les prochaines années. Il faut, compte tenu des multiples expériences qui ont eu lieu, redéfinir ce que doivent être les contrats aidés de demain. L’intervention d’acteurs de terrain expérimentés et de divers experts dans cette réflexion s’impose pour ne pas laisser au seul soin de l’administration centrale[6] la configuration de nouvelles formules de contrats aidés.
Pour donner une idée à titre d’exemple : pourquoi le premier contrat en CDI d’un jeune débutant ne donnerait-il pas lieu à une exonération totale de cotisations sociales pendant un an, puis, une exonération partielle en seconde année ? Ces emplois aidés bénéficieraient à toute la jeunesse sans distinction pour accélérer l’accès à l’emploi en CDI. Cette mesure serait lisible et devrait s’inscrire dans la durée afin d’inspirer toutes les politiques de recrutement.
[1] Actuellement, on constate la différence du montant de l’aide entre le CUI-CIE pour les entreprises (réalisant des profits) et le CUI-CAE pour les entreprises de l’économie sociale et les services publics.
[2] Les missions locales gèrent actuellement les dizaines de milliers d’emplois d’avenir : le repérage des bénéficiaires dans le cadre de leurs activités normales, puis le suivi dans le contrat, pour lequel elles sont rémunérées.
[3] Par exemple, à l’origine des Contrats d’Accès à l’Emploi (CAE), un CAE « passerelle » concernait des jeunes post bac en échec universitaire en licence, puis cette version du contrat a été rapidement supprimée.
[4] Personnels de Pôle Emploi, des missions locales ou de Cap Emploi.
[5] Cette fiche ne concerne pas les contrats d’alternance que certains auteurs rangent dans les contrats aidés bien à tort. Les contrats d’apprentissage et les contrats de professionnalisation, relèvent de la formation professionnelle, sous contrat de travail, et non de l’emploi.
[6] DGEFP
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