Les acteurs de l’emploi ont vocation à devenir les accélérateurs de l’accès à l’emploi des chômeurs dans un contexte d’une reprise progressive des embauches et de la création d’emploi.
LA SITUATION DES ACTEURS DE L’EMPLOI RESTE INSTABLE
La situation des structures « acteurs de l’emploi » est marquée par une instabilité chronique.
En premier lieu, à l’occasion de l’adoption de chaque loi de finances, annuellement, les cartes sont rebattues et chacun défend son territoire.
Quel sera le budget de Pôle Emploi ? Quelles actions seront confiées aux missions locales ? Quels effets aura la réduction de la dotation globale des collectivités territoriales sur les financements des acteurs de l’emploi ? Des élus se battent chaque année pour défendre les budgets attribués, comme c’est le cas de l’actuel président de l’UNML. Tout cet équilibre ne tient souvent qu’au fil d’un amendement dans un débat parlementaire.
La seconde variable réside dans le jeu complexe des relations entre les acteurs :
- entre la DGEFP et la direction générale Pôle Emploi,
- entre les services déconcentrés de l’État (DIRECCTE) et les Directions régionales de Pôle Emploi,
- entre la DGEFP et l’Union Nationale de Missions Locales (UNML),
- entre les services déconcentrés de l’État (DIRECCTE) et les missions locales,
- entre Pôle Emploi et ses cotraitants : le réseau des Cap Emploi (handicap) et le réseau des missions locales[1] (jeunes),
- entre Pôle Emploi et ses prestataires privés (choisis au terme d’appels d’offres) pour des prestations dont le contenu et les cibles évoluent[2],
- entre les missions locales, les maisons de l’emploi ou les PLIE et leurs financeurs de l’État aux collectivités locales,
- entre l’APEC et l’AGIRC, etc.
En troisième lieu, la progression du nombre de chômeurs, depuis 7 ans, a conduit le gouvernement à choisir d’augmenter les effectifs de Pôle emploi, pour atteindre de l’ordre de 53 000 salariés[3], avec des personnels embauchés en CDI. Cela a également été le cas dans le réseau des Missions locales avec environ 10 000 personnes. Le paysage des acteurs de l’emploi a ainsi été modifié.
Quatrième point, le devenir d’acteurs nationaux, anciens et d’une efficacité confirmée, est aujourd’hui en suspens. C’est le cas de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), de l’Agence Pour la Création d’Entreprise (APCE) ou du réseau des Centres de bilan de compétences (CIBC). Les Maisons de l’emploi sont engagées sur une même pente malgré la réussite de la plupart d’entre elles. La poursuite de l’action des réseaux d’associations d’accompagnement à la création d’entreprise dépend également de décisions annuelles. Même, les acteurs de l’emploi du secteur marchand connaissent des incertitudes liées au marché du travail mais également aux politiques publiques, c’est le cas des entreprises de travail temporaire, des opérateurs privés de placement (ou OPP), des cellules de reclassement, des cabinets de recrutement, etc.
Enfin, au-delà des financements publics des acteurs de l’emploi, l’évolution des mesures publiques pour l’emploi à un rythme annuel, voire plus.
LA BOITE À OUTILS DES ACTEURS DE L’EMPLOI EST CHANGEANTE.
On supprime des mesures avant même d’en avoir fait le bilan pour en mettre en place une autre. Citons des exemples récents comme :
- la diminution des encouragements à l’accueil d’apprentis dans les entreprises, aux services à la personne ou à l’auto entrepreneuriat,
- la variation rapide des formules d’emplois aidés (montants, ciblage des publics, durée des contrats, etc.), par exemple en 2015, on note le recentrage du contrat de professionnalisation vers le public des seniors,
- l’apparition de nouvelle formule, comme la « Garantie jeunes », qui ne durera pas faute de financements pérennes, etc.
LES ACTEURS DE L’EMPLOI FONT L’OBJET DE CRITIQUES
Le paysage a récemment changé, par exemple lors de la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC. Il évolue régulièrement et il changera demain, soyons-en certain. Cette incertitude sur l’avenir pèse lourdement sur le travail et l’efficacité des acteurs de l’emploi. Il est lourd à vivre pour les personnels de ces structures. En particulier, l’encadrement, qui est motivé et particulièrement engagé dans le combat pour l’emploi, supporte très mal cette situation de court terme.
La contestation de Pôle Emploi par des élus, de toutes tendances, est fréquente. Alain Rousset, député PS de Gironde, président de la région Aquitaine et président de l’Association des Régions de France (ARF) vient ainsi de déclarer à l’Assemblée nationale : ” nous partons d’un constat : le modèle actuel ne fonctionne pas. Ce ne sont ni les compétences ni l’implication des agents des missions locales, de Pôle emploi, des PLIE ou des maisons de l’emploi qui sont en cause ; c’est l’émiettement de notre système ».
La critique de Pôle Emploi trouve son origine dans la montée du nombre de demandeurs d’emploi depuis sa création, ce dont elle n’est pas responsable, mais fait l’économie d’une critique constructive sur sa stratégie et ses pratiques.
Dans le cadre de la réduction des dépenses publiques de 2015 à 2017, le budget consacré à l’emploi va diminuer ; il n’est pas sanctuarisé. Le ministère des finances exprime de manière récurrente une critique des acteurs de l’emploi. Les inspecteurs des finances souhaitent, pour résumer, juger l’efficacité des acteurs au regard d’un seul indice : le taux de placement des demandeurs d’emploi. Cette vision réductrice et simpliste est totalement extérieure au milieu des acteurs de terrain qui défendent la coexistence de plusieurs critères d’évaluation dont, par exemple, la difficulté de la situation emploi des personnes accompagnées ou la nécessité du lien social pour des personnes isolées.
LE CONTRÔLE DES ACTEURS DE L’EMPLOI EST UN ENJEU DE POUVOIR.
Le contrôle de Pôle Emploi revient, de fait, à l’État, tandis que le contrôle de l’UNEDIC[4], qui finance en grande partie Pôle Emploi, revient aux partenaires sociaux. Les partenaires sociaux ont une certaine maîtrise sur le mécanisme de l’indemnisation chômage, mais, au total, pas vraiment sur la stratégie de Pôle Emploi. L’emploi est une compétence d’État.
Des présidents de régions et des responsables politiques souhaitent que la compétence emploi revienne aux régions. La discussion de l’article 3bis du projet de loi NOTRe au Sénat puis à l’Assemblée Nationale le prouve. Alain Rousset, président de l’ARF, défend une position claire : « L’idéal serait bien entendu que le président du conseil régional soit le pilote et le patron de l’ensemble du dispositif, mais une telle solution se heurte aujourd’hui à un certain nombre de conservatismes…”
Les maires et présidents d’intercommunalité, voire les départements, ne souhaitent pas laisser les régions mettre la main sur les associations locales pour l’emploi qu’elles accueillent et financent (missions locales, maisons de l’emploi, PLIE, etc.).
UNE NOUVELLE RÉFLEXION EST NÉCESSAIRE POUR L’EFFICACITÉ DES ACTEURS DE L’EMPLOI
Des études ont été menées, depuis de nombreuses années, et des rapports produits sur les questions d’emploi, de formation et d’orientation. Si on y ajoute à ces éléments une connaissance et une expérience de terrain sur une succession d’expérimentations (pour positiver à partir de l’absence de pérennité des mesures publiques), on peut imaginer avoir des idées sur ce qu’il conviendrait de faire, même si des débats demeurent sans doute.
Pour répondre aux propos de divers responsables politiques, il est nécessaire de rappeler trois constats :
- Une médiation est nécessaire entre employeurs et chercheurs d’emploi pour accompagner tous les chercheurs d’emploi volontaires pour bénéficier d’un accompagnement (ce point n’est pas du tout évident pour tout le monde),
- L’accompagnement des chercheurs d’emploi relève du « sur mesure », la proposition de prestation type n’est pas adaptée (voir ce travers dans les cahiers des charges des prestations emploi ou projet de Pôle Emploi),
- Une multiplicité d’intervenants est la bienvenue[5] pour traiter des publics différents et apporter des réponses adaptées aux besoins ; ces partenariats entre acteurs fonctionnent bien.
Le fantasme du « conseiller unique prêt à tout assurer pour tous les demandeurs d’emploi » a été abandonné par Pôle Emploi. On ne peut disposer de superman et il faut du personnel spécialisé chez des acteurs adaptés.
L’idée d’une structure unique pour agir dans le domaine de l’emploi, supposé permettre une économie globale est un leurre. Pôle emploi, si la structure est conservée, a vocation à être, ou plutôt devenir, un chef d’orchestre disposant de divers intervenants pour mener efficacement des actions précises.
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Il faut espérer que les contraintes de réduction des dépenses publiques ne mettent pas en cause tant les structures que l’expérience acquise en matière d’accompagnement vers l’emploi. Celle-ci ne demande qu’à être développée dans le cadre de la politique de l’emploi des années qui viennent. Les acteurs de l’emploi ont vocation à devenir les accélérateurs de l’accès à l’emploi des chômeurs dans un contexte de reprise progressive des embauches et de la création d’emploi.
[1] Voir par exemple l’accord-cadre du partenariat renforcé entre les missions locales et Pôle Emploi.
[2] Prestations : actic’emploi, activ’projet, etc.
[3] Ces effectifs correspondent, à un instant donné, à environ 70 demandeurs d’emploi, inscrits en catégorie A, B ou C, pour un salarié de Pôle Emploi, ce qui semble raisonnable comme ratio, compte tenu de la présence d’autres acteurs (cotraitants et prestataires).
[4] Assurance chômage
[5] Pour information, Monique Iborra, députée PS de Haute-Garonne, déclare que : « L’intervention de tant d’opérateurs a même pour conséquence paradoxale de retarder dans bien des cas le retour à l’emploi, chacun se renvoyant la balle : les missions locales sous-traitent aux écoles de la deuxième chance, les maisons de l’emploi aux gestionnaires des plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi – PLIE – etc. » traduisant sa méconnaissance de la réalité de terrain.
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