Les temps partiels et les contrats courts apparaissent aujourd’hui comme une étape qu’il est parfois nécessaire d’accepter avant d’accéder à un emploi durable. C’est pourquoi il faut revoir les mesures politiques qui freinent le recours à ces contrats.
LA RÉALITÉ NE CORRESPOND PAS AUX DISCOURS SUR LA PRIORITÉ À L’EMPLOI
La formule incantatoire : « l’emploi, l’emploi, l’emploi » apparaît comme un piège dans lequel plongent volontairement la femme ou l’homme politique qui le prononce. Certes, il y a bien un consensus national sur la question de l’emploi au sens large, en dehors de quelques rares adeptes de la décroissance. Mais, le mot « emploi » ne revêt pas la même signification pour tous.
- Les uns souhaitent la généralisation d’un emploi durable à temps plein pour tous avec une sécurisation des parcours pour les périodes de non-travail (c’est-à-dire de chômage).
- Les autres pensent que pour les chercheurs d’emploi la priorité est de reprendre un travail, même à temps partiel, même sur des durées courtes y compris en travail temporaire. Ce choix s’accompagne d’aides complémentaires à ces emplois précaires. L’enjeu est la sortie de la situation précaire s’appuyant sur les expériences et les compétences de ces parcours. C’est cette stratégie, certes imparfaite, qui a permis à des pays comme la Grande-Bretagne ou l’Allemagne de sortir du chômage de masse. Cette option comprend également la sécurisation des parcours.
Les mesures en faveur de l’emploi ont été recentrées en faveur du seul emploi durable. Elles diminuent le recours aux emplois à temps partiels ou à durée courte, c’est le cas :
- De la durée minimale de 24h par semaine du CDD (loi du 14 juin 2013)[1],
- De la modulation des cotisations chômage des CDD de moins de trois mois,
- De la chute de l’encouragement au recours légal aux services à la personne[2],
- De la diminution des avantages de l’auto entrepreneuriat ou
- De la suppression programmée du RSA activité[3].
Ces mesures ont également participé à une progression du travail au noir pour les jobs et le travail saisonnier.
Les faits sont têtus. Cette stratégie du « tout ou rien » (c’est-à-dire, d’un emploi en CDI à temps plein ou rien) n’a pas apporté de résultats. La diminution du nombre net d’emplois salariés, depuis plusieurs années, en témoigne.
Au risque de sembler provocateur, je dirais que le travail précaire apparaît aujourd’hui comme une étape possible à accepter pour parvenir à un emploi durable.
Plusieurs raisons expliquent ce choix. L’objectif principal porte sur le nombre d’actifs en situation de travail dans notre pays. L’activité partielle apporte références et expérience. Elle renforce un profil et facilite l’embauche par rapport à une absence de travail sur une longue durée.
Mieux vaut un travailleur pauvre assisté qu’une personne sans emploi assistée. C’est à la fois une question de dignité de la personne et d’efficacité économique. Cette acceptation de la réalité de l’accès ou du retour à l’emploi n’empêche pas d’encourager m’embauche de CDI[4]. Les deux sont complémentaires.
LES CHOIX POLITIQUES ACTUELS CONDUISENT À UNE ABSENCE DE PERSPECTIVES
Aucun des projets de réforme engagés pour l’année 2015 ne porte pas sur un objectif d’emploi : loi Macron, loi relative à la santé, loi relative à transition énergétique, loi relative au dialogue social, etc., ou alors de manière très indirecte.
Même les conséquences de la politique de réduction des dépenses publiques annoncée, sur l’emploi public qui représente tout de même 20% de l’emploi salarié, ne sont pas clairement détaillées, à l’exception de l’annonce de la croissance des effectifs dans l’éducation nationale. Il semble pourtant évident que la réduction, si elle est effective, pèsera sur la masse salariale des fonctions publiques et donc sur le nombre global d’emplois.
Les politiques en faveur de l’emploi restent inchangées, à niveau d’une dizaine de milliards d’euros et centrées sur le financement de Pôle Emploi, les emplois aidés, le contrat de génération, les contrats d’alternance, l’aides à la création d’entreprises, l’accompagnements de quelques publics ciblés, comme les travailleurs handicapés ou les chômeurs de longue durée, etc.
Il n’y a aucun nouveau souffle. La contradiction entre le discours sur la priorité à l’emploi et la réalité des faits est flagrante.
En l’absence de mesures positives, la politique de l’emploi semble essentiellement reposer sur l’attente d’une amélioration (pour une durée inconnue) de la conjoncture internationale (cours du pétrole et baisse de l’euro[5]) pour bénéficier d’une relance et un certain développement économique.
[1] Lire l’article : « Cinq mesures iconoclastes pour réduire le chômage » – Les ECHOS – Francis Bergeron, DRH de SGS France | LE 21/08/14.
[2] L’agence des services à la personne a même été supprimée.
[3] Le choix du soutien aux bas salaires plutôt qu’à la reprise progressive d’activité pour des personnes sans emploi, comme prévue par le projet de prime d’activité, est une décision politique lourde de conséquence.
[4] L’encouragement du CDI peut passer, par exemple, par des mesures d’exonération de charges sociales pour la période de début du contrat.
[5] Deux évolutions dont la durée n’est pas prévisible.
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