Les limites de la « priorité à la jeunesse » sont atteintes.
S’exprimant au Conseil économique, social et environnemental (CESE)[1], trois ans après son élection à la présidence de la République, le 6 mai 2015, François Hollande a présenté des mesures en faveur de la jeunesse à des « représentants » de la jeunesse.
DES ANNONCES TRÈS SECONDAIRES EN FAVEUR DES JEUNES
Les annonces faites par le Président de la République concernent des mesures très secondaires, même si elles étaient nécessaires. Elles concernent :
- La réforme de la « Journée défense et citoyenneté » (ex-JAPD) pour « favoriser l’accès à la formation » en transformant la nature de cette journée sans apporter grand-chose, car informer les jeunes en collectif et avec un encadrement restant à préciser, les professionnels voient mal l’intérêt d’un tel projet. Le ciblage des jeunes sortis du parcours scolaire ou en cours d’orientation change la nature même de cette journée.
- La généralisation de la garantie jeune sans avoir le recul nécessaire en temps pour juger sérieusement de l’efficacité de cette mesure est un pari.
- Le rappel du « contrat de génération » qui n’a pas atteint ses objectifs tant quantitatifs (environ 40 000 signés depuis le début de cette formule, mais moins en fonctionnement, au lieu de l’objectif initial des 100 000 par an) que qualitatifs.
- L’ouverture d’Erasmus aux apprentis et alternants. Cette mesure concernera une population peu importante. Des période d’apprentissage dans les pays européens existent d’ailleurs déjà par exemple avec l’expérience des Compagnons du devoir et du tour de France.
- L’année de césure dans les études pour mener des engagements, dont le service civique, existe déjà dans les faits ; un texte réglementaire de plus sur ce thème n’apportera pas grand-chose.
- Le développement du nombre de jeunes en service civique est un objectif très difficile à atteindre dans la mesure où d’une part les structures d’accueil publiques sont déjà bien engagées et, d’autre part, beaucoup d’associations se trouvent dans des situations économiques difficiles résultant de la réduction des dépenses publiques et, en particulier, de la diminution des dotations aux collectivités locales engagée pour la période 2015-2017.
- L’extension de l’âge limite du Contrat jeune majeur (CJM), accordé à des jeunes en rupture familiale, au-delà de 21 ans, concerne peu de jeunes.
Seule, l’annonce de l’ouverture de la nouvelle « prime d’activité », pas encore votée, pour les jeunes travailleurs de moins de 25 ans peut avoir un réel impact sur leur pouvoir d’achat. Mais, par une mesure restrictive, les étudiants et apprentis devront être rémunérés à plus de 0,78% du SMIC pour en bénéficier. Cette condition limitera évidemment le nombre de bénéficiaires. Il faut attendre la mise en place de cette mesure pour mesurer le nombre de bénéficiaires concernés.
Ces mesures ne risquent pas de donner un nouveau souffle au politique de jeunesse ; elles se caractérisent par un coût zéro dans cette période de réduction des dépenses publiques. Le budget de la « prime d’activité » étant limité par principe à 4 milliards d’euros pour l’ensemble de ses bénéficiaires.
LES MESURES EXISTANTES ONT ATTEINT LEURS LIMITES
Parmi les mesures nouvelles prises en faveur des jeunes, depuis 2012, on note que :
- Le contrat de génération a échoué à dépasser un seuil significatif.
- L’objectif des « emplois d’avenir » a été globalement atteint. Le nombre de signataires de nouveaux contrats d’emplois d’avenir va désormais décroître de manière mécanique. Les contrats en cours se poursuivront pour la durée prévue, mais l’impact sur les jeunes arrivants sur le marché de l’emploi sera plus faible puis nul. Les annonces de signatures de nouveaux contrats aidés suite aux mauvais chiffres du chômage de fin avril restent à concrétiser ; le financement reste à trouver sans collectif budgétaire.
- Le nombre des entrées de jeunes en contrats d’apprentissage a diminué depuis trois ans.
- Les structures et les initiatives destinées au soutien à des décrocheurs scolaires (École de la deuxième chance (E2C), EPIDe, parrainage, etc.) sont utiles, mais elles n’ont pas connu un développement quantitatif.
La priorité accordée à la jeunesse, annoncée par le président de la République dès son début de mandat, apparait aujourd’hui principalement comme une opération de communication politique.
RIEN DE NOUVEAU NE SERA POSSIBLE POUR 2015-2017
Dans la réalité, le développement réalisé depuis des décennies de divers soutiens accordés aux jeunes semblait en voie de s’achever, au moins pour les années à venir.
L’annonce de recrutement de 100 000 nouveaux contrats aidés, ciblés, sur les jeunes et le secteur non marchand, à raison de 30 000 emplois d’avenir et 70 000 contrats d’accompagnement vers l’emploi (CUI-CAE) vont venir stabiliser la situation en 2015. Le flux actuel pourra être maintenu au second semestre 2015. Le stock de bénéficiaires contrats aidés, véritable outil de mesure pertinent de l’intensité du traitement social du chômage, ne devrait pas changer. Le nombre actuels de contrats aidés pour les jeunes devraient être maintenus alors que le gouvernement avait initialement envisagé une baisse courant 2015.
Le coût est estimé entre 300 à 400 millions pour 2015 (par des réaffectations de crédits non encore précisées) et 700 millions d’euros pour 2016. L’engagement 2015 semble acquis mais celui pour 2016 dépendra de la loi de finances 2016. Il ne peut s’agir que d’un sursaut passager. La décision de réduction des dépenses publiques pour les années 2015-2017 impactera sans aucun doute les politiques en faveur des jeunes à moyen terme.
Les seules marges de manœuvre au plan budgétaire reposent sur des ré-attributions de crédits d’un poste sur un autre et dans la détection des fraudes de dispositifs sociaux.
- Des mesures menacent en particulier certains étudiants. Citons la diminution de 50% de la bourse au mérite déjà décidée (après la décision de suppression totale invalidée), la modification probable à terme des critères d’accès à l’aide personnalisée au logement (APL), etc.
- Il reste sans aucun doute des marges de manœuvre reposant sur le repérage des cas de fraude existante sur l’attribution des bourses étudiantes, mais, même dans ce domaine, le résultat dégagera des budgets à la marge.
La politique affichée de « priorité à la jeunesse » se heurte à deux écueils :
- l’absence de vision d’ensemble des problèmes de la jeunesse et
- la réduction des moyens financiers dédiés à la jeunesse dans une période de crise économique.
[1] Le groupe des Organisations étudiantes et mouvements de jeunesse au CESE est présidé par Azwaw Djebara (Union nationale des étudiants de France – UNEF) et les représentants de la FAGE, d’Unis Cité et des Scouts et Guides de France. Ce groupe n’est évidemment pas représentatif de la jeunesse quelque doit la qualité des personnes qui ont été nommées au CESE.
Pas de commentaire sur “La réduction des dépenses publiques impacte les politiques jeunes.”