Le texte de la loi relative à la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe), adopté par la Commission mixte paritaire (CMP) du 9 juillet 2015, a réservé un certain nombre de surprises quant aux compétences maintenues des conseils départementaux et au seuil minimal de la population des intercommunalités fixées finalement à 15 000 habitants, avec des adaptations possibles sur certains territoires. Des dispositions concernent l’emploi.
CHAQUE COLLECTIVITÉ LOCALE CONSERVE UN RÔLE EN MATIÈRE D’EMPLOI
En ce qui concerne l’emploi, la version a priori finale de la loi précise (article 3bis) que :
- « La région participe à la coordination des acteurs du service public de l’emploi sur son territoire », et
- « Les départements, les communes et leurs groupements peuvent concourir au service public de l’emploi ».
Seul le rôle des métropoles dans le domaine de l’emploi ne semble pas évident.
LA DÉLÉGATION DE L’ÉTAT À UNE RÉGION DE LA COORDINATION DES ACTEURS DE L’EMPLOI SERA POSSIBLE
L’article 3ter du texte de loi prévoit l’introduction, après l’article L. 5311-3 du Code du travail, d’un article L. 5311-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5311-3-1. – L’État peut déléguer à la région, dans les conditions prévues à l’article L. 1111-8-1 du code général des collectivités territoriales et après avis du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, la mission de veiller à la complémentarité et de coordonner l’action des différents intervenants, notamment les missions locales, les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, Cap emploi et les maisons de l’emploi, ainsi que de mettre en œuvre la gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences, sans préjudice des prérogatives de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du présent code. La région évalue le taux d’insertion dans l’emploi. [1]
Cet article reprend la possibilité d’une éventuelle délégation de l’Etat, sans en faire une obligation, comme le demandaient l’Association des Régions de France (ARF) et, en particulier, son président.
En cas de délégation, la région veillerait à la complémentarité et la coordination de l’action de différents intervenants, notamment :
- les missions locales,
- les PLIE (Plans Locaux pluriannuels pour l’Insertion et l’Emploi),
- les Cap emploi et
- les maisons de l’emploi.
Cette délégation ne concernerait pas les Directions régionales de Pôle Emploi.
UNE DÉLÉGATION DE COMPÉTENCE À UNE RÉGION COMPORTE DES RISQUES
La « complémentarité et la coordination » des acteurs se traduiraient presque automatiquement par des projets de prise de contrôle et de regroupements imposés aux acteurs locaux sous l’égide de la Région. Elle rencontrerait l’opposition des autres collectivités locales dont les élus administrent ces intervenants et qui ont finalement conservé la possibilité de concourir au « service public de l’emploi ».
Compte tenu des financements nationaux existants de l’État et de Pôle Emploi, en particulier à ses cotraitants missions locales et Cap emploi, la délégation donnée à une région s’avèrerait très difficile à assurer. Le modèle économique des acteurs locaux de l’emploi ne joue pas en faveur d’une prise de contrôle par les régions.
L’augmentation de la taille des régions ne plaide pas non plus en faveur d’une telle délégation.
L’inquiétude existe sur le terrain. L’Union Nationale des Missions Locales (UNML) vient ainsi d’adopter lors de son assemble générale du 9 juillet une motion demandant l’organisation d’une conférence sociale nationale pour une meilleure prise en compte de la territorialisation des politiques de l’emploi[2]. Cette demande traduit les incertitudes actuelles portant tant sur la gouvernance territoriale que sur les financements nationaux et locaux des missions locales. L’équilibre du budget des missions locales se maintient grâce aux financements nationaux de dispositifs en faveur de l’emploi des jeunes (emploi d’avenir, garantie jeune, etc.), mais les responsables des missions locales craignent des réductions de financements des collectivités locales dus à la réduction des dotations de l’État aux collectivités locales.
Avant de songer à un transfert de responsabilité aux régions, les priorités en matière de politique de l’emploi restent :
- l’optimisation de l’exercice de la compétence nationale en matière d’emploi[3] et
- la recherche d’une amélioration de l’accompagnement vers l’emploi pour tous les publics.
En conclusion, il reste à espérer que l’article 3ter ne donnera pas lieu à application immédiate et que l’État n’accordera pas de délégation à une (ou des) région(s) avant de traiter des priorités en matière de politique de l’emploi.
[1] Suite du texte : « La convention de délégation signée entre les présidents des régions délégataires et le représentant de l’État précise les objectifs et les conditions d’exercice et de suivi de la délégation, notamment les conditions de transfert par l’État aux régions délégataires des crédits affectés hors dispositifs nationaux des politiques de l’emploi. »
[2] L’UNML a également adopté une motion concernant l’évolution de la structuration régionale du réseau pour suivre le nouveau découpage régional et s’adapter aux nouvelles compétences territoriales.
[3] En particulier, l’évolution de Pôle Emploi suite à la récente parution du rapport de la Cour des comptes.
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