LA LOI TRAVAIL ET LA CONVENTION ASSURANCE CHÔMAGE SE TROUVENT EN SUSPENS
Les débats engagés sur le contenu mouvant de la loi « travail » viennent désormais interférer avec la négociation sur la convention de l’assurance chômage par les partenaires sociaux[1].
L’annonce de l’introduction du principe d’une hausse de la taxation des CDD dans la loi « travail » constitue un lien factuel entre les deux dossiers.
Les organisations patronales (CGPME, MEDEF, UNAPL, UPA …) protestent contre le contenu ou l’évolution du texte de la loi « travail ». Elles envisagent de « demander la suspension des négociations d’assurance chômage » (MEDEF)[2] ou de refuser de signer (CGPME). Les représentants des TPE PME imposent ces positions, alors que les grandes entreprises se sentent généralement plus en accord avec le texte.
Cette menace intervient alors que c’est l’avenir même du régime général de l’UNEDIC qui est en jeu, compte tenu de la non-réponse à un déficit de l’ordre de 10%[3].
Le retour à l’équilibre du régime impose de décider de jouer sur une augmentation des cotisations et/ou une diminution de certaines allocations afin de sauver l’essentiel, la survie du régime.
Cette hostilité patronale se conjugue à la demande de retrait formulée parallèlement par des organisations syndicales. Celles-ci sont majoritaires dans le secteur public, mais pas dans le secteur privé où CGT et CGT-FO n’atteignent que 49%, contre 51% au total des syndicats réformistes : CFDT, CFTC et CFE-CGC[4].
La version finale de ces deux textes reste incertaine. Elle semble de plus en plus échapper aujourd’hui aux partenaires sociaux et devoir relever de choix politiques, voire électoraux à un an d’une échéance majeure.
L’INCERTITUDE SUR LES RÉSULTATS DE CES DÉBATS SUR L’EMPLOI EST BIEN REEL
Ces deux débats sont venus renforcer l’inquiétude latente des salariés et des jeunes, futurs salariés, quant au marché du travail actuel et futur. Ce qui explique :
- des manifestations de protestations (ayant une bonne couverture médiatique, mais mobilisant finalement très peu de monde) et
- une opinion publique pour le moins désorienté : d’une part, par un texte en évolution constante et, d’autre part, par des discours parfois éloignés de la réalité ou même surréalistes sur le contenu. La résurgence d’arguments « anticapitalistes » ou anarchistes, venant d’un lointain passé, contribue à brouiller la perception des propositions …
Du côté des employeurs, l’incertitude actuelle sur les décisions à venir courant 2016 conduit à rendre difficile les prévisions de masse salariale. Le niveau des cotisations sociales redevient incertain, alors même qu’une nouvelle réduction des cotisations patronales a débuté depuis le 1er avril (avec déjà un trimestre de retard), et aurait pu créer des conditions favorables à des embauches.
Le train d’annonces politiques conduisant à une augmentation de la dépense publique (hausse de l’indice des fonctionnaires, aides aux agriculteurs, plan en faveur des jeunes, etc.), survenue dans des délais brefs, vient rompre avec la modération antérieure et incite les employeurs à la prudence.
Sans parler des licenciements économiques, imposés par la diminution des activités, le remplacement des départs (démissions, retraites, etc.) et la création de postes dans une entreprise reposent sur des prévisions. Ces prévisions nécessitent une bonne visibilité. Celle-ci n’est pas au rendez-vous faute d’une ligne politique claire et constante.
Ce contexte est contre performant et ne joue pas dans le sens de la conclusion de contrats à durée indéterminée par les employeurs en cette année 2016 …
[1] Les partenaires sociaux ont engagé mi-février des négociations sur la refonte des règles de l’Unedic, qui devraient aboutir avant la fin juin 2016, date d’expiration de l’actuelle convention Unedic. Si ce n’est pas le cas, l’Etat reprendra la responsabilité du régime de l’assurance chômage.
[2] « J’attends du gouvernement que ce texte soit profondément modifié pour en retrouver l’ambition initiale de créer de l’emploi dans notre pays » (…) : « Nous ne soutiendrons pas un texte qui ne mène à rien. » (Pierre Gattaz – conférence de presse mensuelle).). Le président du MEDEF demande désormais le retrait du compte personnel d’activité (CPA), de la surtaxation obligatoire des CDD et du mandatement pour les petites entreprises sans représentation du personnel, qui devront négocier avec des salariés mandatés par un syndicat.
[3] L’assurance-chômage est financée actuellement par des cotisations patronales (4 % du salaire brut) et salariales (2,4 %). Ses recettes sont de l’ordre de 34 milliards d’euros annuels. Les dépenses s’élèvent à environ 38 milliards d’euros et le déficit à 4 milliards par an.
[4] Le poids relatif des seuls 5 confédérations représentatives est le suivant.
Confédération | % |
CGT | 30,6% |
CFDT | 29,7% |
FO | 18,2% |
CGC | 10,8% |
CFTC | 10,6% |
Total | 100% |
L’UNSA et SUD ne sont pas considérés comme représentatifs au niveau national.
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