La situation des jeunes est très diverse selon leur âge, leur situation familiale, leur parcours de formation et les choix personnels de chacun. La globalisation des constats n’a pas grand sens, mais des tendances fortes existent néanmoins.
Le bilan des mesures publiques en faveur des jeunes est peu probant. Le discours sur la priorité accordée à la jeunesse est invalidé par les faits. Une inquiétude sociale, liée à l’actualité, s’est installée. Des jeunes expriment des demandes correspondant leurs problèmes.
LE BILAN DES MESURES PUBLIQUES EN FAVEUR DES JEUNES EST PEU PROBANT
Les gouvernements successifs, depuis 2012, ont effectivement mis en place de mesures en faveur de la jeunesse[1] :
- Le contrat de génération, qui a fait un véritable flop,
- Les « emplois d’avenir », dont le nombre s’est stabilisé autour de 270 000 et dont les effectifs devraient désormais diminuer
- Des mesures et des campagnes en faveur de l’apprentissage, qui n’ont pas évité la baisse des effectifs d’apprentis,
- L’augmentation du nombre de missions de « Service Civique », dont les objectifs annoncés n’ont plus de chance d’être atteints
- La prolongation des études initiales d’un nombre croissant de jeunes d’une génération, avec une élévation organisée du taux de succès au bac (plus de 77%) et une communication massive en faveur de dispositif Admission Post Bac (APB), mais le tout sans moyens supplémentaires ni discernement[2],
- La généralisation de la Garantie jeunes, restée expérimentale et concernant une population faible, en dernier lieu (voir article dédié à ce programme européen).
Bref, le bilan de l’ensemble est bien mince. Pire, il a transféré les difficultés d’accès à l’emploi sur la tranche des 25/29 ans.
D’abord parce que les dispositifs ne sont pas les meilleurs, ensuite parce que les moyens manquent pour atteindre les résultats par méconnaissance de la réalité du fonctionnement des politiques de l’emploi sur le terrain. Enfin, parce que la politique économique et fiscale a enrayé la croissance en France et que le pays stagne. La diminution progressive des effectifs dans le secteur privé, depuis plusieurs années, pèse en premier lieu sur les entrants sur le marché du travail.
LE DISCOURS SUR LA PRIORITÉ ACCORDÉE À LA JEUNESSE EST INVALIDÉ PAR LES FAITS
Sur le plan de l’emploi, les chiffres traduisent la situation avec :
- un taux de chômage de 24 % de chez les moins de 25 ans (chiffre INSEE à fin 2015) et
- 777 000 demandeurs d’emploi de moins de 25 ans à fin février 2016 en catégorie A, B et C (chiffres DARES – Pôle Emploi).
Ces chiffres des inscrits à Pôle Emploi ne traduisent pas la réalité sociale marquée par le trop faible nombre d’actifs de moins de 25 ans (en proportion inférieure à celui existant dans les pays voisins).
UNE INQUIÉTUDE SOCIALE, LIÉE À L’ACTUALITÉ, S’EST INSTALLÉE.
Des risques sont ressenties dans toute la société, mais plus particulièrement par de nombreux jeunes. Elles concernent en vrac :
- L’évolution climatique (avec la campagne anxiogène de la COP 21 sur la possible « disparition de l’homme »),
- La menace des terroristes islamistes (concrétisée par le choc des actes de guerre menés à Paris en 2015, et en 2016 en Belgique),
- Le temps d’accès à un emploi stable, avec l’image générale de la précarité de situations voire du chômage et de la pauvreté,
- La fable des « méchants employeurs qui ne songent qu’à licencier leurs salariés » plutôt qu’à faire vivre et croitre leur entreprise,
- L’accès tardif à une réelle autonomie de vie (phénomène résultant en grande partie de la prolongation des études supérieures d’une part croissante des jeunes),
- etc.
Tandis que la plupart des évolutions positives sont souvent oubliées en partie par le traitement médiatique : l’accès à des formations plus longues, les progrès de la médecine, les apports positifs des nouvelles technologies de l’information et, plus généralement du progrès scientifique, etc.
L’inquiétude de la société a des causes objectives une période de stagnation suit une période de crise, mais dont le traitement médiatique et les discours politiques renforcent les effets.
Ces inquiétudes sont plus présentes dans l’esprit d’une part des jeunes. Ils sont plus sensibles à la prospective à long terme. Les prévisions pour 2050, c’est-à-dire dans 34 ans, ne pèsent effectivement pas le même poids pas le même sens pour un jeune de 15 ans et pour un individu de 60 ans. Le phénomène est amplifié par le caractère forcément incertain des prévisions à l’horizon 2050 dans un contexte d’accélération rapide des évolutions démographiques, technologiques, scientifiques, économiques…
DES JEUNES EXPRIMENT DES DEMANDES CORRESPONDANT A DE VRAIS PROBLÈMES
La première demande, formulée par des jeunes de moins de 25 ans, porte sur l’accès à un système d’aide sociale à la sortie des études, à l’image du Revenu de Solidarité Active (RSA) ouvert aux plus de 25 ans. L’allongement de la durée des études et l’élévation de l’âge moyen sorti du système éducatif s’accompagne de l’accroissement de la demande d’autonomie de jeunes sortants plus âgés de l’enseignement supérieur.
En second lieu, l’aspiration des jeunes à de bonnes conditions d’entrée dans la vie active concerne la nature des emplois : un poste, une fonction, un contrat de travail durable, un niveau de rémunération, des perspectives professionnelles, etc. La plupart des jeunes recherchent avant tout un emploi qui les intéresse (en rapport ou non avec leurs études).
Sur ce plan, les jeunes se trouvent dans des situations bien différentes :
- Une part des jeunes (15%) n’obtient aucun diplôme, ou seulement le brevet des collèges.
- Une seconde catégorie de jeunes, importante en effectifs (60%), valide des diplômes et occupe des emplois en rapport, à tous les niveaux d’études, du CAP au doctorat, dans les fonctions publiques ou le secteur privé.
- Enfin, des 25 % des jeunes n’achèvent pas les cursus de formations dans lesquels ils se sont engagés (échec en licence ou en master par exemple), Ils n’accèdent pas à l’emploi recherché[3], dans la mesure où ils ont un projet professionnel en tête. Les effectifs de cette troisième catégorie ont tendance à augmenter quantitativement avec un mouvement de prolongation sans précaution des études supérieures[4].
La politique publique de prolongation des études conduit à une distorsion entre le niveau des diplômes délivrés, chaque année plus élevé, et les emplois proposés qui n’évoluent que lentement. La tendance est bien à la hausse des niveaux de qualification requis lors des embauches, mais cette évolution reste progressive.
Le débat sur la responsabilité respective de la politique éducative et des choix de recrutement des entreprises reste vif. Force est de constater, que l’absence de relations suffisantes entre éducation et monde du travail est bien regrettable…
La recherche d’une adéquation entre les formations et les emplois proposés aux primo-demandeurs d’emploi reste insuffisante.
[1] Une certaine concurrence règne entre les emplois d’avenir, les contrats d’apprentissage, les formations initiales avec stages et toutes les autres formules mises en place successivement.
[2] Le taux de poursuite d’études (plus de 77% de bacheliers dans une classe d’âge) apporte une satisfaction aux jeunes et à leur famille, l’insatisfaction arrive ensuite dans la mesure où une part des jeunes concernés n’ont pas le niveau pour valider des diplômes d’enseignement supérieur et deviennent des « décrocheurs ».
[3] Un emploi en phase avec son diplôme, ou du moins ce pourquoi le diplôme a été « vendu » c’est-à-dire les emplois sur lequel il était censé déboucher dans la présentation faites par les services d’orientation ou les établissements
[4] L’insatisfaction remplace alors la satisfaction ressentie durant la période précédente caractérisée par la poursuite des études, l’agrément de la vie étudiante, une certaine autonomisation vis-à-vis de la famille, etc.
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