2016 A-T-ELLE ÉTÉ UNE ANNÉE FASTE POUR L’EMPLOI ?
Un grand quotidien du soir vient de titrer : « 2016 : une année faste pour l’emploi« .[1].
La publication de cet article intervient alors que ce même quotidien publie dans la même période des articles destinés à dresser une typologie des fausses nouvelles (Fake news)[2] ou à parler de la déconsidération des médias[3].
Le quotidien donne avec cet article un excellent exemple de ce qu’il est possible de faire dans ce domaine de la déformation de la réalité.
Les chiffres cités sont issus du croisement des principales sources officielles. Bravo. Il n’y a pas débat. Mais beaucoup d’autres chiffres sont absents comme celui de l’augmentation du nombre des inscrits à Pôle Emploi en 2016. Le nombre des suppressions d’emplois n’est pas précisé en face de celui des créations.
La comparaison avec le nombre des emplois occupés en 2012 et à fin 2016 n’est pas même évoquée.
Les commentaires prêtent tous à discussion. La hausse des effectifs en intérim n’assure pas automatiquement une suite positive. Les exemples récents le prouvent. Les considérations sur la régularisation à la hausse de la croissance du PIB sont incantatoires. Et de toute manière la prévision initiale à 1,5% ne sera jamais atteinte.
Le récent diagnostic de la DARES[4], publié avant la parution de l’article du quotidien, confirme la nécessité d’une analyse prudente.
LA DIFFUSION D’UNE FAUSSE NOUVELLE DANS UN CONTEXTE DE CHÔMAGE DE MASSE
Alors, pourquoi titrer sur une « année faste » ?
L’intention des journalistes pourrait être de vouloir donner du moral aux entreprises comme aux particuliers en apportant « pour changer » de bonnes nouvelles.
Les journalistes peuvent-il ignorer le sens d’adjectif « faste »[5], nul ne peut y croire.
Ces journalistes peuvent également avoir souhaité défendre la politique menée par le gouvernement en présentant un résultat « faste ».
Mais de toute évidence, cet article constitue un exemple de diffusion d’une fausse nouvelle dans un contexte de chômage de masse. Il n’est pas possible de qualifier de faste une année 2016 où il y a eu une relative stabilisation du nombre des emplois, mais à un niveau de chômage si élevé.
Pour être tout à fait juste, beaucoup d’autres quotidiens, radios et télévisions ont diffusé des informations de la même teneur, sans grand esprit critique, suite à la publication de tels ou tels chiffres.
La parution de jour dans le même quotidient de l’article « Le taux de chômage en France a baissé en 2016 pour la deuxième année d’affilée » (Le Monde.fr avec AFP | Mis à jour le 16.02.2017 | Par Sarah Belouezzane) présente le même argumentaire tout en signalant en guide de conclusion la fragilité de l’évolution.
Ces affirmations inexactes sont dangereuse, car elles tendent à occulter la nécessaire critique des politiques publiques mises en œuvre et leur absence d’effet réel sur l’emploi en pleine période électorale.
CONCLUSION INATTENDUE : l’Éditorial du MONDE du 17 février 2017, corrige assez bien le tir ; en effet, il titre : « Chômage : une inversion de courbe fragile » « Même si l’emploi connaît une légère embellie, la France ne pourra faire l’économie de nouvelles réformes pour lutter contre le chômage. » (LE MONDE | 17.02.2017 à 11h23). Un diagnostic sérieux…
[1] 2016, une année faste pour l’emploi en France – LE MONDE ECONOMIE | Mis à jour le 11.02.2017 à 10h44 | Par Sarah Belouezzane et Audrey Tonnelier
[2] Décodex : nos conseils pour vérifier les informations qui circulent en ligne – Comment vérifier une source, une rumeur qui circule sur les réseaux sociaux, une image ? Retrouvez ici toutes nos astuces pour vérifier l’info. – LE MONDE | 01.02.2017 à 17h20 | Par Les Décodeurs
[3] La confiance dans les médias poursuit sa chute – LE MONDE ECONOMIE | le 02.02.2017 à 18h23 | Par Alexis Delcambre
[4] DARES Indicateurs – Conjoncture de l’emploi et du chômage au 3e trimestre 2016 – publié le 09/02/17 : « Le taux de chômage au sens du BIT augmente de 0,1 point au 3e trimestre 2016 et s’établit à 9,7 % de la population active en France métropolitaine (10,0 % en France entière). Par rapport au trimestre précédent, 69 200 personnes de plus sont inscrites à Pôle emploi en France métropolitaine, toutes catégories confondues (A, B, C, D, E). Le nombre d’inscrits diminue de 35 200 pour la catégorie A (après -5 300 au 2e trimestre 2016) mais augmente de 45 600 pour les catégories A, B, C (après -19 500 au 2e trimestre 2016). »
[5] L’adjectif faste (latin fastus dies, jour faste) se dit d’une période favorable, heureuse.
Pas de commentaire sur “Pourquoi de fausses informations sur l’emploi circulent-elles ?”