Emmanuel Macron, candidat à la Présidence de la République, vient de présenter son programme économique. Il aborde la question de l’emploi, en déclarant : « La France est un des seuls grands pays de l’Union européenne qui n’a pas réglé le problème du chômage de masse : cela doit être notre priorité »[1]. Le constat est partagé avec les autres candidats, mais chacun évoque des pistes différentes.
A l’examen, les propositions d’Emmanuel MACRON posent, aux professionnels de la formation et de l’emploi, de vraies questions, quant à leur crédibilité et leur cohérence, en particulier les propositions sur l’assurance chômage.
Les commentaires qui suivent concernent les propositions de M MACRON sur l’assurance chômage, mais peuvent évidemment s’appliquer aux propos d’autres candidats.
Deux aspects généraux apparaissent. D’une part le projet de réforme de l’indemnisation chômage de M. Macron n’est pas crédible, et, d’autre part, il est en contradiction avec l’esprit de l’ensemble de son programme et conduit à de sérieuses inquiétudes.
LE PROJET DE REFORME DE L’INDEMNISATION CHÔMAGE D’EMMANUEL MACRON N’EST PAS CRÉDIBLE
Les annonces d’Emmanuel MACRON sur l’assurance-chômage comprennent des promesses, peu compatibles entre elles, dans la mesure où il envisage à la fois :
- Une augmentation du nombre de bénéficiaires (en incluant les salariés démissionnaires[2] et non-salariés[3]),
- Un maintien des droits à indemnisation (durée et montant) et
- Une économie de 10 milliards d’euros « grâce aux réformes structurelles ».
La seule variable « d’ajustement » évoquée par le candidat serait la radiation de demandeurs d’emploi au terme d’un « contrôle drastique ».
Si chacun s’accorde sur le bien-fondé de la chasse aux fraudeurs à l’assurance chômage, l’ensemble des acteurs de l’emploi connait le peu de sérieux des projets de radiations massives de demandeurs d’emploi. De tels projets ont déjà été tentés à plusieurs reprises, et on en connait les limites structurelles. En outre, dans la conjoncture actuelle, ils ne correspondent :
- ni à la réalité d’une situation de profonde pénurie d’emplois en France à ce jour,
- ni aux possibilités concrètes de placement des personnels de Pôle Emploi en termes de mise en regard de chômeurs et d’offres.
C’est d’ailleurs pourquoi les projets de radiation massive de chômeurs indemnisés sont critiqués par les partenaires sociaux.
Il n’apparait absolument pas crédible de développer le périmètre du système, de maintenir les indemnisations et de faire des économies. « Il y a un loup ».
LA RUPTURE DANS L’ESPRIT, LE FINANCEMENT ET LA GOUVERNANCE DE L’INDEMNISATION CHÔMAGE CONDUIRAIT À BEAUCOUP D’INCERTITUDES POUR LES ENTREPRISES COMME POUR LES SALARIÉS
Et les choses se compliquent encore :
- Sur le plan du principe et de la gouvernance, le candidat propose la nationalisation de l’assurance chômage[4], retirée au contrôle des partenaires sociaux. Il s’agit, en fait, d’organiser la disparition de la notion même d’« assurance » au profit d’un système d’« indemnisation d’état »[5].
Cela constituerait un véritable bond en arrière social et, quant au rôle de l’État, une proposition contraire à un esprit de déconcentration annoncé par ailleurs dans le même programme. Les conséquences d’une telle mesure sur le « dialogue social », prôné par ailleurs, semblent devoir être très significatives.
- Pour assurer le financement, il annonce la disparition des cotisations sociales de l’assurance chômage (patronales et salariales) et une augmentation, dont le pourcentage n’est pas chiffré, de la CSG[6].
Cette évolution du financement (hors cotisations sociales) semble bien en phase avec la gouvernance directe par l’État de l’indemnisation chômage, mais les conséquences pour les salariés[7] et les entreprises de l’explosion du montant de la CSG n’est pas même évoqué au terme de ce jeu fiscal.
Avec une absence de crédibilité et un défaut de cohérence par rapport à l’esprit de son projet, le chapitre de l’indemnisation chômage du programme d’Emmanuel Macron mérite d’être revu, ou ne peut espérer convaincre les acteurs de l’emploi et de la formation…
[1] Emmanuel Macron : « Mon projet économique » – Les Échos – 23/02/17
[2] Ouvrir l’indemnisation chômage aux démissionnaires reviendrait à multiplier les démissions de confort qui se compterait au moins en centaines de milliers pour « faire un break ». Le bénéfice apporté par la sécurisation apportée à des personnes lors d’un changement d’emploi (« je démissionne, mais je ne risque rien si je ne valide pas ma période d’essai dans mon nouvel emploi ») serait secondaire par rapport au premier phénomène.
De nombreuses entreprises seraient déstabilisées par cet encouragement aux départs de leurs salariés.
[3] « J’ai par exemple proposé que le bénéfice des droits à l’indemnisation soit ouvert à tous ceux qui démissionnent de leur entreprise, ainsi qu’aux indépendants, aux professions libérales et aux entrepreneurs ».Emmanuel Macron : « Mon projet économique » – Les Échos – 23/02/17
[4] (…) « une réforme de l’Unedic permettra d’aller vers une assurance-chômage universelle, de la même manière que l’assurance-maladie est devenue universelle. La gouvernance sera publique. Il faut que le système change vraiment. » Emmanuel Macron : « Mon projet économique » – Les Échos – 23/02/17
[5] « Nous sortons réellement d’un système assurantiel où chacun se dit : « J’ai cotisé, j’ai droit à être indemnisé » ». Emmanuel Macron : « Mon projet économique » – Les Échos – 23/02/17
[6] « La suppression des cotisations salariales maladie et d’assurance-chômage, mesure qui sera entièrement financée par une hausse de la CSG ». Emmanuel Macron : « Mon projet économique » – Les Échos – 23/02/17
[7] Il est difficile de dire a priori quel impact en termes de pouvoir d’achat des salariés pourrait avoir ce jeu fiscal sans connaitre précisément le taux de la CSG et son champ.
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