UNE NOUVELLE ORGANISATION DE L’ENTRÉE DANS L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR POUR LA RENTRÉE 2018 EST ANNONCÉE
Le Premier ministre vient de présenter[1] un « PLAN ÉTUDIANTS – ACCOMPAGNER CHACUN VERS LA RÉUSSITE ».
Ce « plan » prévoit principalement[2] de mettre en place une nouvelle organisation de l’entrée dans l’enseignement supérieur pour les bacheliers. Il s’accompagne de l’abandon la procédure APB (admission post bac), dont l’un des dysfonctionnements a conduit à recourir à des « tirages au sort » des candidats pour accéder aux formations pour lesquelles les candidats étaient plus nombreux que les places disponibles. Le recours au « tirage au sort » a été condamné par une très grande majorité des acteurs universitaires comme des politiques.
LE « PLAN ÉTUDIANTS » NE SE PRÉOCCUPE NI DES DÉBOUCHÉS NI DE L’EMPLOI
Le document de présentation du « Plan étudiant » qui précède la présentation du projet de loi traite du fonctionnement du système universitaire sans se préoccuper des débouchés de diplômes ni du marché du travail.
Il obéit simplement à la volonté d’une logique d’organisation du système universitaire et de « parcage » des jeunes bacheliers. Le sommaire du document de présentation traduit bien la manière dont sont abordées les choses[3].
La préoccupation est de trouver une place en fac pour chacun, de gérer les rapports entre l’offre et la demande prise en charge par l’enseignement supérieur public et enfin, de limiter les échecs universitaires en premier cycle.
Bien entendu, il importe de répondre à ces questions, mais il faudrait de manière plus générale s’intéresser à l’adéquation entre les cursus, les diplômes, l’évolution des demandes sur le marché du travail…
Ce billet ne traite pas du choix de la méthode proposée par l’exécutif pour orienter les bacheliers. Il sera possible de revenir sur cette question dans un prochain article. Notons juste, dès à présent, que le mode d’entrée à l’université ne prend pas en compte les résultats obtenus au bac, mais seulement le contrôle continu. Ce qui peut sembler absurde, sachant que c’est le bac, série et mention obtenue, qui reste, avec toutes les nuances à y apporter, l’élément le plus significatif du niveau des bacheliers.
Le discours du « Plan » porte sur le fait de savoir si un jeune « peut faire des études » (orientation scolaire en fin de lycée) qui lui plaisent, mais vraiment pas de savoir sur quoi elles débouchent (orientation professionnelle).
L’optique est principalement quantitative et étroitement liée à une préoccupation budgétaire. Celle-ci semble, par ailleurs, bien limitée par rapport aux objectifs annoncés puisqu’une prévision de 300 millions par an en moyenne[4] est évoquée pour alimenter la procédure et les cours de remise à niveau des étudiants ne remplissant pas les « attendus »).
LE NOMBRE DE PLACES DISPONIBLES DANS CHAQUE FORMATION DÉPEND DE L’HISTORIQUE DES ÉTABLISSEMENTS
En dehors des études de santé (médecine, pharmacie, odonto, kiné…) où existent un numérus clausus[5], le nombre de places proposées par les universités aux étudiants sont le résultat, depuis toujours, d’un historique, de priorités politiques, des effectifs en personnel affectés, des locaux disponibles et des budgets, etc. Le taux d’encadrement des étudiants varie d’ailleurs selon les universités et les disciplines.
Le nombre de places en premier cycle universitaire ne correspond en rien à un quelconque besoin du marché du travail. Sans prôner une démarche adéquationniste qui serait absurde, la prise en compte des débouchés constatés ou prévisibles semble de bon sens.
Aucune remise à plat des flux n’est envisagée. La pression est exercée par la demande des lycéens, qui varie selon les années. L’offre de formations supérieures semble devoir répondre à cette seule demande…
Le volet professionnel des universités existe au travers des établissements périphériques (IUT, IAE, etc.), des préparations aux concours publics (dont les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE)), du développement des Licences professionnelles et de masters à caractère professionnel, etc.
Mais force est de constater que tous les étudiants n’ont pas accès à ces formations à objet professionnel.
LA CRÉATION DE PLACES DANS CERTAINES FILIÈRES N’EST PAS FLÉCHÉE VERS DES MÉTIERS
La création de places est imposée par l’augmentation prévue des effectifs abordant chaque année l’enseignement supérieur. Le plan prévoit donc :
« Ce déploiement d’une nouvelle offre de formations post baccalauréat doit s’accompagner, de manière ciblée, de créations de places dans l’enseignement supérieur. » [6]
Les débouchés sont évoqués pour une part de ces créations en évoquant les métiers en tension, mais sans préciser à aucun moment quels métiers et quelles fonctions pourraient être concernés. Cette précision manque cruellement…
L’intention relative aux débouchés apparait à ce stade, mais sans aucune identification des besoins du marché du travail[7].
La formule suivante traduit bien l’avancement du projet : il s’agit entre autres solutions de « former dans des filières qui n’existent pas à ce jour, mais qui permettraient de répondre à une forte demande du marché de l’emploi ».
Seule une annonce est faite pour répondre au nombre des candidatures : « la création de places dans les filières des métiers du sport et de l’activité physique »[8] ; mais elle ne semble pas correspondre à un besoin du marché du travail identifié par Pôle Emploi (voir Besoins en Main d’Œuvre (BMO) 2017[9])
LES PERSPECTIVES D’EMPLOI RESTENT LA PREMIÈRE PRÉOCCUPATION DES ÉTUDIANTS
Il semble regrettable que la réforme de l’admission post bac et de l’offre de formation universitaire ignore presque totalement la dimension « emploi ».
Le fossé existant entre études universitaires et monde du travail ne semble devoir être comblé à l’occasion de ce « plan étudiants » en agissant sur les effectifs par filière.
Les débouchés et les perspectives d’entrée dans la vie active sont pourtant la première préoccupation des étudiants selon toutes les études.
[1] 30 octobre 2017
[2] Le « plan » comprend également un volet « vie étudiante » concernant la construction de logements, les conditions de versement des bourses, l’accompagnement de la mobilité, la prévention santé des étudiants, le rattachement de la sécurité sociale des étudiants au régime général, etc.
[3] CHAPITRE 1 : Construire son projet d’études
- Accompagner les lycéens tout au long de leur parcours
CHAPITRE 2 : Accéder à l’enseignement supérieur
- Une plateforme sur mesure pour construire son orientation
- Le recteur, garant du bon fonctionnement du système
- Une affectation simple et transparente
CHAPITRE 3 : Réussir dans l’enseignement supérieur
- Des parcours sur mesure – adapter l’enseignement pour la réussite de chaque étudiant
CHAPITRE 4 : Améliorer les conditions de vie des étudiants pour la réussite de leurs études.
[4] Le « Plan étudiants » évoque pour le quinquennat un budget spécial d’un milliard d’euros et rappelle les 450 millions du Plan d’investissement. Mais ce dernier ne concerne pas que ce sujet de l’entrée à l’université.
[5] Le niveau de ce numérus clausus n’est d’ailleurs pas forcément le bon.
[6] Le « plan » indique que « 32 000 places nouvelles devraient être ouvertes à l’horizon 2022, dont 7 000 en STS. » Elles seraient accompagnées de « la création de 2 500 emplois permanents (PRAG, maîtres de conférences, etc.) ». Ce volume de création de places reste inférieur à l’augmentation des effectifs.
[7] « Des créations de places ciblées sur les besoins bien identifiés. Ces créations répondront à plusieurs exigences :
- former dans les filières déjà très demandées et susceptibles, malgré un accroissement de diplômés, de continuer à assurer une insertion professionnelle de qualité ;
- former dans des filières qui n’existent pas à ce jour, mais qui permettraient de répondre à une forte demande du marché de l’emploi ;
- permettre aux filières STS et IUT dont le nombre de places a très peu augmenté ces dernières années, d’accueillir des publics spécifiques : les STS doivent davantage s’ouvrir aux bacheliers professionnels et les IUT doivent devenir la filière naturelle des bacheliers technologiques. Ces ouvertures de places devront donc être conditionnées à l’accueil de ces publics. »
[8] (…) « grâce aux 500 millions d’euros investis par le gouvernement, des places seront ouvertes en licence de STAPS et en DEUST, mais également en formation initiale au sein des CREPS. Des formations à bac + 1 seront également mises en place sous la forme de mentions complémentaires. La création d’un baccalauréat professionnel est également envisagée. »
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