Des collectivités locales ont choisi de faire figurer dans les cahiers des charges des marchés publics une clause précisant que les intervenants maitrisent la langue française. On a alors parlé de « clause Molière ». Cette clause a été attaquée devant les instances judiciaires par le gouvernement.
Les professionnels de la construction, Fédération française du Bâtiment ou la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) s’inquiètent du fait que sur un chantier les intervenants ne parlent plus la même langue.
Sans faire ici l’historique des décisions successives des tribunaux et des actions toujours en cours, il semble intéressant de citer la récente prise de position de la principale organisation syndicale des architectes[1], dans la mesure où ceux-ci sont des acteurs de terrain, non directement concernés économiquement par l’intervention de travailleurs détachés, ou d’autres travailleurs étrangers, sur les chantiers de construction.
LA NON-COMMUNICATION SUR UN CHANTIER EST UNE ABERRATION.
Un architecte, Gilbert Ramus, explique son point de vue sur la « clause Molière » :
« Loin d’être une mesure discriminatoire, la clause imposant la compréhension de la langue française (par soi-même ou par personne interposée) est une mesure de bon sens, nécessaire, à la fois pour la qualité des ouvrages, la sécurité des chantiers et le respect des règles de toutes natures. » (…)
« Nous faisons le constat que sur les chantiers de nombreuses personnes parlent peu ou pas le français, et ceci de plus en plus« . (…)
« Travailleurs détachés, salariés, autoentrepreneurs, sous-traitants en cascade, toute la main d’œuvre du bâtiment semble touchée. Le débat sur la clause Molière nous semble utile et même indispensable. Les situations de crise deviennent fréquentes : non-compréhension des règles de sécurité, de vie commune (propreté, etc.), consignes non comprises, petits conflits inhérents à la nature même de tout chantiers non réglés, parfois même apparition de la violence. » (…)
« En trente-cinq ans de carrière, je n’ai jamais cessé d’apprendre en discutant avec les entreprises sur les chantiers« [2], « Et je pense que l’inverse est vrai. La non-communication sur un chantier est une aberration. » (…)
« La clause Molière est suspectée d’être anti-européenne, anti-travailleurs détachés et protectionniste, discours souvent développés par des personnes étrangères au monde du bâtiment qui prétendent que sur un chantier ‘on ne communiquerait que par signes’. C’est donner bien peu d’estime à ces ouvriers » »
LA CLAUSE MOLIÈRE DOIT S’APPLIQUER AUX MARCHES PRIVES COMME AUX MARCHES PUBLICS.
Cet architecte défend le principe de l’application de la clause Molière aux marchés privés comme aux marchés publics.
Ce témoignage d’un professionnel confirmé ramène à la réalité de terrain.
Il affirme simplement que « le roi est nu », comme dans le célèbre conte d’Andersen : « Les habits neufs de l’empereur » (1837).
En effet, il faut que les personnes qui travaillent ensemble puissent se comprendre et parler la même langue, en l’occurrence le français.
Les arguties juridiques liées aux traités internationaux constitutifs de l’Union européenne et les négociations sans résultats significatifs menés par des technocrates pour limiter le nombre croissant des travailleurs détachés en France ne peuvent suffire à résoudre les problèmes concrets qui se posent.
Un retour à la réalité semble impératif.
De la même manière, les propositions visant à faire l’économie des nécessaires qualifications des salariés pour occuper leur poste (comme cela a été formulé lors des débats autour de la loi Macron) ne doivent pas pouvoir se concrétiser. Le cas des travailleurs détachés illustre cet aspect des choses. Quelle vérification de la qualification de ces salariés est réellement possible ? Tandis que l’on demande à un salarié français pour occuper un poste d’avoir, une expérience professionnelle connue, et un diplôme (CAP, brevet professionnel, bac pro, BTS, etc.). Mais il s’agit là encore d’une autre question.
[1] L’Union nationale des syndicats français d’architectes (Unsfa) – Lire l’article : https://syndicat-architectes.fr/actions/le-conseil-detat-et-la-clause-dite-moliere/ et l’article paru dans Le Moniteur : http://www.lemoniteur.fr/article/l-unsfa-veut-davantage-de-moliere-sur-les-chantiers-35116795
[2] BatiActu : http://www.batiactu.com/edito/union-architectes-clause-moliere-est-necessaire-51439.php?MD5email=2d61609b4d9553bfc35b018e1ec115a3&utm_source=&utm_medium=
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