Le ministère du Travail vient de donner de nouvelles précisions[1][2] sur le contenu du projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » en matière d’accompagnement vers l’emploi et de contrôle de l’activité de recherche des demandeurs d’emploi.
LA NOUVELLE MESURE D’ACCOMPAGNEMENT VERS L’EMPLOI DES CHÔMEURS SEMBLE ASSEZ LIMITÉE
Les progrès de l’accompagnement des demandeurs d’emploi vont attendre une expérimentation de mise en place d’un « journal de bord du demandeur d’emploi » qui aura lieu dans seulement dans deux régions et dans le courant de l’année 2019…
Ce n’est pas une mauvaise idée, mais elle n’apportera en aucun cas un grand « plus » à l’accompagnement vers l’emploi.
Cet accompagnement est aujourd’hui limité par le fort nombre de chômeurs suivis par conseiller[3] qui a imposé à Pôle emploi de procéder à un tri par catégorie par des demandeurs d’emploi inscrits[4]. La suppression en 2018 de près de 300 équivalents temps plein (ETP) anticipe une diminution des inscrits, qui n’a pas encore eu lieu, n’améliorera pas les choses.
LES DISPOSITIONS DE CONTRÔLES DES DEMANDEURS D’EMPLOI AURONT UN EFFET ENCORE PEU PRÉVISIBLE
Les objectifs des contrôles, en termes de politique de l’emploi, sont pluriels :
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Le combat contre les cas de fraude (avec la perception illégale d’indemnités chômage) est consensuel,
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La remotivation de chômeurs découragés, suite au repérage de « symptômes » de fléchissement dans la recherche est reconnu unanimement,
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La volonté d’augmenter de manière significative les radiations pour diminuer les chiffres du chômage ainsi que le montant des allocations chômage versé est l’objet de nombreuses critiques, dans la mesure où il obéit à une motivation purement politique.
Davantage d’agents de Pôle Emploi sont destinés à être mobilisés sur le contrôle des chômeurs[5], 600 puis 1 000.
Les défauts de recherche (refus de postuler à une offre « raisonnable », de suivre une formation, etc.) et l’échelle des sanctions seraient modifiés[6].
Tout le détail, comme la nouvelle approche individuelle de l’« offre raisonnable » d’emploi, reste à préciser avec la participation des partenaires sociaux.
Sur le fond, le contenu des annonces ne porte que sur des ajustements par rapport à l’existant, et à une réorganisation des sanctions possibles.
Seul, le principe d’un transfert à Pôle Emploi de la prise de décision des sanctions apparait comme un changement significatif et judicieux.
LES RÉSULTATS DE CE CONTRÔLE DÉPENDRONT DE LA MANIÈRE DONT IL SERA MIS EN ŒUVRE, DANS LA PRATIQUE.
La liberté d’appréciation individuelle des situations laissée aux contrôleurs, annoncée par la ministre du Travail, peut conduire à des résultats fort différents selon la manière dont les démarches de contrôle seront conduites et les sanctions prises.
Au-delà de la détection de la fraude pure et dure, mais qui reste heureusement marginale, la priorité sera donnée soit aux radiations en nombre, soit à la dynamisation des recherches des demandeurs d’emploi découragés[7] …
La question qui se pose ne porte donc pas sur les règles qui ont été évoquées, mais sur les instructions d’application qui seront données aux contrôleurs, ainsi que sur les objectifs quantitatifs qui seront fixés …
[1] Source : Entretien avec la ministre du Travail – L’Opinion -19 mars 2018
[2] Le directeur de cabinet de la ministre du Travail a annoncé le 19 mars aux représentants des huit organisations patronales et syndicales représentatives les décisions du ministère concernant la gouvernance de l’Unédic et le contrôle des chômeurs.
[3] Le nombre de demandeurs d’emploi rattachés à un conseiller à un instant donné diffère fortement selon les sites et les agences de Pôle Emploi.
[4] Selon son profil, chaque demandeur d’emploi bénéficie d’un classement dans une catégorie et d’un traitement correspondant.
[5] De manière parallèle, certains professionnels de l’emploi évoquent la possibilité de procéder à une mesure des services apportés à chaque demandeur d’emploi par son conseiller Pôle Emploi, durant une période donnée. Mais cette estimation n’a pas fait l’objet jusqu’à présent d’une annonce de la ministre ! Le comportement du demandeurs d’emploi dépend, pourtant en partie au moins, de l’accompagnement vers l’emploi dont il a bénéficié…
[6] Muriel Pénicaud : « Aujourd’hui, à Pôle emploi, 200 personnes contrôlent ; d’ici à la fin de l’année, il y en aura 600 et 1 000 d’ici 2020. Ce contrôle doit être plus ciblé et permettre d’identifier les sanctions nécessaires. Le contrôle doit aussi nous permettre d’identifier ceux qui sont découragés et les aider à revenir vers l’emploi. D’ailleurs, l’échelle des sanctions, qui n’est pas très cohérente, sera revue. » L’Opinion 19 mars 2018.
[7] Muriel Pénicaud : « Nous sommes partis d’une expérimentation qui a montré que sur 100 demandeurs d’emploi, 66 sont en recherche active, 20 sont découragés et 14 ne remplissent pas leurs obligations. » L’Opinion 19 mars 2018.
La détermination entre les chômeurs « découragés » et ceux qui « ne remplissent pas leurs obligations » dépend d’une appréciation assez relative dans nombre de cas.
Pas de commentaire sur “Quelle sera l’évolution de l’accompagnement et du contrôle des chômeurs inscrits à Pôle Emploi ?”