L’OBJECTIF BUDGÉTAIRE DOMINE LA NÉGOCIATION SUR L’INDEMNISATION CHÔMAGE.
Quand il parle de « dégressivité » du régime d’indemnisation chômage, le gouvernement vise avant tout de celle de son budget et de la dette du régime.
Le « Document de cadrage en vue de la négociation de la convention d’assurance chômage » qui vient d’être adressée aux partenaires sociaux fixe des montants précis de baisse de budget compris dans une fourchette de 3 à 3,9 milliards d’euros d’économies sur trois ans, c’est-à-dire de 2019 à 2021[1].
Cet objectif doit tenir compte à la fois à l’augmentation des recettes (liée à celle de la masse salariale et au nombre croissant de cotisants) et à celle des dépenses liées au nombre des demandeurs d’emploi bénéficiaires de l’indemnisation, qui reste pour le début 2018 en augmentation… C’est pourquoi derrière cet objectif lisible pour le non initié, il est en fait difficile à juger de l’effort nécessaire, et donc, des conditions que doit prendre la modification des règles actuelles.
LE PREMIER MINISTRE CONSIDÈRE QUE LA DÉGRESSIVITÉ DES ALLOCATIONS CHÔMAGE PEUT ÊTRE ENVISAGÉE POUR CERTAINS CHÔMEURS
Selon le document de cadrage, les partenaires sociaux ont quatre mois pour choisir la manière dont les demandeurs d’emploi resteront ou pas indemnisés (jusqu’à fin janvier 2018).
Mais les déclarations du Premier ministre, comme de la ministre du Travail, indiquent par touches successives l’orientation souhaitée. Le Premier ministre vient ainsi de déclarer à propos de la dégressivité du montant des allocations chômage :
« Nous avons mis le sujet sur la table. Je pense que dans certains cas, elle peut être envisagée« [2] « Je pense que pour ceux qui ont une très forte employabilité, qui ont des salaires qui sont très élevés, créer une forme de dégressivité de l’assurance chômage peut avoir du sens ».
Le Premier ministre reprend donc l’idée d’une dégressivité de l’indemnisation des cadres supérieurs[3] ; quant à préciser qui bénéficie d’une « très forte employabilité ». On ne peut que s’interroger pour savoir comment elle sera définie tant les situations des personnes, des secteurs et de territoires diffèrent aujourd’hui.
Derrière ce discours, le projet d’individualiser les cas des chômeurs selon des règles obscures et aléatoires apparait à l’opposé de l’application des mêmes règles pour tous.
Le secrétaire d’État aux Relations avec le parlement et délégué général de La République En Marche (LREM), Christophe Castaner, pour sa part affirme :
« On peut ne rien faire, faire comme avant et penser que tout va bien, et voir le chômage continuer à monter. »
« Il est évident qu’aujourd’hui l’assurance chômage n’atteint pas son double objectif : apporter la solidarité à ceux qui sont sans emploi et qui doivent être accompagnés, et il faut le maintenir, mais aussi faire en sorte que les femmes et les hommes qui sont en situation de chômage aillent vers le marché du travail ».
« « Dans certaines situations, vous bloquez les gens, y compris avec une certaine non-pérennité professionnelle, dans une situation de non-emploi. Il nous faut les sortir de cela. »
LE GOUVERNEMENT DÉFEND L’IDÉE QUE LE SYSTÈME D’INDEMNISATION CONTRIBUE AU CHÔMAGE
L’idéologie du gouvernement par rapport à la question du chômage est donc clairement formulée, pour eux : le système d’indemnisation inciterait au chômage.
Cette opinion, clairement exprimée dans le document de cadrage (en page 1), a été illustrée par le propos d’Emmanuel Macron : « je traverse la rue et je te trouve un emploi… »…
Cette idéologie a été adoptée par des politiques « amateurs » (qui ne connaissent pas vraiment la réalité de terrain) après avoir été éclairés par les conseils d’experts statisticiens, qui ont fait beaucoup de calculs sur les diverses politiques de l’emploi avec des modèles mathématiques, pour arriver, schématiquement, à la conclusion finale selon laquelle aucune politique de l’emploi ne sert à rien.
Cette dernière considération vise précisément une équipe de chercheurs, travaillant sur ces sujets depuis des années, qui éclairent le gouvernement de leurs conseils. Ils sont à l’origine de la diminution rapide du budget du Ministère du Travail en 2018 et 2019.
Tout le monde ne partage pas cette approche, tant parmi les partenaires sociaux que parmi les professionnels de l’emploi qui se trouvent en phase avec la réalité du marché de l’emploi dont les capacités en nombre de postes ne progressent pas, face au chômage de masse qui perdure.
LA NÉGOCIATION SUR L’INDEMNISATION CHÔMAGE EST MAL PARTIE
La négociation est mal partie, compte tenu du cadrage proposé et des intentions exprimées, implicitement ou explicitement, par le gouvernement.
Il est certes nécessaire de rétablir l’équilibre du régime d’indemnisation chômage, même sans doute de l’inscrire comme un principe de gouvernance.
On sait parfaitement quelles sont les dépenses qui plombent le système (financement de Pôle emploi, cout du régime des intermittents, participations aux retraites, contrats très courts répétitifs, etc.).
Mais toute réforme doit prendre en compte la situation existante du marché du travail et, après une légère amélioration en 2017, il régresse en 2018.
Le souhait d’une réduction de la dette de l’Unedic est légitime.
Mais la réduction de cette dette, déjà ancienne, doit-elle porter sur les seuls chômeurs (avec une baisse de l’indemnisation) ?
Ou bien plutôt sur les actifs ?
Ou bien même sur la solidarité nationale, à l’image de la dette de la SNCF vient d’être reprise par l’État ?
Il existe bien une autre manière d’envisager les choses que celle du document de cadrage du gouvernement …
[1] Le détail de la lettre de cadrage précise cette annonce. Elle fixe un objectif du niveau de la dette de l’Unédic en 2021 à 27,58 à 28,58 Md€ au lieu des 30,38 Md€ prévu par l’Unedic en septembre 2018.
[2] Edouard Philippe jeudi 27 septembre 2018 lors de « L’Emission politique » sur France 2.
[3] La CFDT et la CFE-CGC, en particulier, ont fait connaitre leur hostilité à une telle proposition.
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