COMMENT FACILITER L’ACCÈS AUX SOLUTIONS D’ACCOMPAGNEMENT ET DE FORMATION ET À L’EMPLOI DES BÉNÉFICIAIRES DES AIDES SOCIALES ?
Une mission insertion a été lancé pour faire des propositions sur l’accompagnement des bénéficiaires des actions de solidarité des conseils départementaux dont les allocataires du RSA[1]. Elle doit rendre ses conclusions en janvier 2019.
Il s’agit d’une mission de préparation du « cadre contractuel des mesures en matière d’insertion prévues par la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté ». Elle concerne le futur cadre de la relation contractuelle entre l’État et les départements en matière d’insertion.
Le but est de redéfinir un « service public de l’insertion »[2] pour « renforcer les parcours d’insertion et l’orientation ainsi que de faciliter l’accès aux solutions d’accompagnement et de formation et à l’emploi. »
Au côté de l’État et des conseils départementaux, devraient s’engager à renforcer « un accompagnement adapté, régulier et de qualité pour tous » : des collectivités territoriales, la caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), et les acteurs du « service public de l’emploi », dont Pôle emploi.
L’IMPORTANCE QUANTITATIVE DES BÉNÉFICIAIRES DES DISPOSITIFS DE SOLIDARITÉ ET LEUR COUT IMPOSERAIENT DES SOLUTIONS QUALITATIVES
Pour resituer les choses, rappelons, qu’à fin 2017 en France entière, le nombre des allocataires direct du RSA[3] était de l’ordre de 1,85 million[4]. Celui des bénéficiaires de la prime d’activités[5] seule, hors RSA, de 2,44 millions.
Donc au total, ces aides concernaient : 4 300 000 personnes.
Si l’on considère les adultes bénéficiaires en comptant les conjoints on monte à 2,1 millions de RSA et 3,5 millions de primes d’activité, soit environ 5,5 millions.
Si l’on considère le nombre des « personnes couvertes », c’est-à-dire l’allocataire, le conjoint et les personnes à charge, on arrive 3,77 millions de bénéficiaires du RSA et 4,88 millions de bénéficiaires de la prime d’activité, on atteint un total de personnes concernées de 8 650 000 personnes !
Pour mémoire, le « RSA jeune »[6] ne concernait, à fin 2017, que 1 000 jeunes. Ce dispositif reste donc marginal pour les jeunes.
LES FREINS A L’ACCOMPAGNEMENT VERS L’EMPLOI SONT NOMBREUX.
Les objectifs de la mission sont très classiques[7], ils ramènent à des problèmes que l’expérience a déjà mis en évidence. J’en cite ici quelques-uns, en fonction de mon expérience.
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La distinction entre l’accompagnement social (multi critères) et l’accompagnement vers la formation et l’emploi impose de travailler à deux niveaux distincts, avec des personnels n’ayant pas le même profil.
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L’absence d’inscription à Pôle emploi d’une part importante des bénéficiaires directs du RSA, freine la mobilisation du SPE.
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Or, aucun gouvernement ne souhaite l’arrivée de centaines de milliers de bénéficiaires du RSA non-inscrits dans la catégorie « chômeurs », à Pôle emploi…
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La prise en charge des bénéficiaires s’opère de manière très diverse selon les conseils départementaux, avec des structures dédiées ou non. Chacun gère l’accueil et le suivi, comme il le veut ou comme il le peut.
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Les rapports entre les personnels des conseils départementaux et les agents de Pôle emploi sont variables, selon les territoires. De l’inexistence à une collaboration modèle.
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Les Caisses d’allocations familiales ont procédé à la fermeture de leur libre accès et renvoient à des contacts en ligne ou à de rares rendez-vous.
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Etc.
DEPUIS LONGTEMPS, LA SOLUTION EST CONNUE ET SE RÉSUME FACILEMENT.
Il faut une prise en charge « insertion » au sein du Conseil départemental[8], puis la transmission des dossiers concernés à un conseiller emploi de « Pôle emploi » et, enfin, un suivi par ce binôme insertion/emploi de chaque personne en difficulté sociale avec une régularité suffisante.
POUR RÉSOUDRE CES PROBLÈMES, LA QUESTION DES EFFECTIFS SUFFISANTS DOMINE.
A ce jour, Pôle emploi ne semble pas avoir la capacité d’accompagner des centaines de milliers de bénéficiaires du RSA supplémentaires.
Les conseils départementaux n’ont pas les moyens de constituer des équipes pour prendre en charge tous les bénéficiaires des aides dans un délai court et des conditions souhaitables.
La question d’un « service public de l’insertion » débouchant sur un accès à la formation ou à l’emploi apparait difficile à mettre en œuvre au-delà de la réaffirmation de bonnes intentions.
[1] Elle a été confiée à Frédéric Bierry, président du Conseil Départemental du Bas-Rhin et de la Commission Solidarités et Affaires sociales de l’Assemblée des départements de France (ADF). Il est l’auteur du rapport paru en avril 2018 intitulé « Les départements au cœur des politiques de retour à l’emploi ».
[2] Il devrait être mis en place en 2019, comme cela a été annoncé par le Président de la République le 13 septembre 2018.
[3] Le Revenu de Solidarité Active (RSA) a remplacé le Revenu Minimum d’Insertion (RMI), l’allocation de parent isolé (API) et les dispositifs associés d’intéressement à la reprise d’activité.
Il est en vigueur depuis le 1er juin 2009 en France métropolitaine et depuis le 1er janvier 2011 dans les départements d’outre-mer (et le 1er janvier 2012 à Mayotte)
[4] Dont 336 000 bénéficiaires de la prime d’activité.
[5] La prime d’activité (PA), instituée par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, remplace le revenu de solidarité (RSA) activité et la prime pour l’emploi (PPE) à partir du 1er janvier 2016. La PA est un complément de revenu d’activité s’adressant aux travailleurs aux revenus modestes.
[6] Le RSA a été étendu aux jeunes de moins de 25 ans (sous la dénomination de RSA jeunes) sous condition de justifier de deux ans d’activité en équivalent temps plein, au cours des trois dernières années, depuis le 1er septembre 2010. Les cas sont peu nombreux…
[7] Les objectifs de la mission portent sur l’identification des conditions d’amélioration de l’orientation des allocataires du revenu de solidarité active afin de garantir un déclenchement plus rapide de leur accompagnement ; la détermination des outils susceptibles d’être déployés dans le cadre de la contractualisation afin d’améliorer le parcours d’accompagnement des allocataires du RSA ; l’élaboration de référentiels nationaux à déployer au sein des territoires dans le cadre de la Garantie d’activité, nouvelle offre d’accompagnement prévue dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.
[8] Ou d’un sous traitant.
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