L’évolution du salaire minimum obéit à des impératifs de pouvoir d’achat et de lutte contre la pauvreté, mais n’a apparemment pas comme objectif l’emploi.
LA REVALORISATION DU SMIC DEVRAIT SE SITUER AUTOUR DE 1,8% AU 1ER JANVIER 2019
Le rapport annuel du groupe d’experts[1] sur le SMIC vient d’être remis aux partenaires sociaux. Il considère que le « coup de pouce » au 1er janvier 2019 est moins efficace pour lutter contre la pauvreté qu’une hausse de la prime d’activité[2].
Pour répondre à la pauvreté, les experts pensent que la prime d’activité pour les personnes qui travaillent « peu » doit être une priorité plutôt que l’augmentation du salaire minimum. Ils sont plutôt favorables à l’augmentation de l’écart du SMIC par rapport au salaire moyen.
Ils rappellent que « le salaire minimum français s’avère, en valeur nette, parmi les plus élevés dans les pays de l’OCDE ». Ils préconisent, par ailleurs, une remise à plat des règles de revalorisation du salaire minimum.
La revalorisation mécanique prévue devrait être « d’environ 1,8% » après 1,24% au 1er janvier 2018. L’annonce précise de la hausse devrait avoir lieu lors de la tenue de la Commission nationale de la Négociation collective du 19 décembre sur le SMIC et les minimas de branches.
Anecdote : le Premier ministre a annoncé une hausse de 3% sur le SMIC net à compter du 1er janvier 2019. Mais, pour parvenir à ce chiffre de hausse, il a ajouté à la revalorisation annuelle la baisse des cotisations salariales et la prime d’activité. Cette présentation est sans doute fort discutable…
UN DÉBAT SUR LA HAUSSE DU SMIC SE TROUVE ROUVERT
Le mouvement de contestation des « gilets jaunes » a intégré, dans ses divers programmes, la question de l’augmentation du SMIC. Un débat a été ouvert à nouveau sur le niveau de la hausse du SMIC au 1er janvier 2019, qui donnerait du pouvoir d’achat aux « bas salaires ».
La hausse du SMIC augmente évidemment la masse salariale des entreprises et des associations. En effet, elle concerne les salariés au salaire minimum, mais impacte aussi, dans les faits, ceux qui en sont proches (entre le SMIC et 1,6 fois le SMIC), mais qui aspirent à garder le même écart avec le SMIC… La cible concernée est nettement plus importante que les 11% de salariés strictement au salaire minimum[3].
Néanmoins, comme la hausse de salaire des autres salariés est moindre, le SMIC s’est rapproché, au cours des années, progressivement du salaire médian, il en résulte une compression des bas salaires.
L’augmentation imposée de la masse salariale conduit souvent des employeurs à supprimer des postes d’une manière ou d’une autre pour contenir la masse salariale et sauvegarder l’entreprise[4].
À ce titre, si l’augmentation[5] dépasse la revalorisation automatique prévue à environ 1,8%[6], elle impacterait l’emploi à court terme. En résumé, les employeurs supprimeraient des postes pour « mieux payer » ceux qui restent et bénéficient d’une augmentation.
Les partenaires sociaux échangent sur ce point.
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La CGT revendique en effet une augmentation de 20% du SMIC avec un passage de près de 1 500 à 1 800 € brut mensuel.
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Le MEDEF demande que si la hausse du SMIC est plus forte que prévu, elle soit compensée par une baisse des cotisations patronales.« Si la hausse du SMIC est payée par les entreprises, cela se traduira par des destructions d’emplois » affirme le président du Medef (05/12/18).
LA HAUSSE DU SMIC A UN EFFET INDIRECT SUR LE NOMBRE DES EMPLOIS
Une hausse du SMIC a, par ailleurs, pour effet de réduire le nombre d’emplois proposés par les entreprises, si ce n’est à abandonner des postes lors de remplacements. Des études sur le sujet évoquent 20 000 emplois peu qualifiés supprimés par point supplémentaire de SMIC. D’autres parlent de 2 000 emplois supprimés. La mesure est difficile.
Pour une hausse de 1,8%, cela donne une fourchette comprise entre 3 500 et 35 000 postes supprimés. Pour 20%, entre 40 000 et 400 000 emplois, si l’on conserve ces ratios, pour une augmentation aussi massive.
Certains professionnels pensent plus généralement que le niveau élevé du salaire minimum serait une l’une des causes structurelles du chômage en France. L’écart avec les pays voisins, ayant des taux de chômage beaucoup plus bas, alimente l’identification de ces causes structurelles.
Enfin, la question d’un salaire minimum spécifique pour les jeunes débutants, formule qui existe dans de nombreux pas n’est plus à l’ordre du jour après la tentative de « contrat première embauche (CPE) », abandonnée en 2006. Certains experts pensent que c’est l’une des causes du chômage des jeunes sans qualification, qui mettent plusieurs années à entrer de manière stable sur le marché du travail (CDD, etc.).
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La question de la relation entre salaire minimum et emploi mérite d’être travaillée avec soin. En particulier, le niveau actuel du salaire minimum n’est-il pas l’un des motifs du recours à des faux « indépendants » par les plateformes ?
[1] Ce groupe a été mis en place en 2013. Il se compose notamment des économistes Gilbert Cette, professeur d’économie à l’université d’Aix-Marseille, Andrea Garnero (OCDE), Isabelle Méjean (Crest), Marie-Claire Villeval (CNRS) et André Zylberberg (CNRS et École d’économie de Paris).
[2] La prime d’activité est le fruit de la fusion du RSA activité et de la prime pour l’emploi, elle est destinée à compléter les revenus de salariés à temps partiel et/ou travaillant de manière irrégulière.
[3] Une critique du comité d’expert porte sur un effet de « trappe » dans la mesure où certains voit leur salaire évoluer et d’autres restent au salaire minimum sans évoluer.
[4] L’application des augmentations salariales par branche produisent parfois les mêmes effets de suppression de postes par certaine entreprises dont la situation ne permet pas de faire face aux augmentations décidées.
[5] Le dernier « coup de pouce » au SMIC date du 1er juillet 2012 (promesse de François Hollande à son arrivée).
[6] Dans le détail, le SMIC bénéficie chaque 1er janvier d’une hausse mécanique, qui est établie en prenant en compte deux critères : l’inflation hors tabac pour les 20 % de ménages aux revenus les plus faibles et la moitié du gain de pouvoir d’achat du salaire horaire de base ouvrier et employé (SHBOE).
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