DES ÉVOLUTIONS S’IMPOSENT DANS LE DOMAINE DE L’ENVIRONNEMENT, RESTE À CHOISIR LES PISTES À SUIVRE.
Des propositions font désormais quasiment consensus : il faut développer la production d’énergies renouvelables, réduire certaines consommations pour jouer sur le volume[1], gérer la production et la distribution d’une eau de qualité, puis son assainissement, collecter et traiter les déchets, réparer et reconditionner des équipements, développer les transports publics urbains, etc.
L’objet profond de ces démarches repose sur l’intérêt général (tenter de prévenir le désordre climatique), la santé publique, le rétablissement de la balance commerciale, etc.
L’ensemble est paré de l’étiquette de la « transition écologique ». Ce terme répond, à mon sens, à une exigence de communication politique, qui mélange à grand tort des objets différents. On peut également citer comme exemple le discours d’habillage sur le « nouveau modèle productif et social » [2]…
Le nom que l’on donne aux choses peut parfois induire en erreur.
Ces évolutions sont souhaitables, mais plusieurs pistes existent sur chaque thème. De plus, les contraintes de rentabilité des activités demeurent et il faut les intégrer, donc prendre les choses par le bon bout.
L’annonce des grandes orientations de la « Programmation pluriannuelle de l’Énergie » (PPE) par le président de la République (27 novembre) a donné une première idée de ce qui devrait primer dans les années à venir : poursuite du nucléaire, mais réduit en part de production, développement des énergies renouvelables, innovations possibles, efforts de recherche, etc.
LA CLASSIFICATION DES EMPLOIS COMME « VERTS » OU « VERDISSANT » APPARAIT COMME UN SIMPLE JEU, QUI OCCULTE LA RÉALITÉ
Le discours politique met en avant, de manière récurrente, la potentielle création d’emplois « verts » liée à ces évolutions. Les premiers résultats attendus n’ont pas été au rendez-vous[3], comment se pose la question aujourd’hui ?
Selon le président de l’établissement public en charge du sujet, l’Ademe[4] :
« L’impact de la transition écologique est positif sur l’emploi, avec l’espoir de 900 000 emplois verts supplémentaires en 2050. »
Pour juger de ce pronostic improbable, il faut s’efforcer de distinguer :
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quels emplois constituent une simple, mais nécessaire, évolution des métiers et, peut-être, de leurs effectifs et
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quels emplois correspondent à des métiers réellement nouveaux.
Les études actuelles mettent en avant la perspective de créations d’emplois dans les énergies renouvelables (notamment bois-énergie et méthanisation), la rénovation thermique des bâtiments, les transports collectifs et l’installation de bornes de recharges électriques. Et également, la croissance de la part de l’agriculture bio, avec la conversion en cours des exploitations agricoles, serait a priori porteuse de création d’emplois.
Par contre, l’Ademe attend des pertes d’emplois dans l’entretien et la réparation des automobiles ainsi que dans le transport routier de marchandises.
On assiste davantage à une évolution des métiers, comme il y en a assez régulièrement, plutôt qu’à la création de métiers nouveaux. Même s’il en existe quelques-uns[5].
Dire que le métier d’un soudeur est « vert » parce qu’il intervient sur l’installation d’une éolienne est un simple artifice, de même pour un menuisier, qui pose des fenêtres à bonne performance thermique, est « verdissant » relève du jeu de mots ; sans parler du chauffagiste qui met en place un nouveau type de chaudière…
LE PLAN DE FORMATION SPÉCIFIQUE, MIS EN PLACE PAR LE GOUVERNEMENT, EST D’AILLEURS LIMITÉ
Les principales mesures mises en place par le gouvernement sont : le financement par Pôle emploi de 10 000 formations dans le cadre des préparations opérationnelles aux emplois de la transition écologique ; l’intensification de la formation des salariés en insertion par l’activité économique dans les champs du recyclage, de l’économie circulaire et des ressourceries et le cofinancement par le Plan d’investissement de la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) des filières, afin de mieux identifier les nouveaux besoins des entreprises
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Le lancement par le ministère du programme de formation de 10 000 personnes à ces métiers, intitulé « 10Kvert »[6], est ciblé sur les jeunes et les demandeurs d’emploi. Les compétences préparées par ces formations sont citées par le ministère du Travail. Elles sont assez pointues[7]. Citons à titre d’exemple la formation aux « Nouveaux gestes des terrassiers, pour préserver la biodiversité ou économiser les matériaux non renouvelables. »…
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Dans le domaine de l’insertion par l’activité économique (IAE), ce plan inclut la formation de salariés dans « le champ du recyclage, de l’économie circulaire et des ressourceries (lieux où sont collectés les objets dont les propriétaires n’ont plus besoin. Ils sont remis en état, recyclés, transformés… Cela permet de donner une seconde vie aux objets et réduit les déchets). »
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L’actualisation « des référentiels des métiers et les certifications» est la bienvenue. Mais elle n’apporte qu’une formalisation de ce qui existe déjà. Il s’agit, par exemple, de la création du titre professionnel de « chargé d’affaires en rénovation énergétique du bâtiment » ou de la révision du titre de « technicien de maintenance d’équipements de chauffage, climatisation et énergie renouvelables ». Il s’agit d’une formalisation de fonction déjà existante dans un référentiel métier.
LES INSTANCES PUBLIQUES EN CHARGE DE LA PRÉVISION DES « EMPLOIS VERTS » SEMBLENT UN PEU TROP NOMBREUSES PAR RAPPORT À UNE RÉALITÉ ASSEZ MINCE…
Les comités installés apparaissent bien nombreux !
À côté du travail de l’ADEME, une mission sur le « Plan de programmation de l’emploi et des compétences » a été confiée à une ancienne présidente du Medef[8] et un Comité AcTE a été mis en place.
Par ailleurs, a été créé en 2010, « l’observatoire national des emplois et métiers de l’économie verte (Onemev) » avec pour objet « d’identifier et de mieux cerner les emplois de l’économie verte dans un contexte de réorientation de notre modèle économique national »[9]. L’Onemev est un outil d’observation et de mesure. Le rapport d’activité 2017 de l’observatoire national des emplois et métiers de l’économie verte donne une bonne idée de ses travaux[10]. Il rassemble déjà tous les partenaires[11]
s’y ajoute également, le Commissariat général au Développement Durable (CGDD) mis en place en 2008 qui « éclaire et alimente, par la production de données et de connaissances, l’action du ministère sur l’ensemble de ses champs de compétences. »
Les efforts pour observer l’« emploi vert » semblent dépasser les enjeux économiques et sociaux pour constituer une question politique.
[1] Par exemple : isolation thermique des Bâtiments, dans le cadre de la rénovation thermique des logements, modification de l’éclairage public…
[2] « L’invention d’un nouveau modèle productif et social plus respectueux de l’environnement est une nécessité. Il s’agit de renouveler nos façons de consommer, de produire, de travailler, de vivre ensemble, pour répondre aux grands enjeux du changement climatique. La transition écologique est aussi une question d’emploi et de compétences. » – Communiqué de Muriel Pénicaud du 14 mai 2018.
[3] Lire : « Les effectifs des « professions vertes » restent limités et leur progression modeste » – 03/02/17 –http://bit.ly/2jFeAQb
[4] ADEME : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Elle produit des études prospectives s’efforçant d’évaluer les évolutions sur le marché de l’emploi, tant sur le plan qualitatif que quantitatif.
[5] « Dans la biomasse forestière, il y a un vrai problème de main-d’œuvre » Président de l’ADEME
[6] Le programme « 10Kverts » a été lancé en mai 2018, pour financer 10 000 formations aux emplois verts (à finalité environnementale) et verdissants (dont l’exercice évolue avec les nouveaux enjeux environnementaux).
[7] « Tri des déchets pour des activités professionnelles et chantiers propres et l’économie circulaire ; Utilisation de produits plus respectueux de l’environnement, utilisation de biomatériaux dans le bâtiment ; Entretien, maintenance et recyclage dans le secteur automobile ; Agriculteurs qui se lancent dans la méthanisation de la biomasse ; Installation de nouveaux matériels performants : chaudière à condensation, pompes à chaleur, outils de comptage intelligents… ; Nouveaux gestes des terrassiers, pour préserver la biodiversité ou économiser les matériaux non renouvelables. » – Communiqué de Muriel Pénicaud du 14 mai 2018.
[8] « Par ailleurs, avec Muriel Pénicaud, nous avons également confié à Laurence Parisot le soin de bâtir le Plan de programmation de l’emploi et des compétences prévu par la loi pour la Transition énergétique pour la croissance verte de 2015, pour préparer nos filières à ces grandes mutations. C’est aussi la mission du Comité AcTE, constitué de 15 personnalités du monde socio-économique et que j’ai installé le vendredi 30 mars 2018, de nous aider à accélérer cette dynamique et à bâtir la croissance économique de demain. » – Nicolas Hulot encore ministre.
[9] « Ses travaux s’inscrivent pleinement dans le contexte actuel de transition écologique et énergétique. »
Consulter : https://bit.ly/2FRpgXh
[10] Rapport d’activité 2017 de l’observatoire national des emplois et métiers de l’économie verte – www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr
[11] L’observatoire est animé par le service statistique du ministère en charge de l’écologie. « Il rassemble des représentants du ministère, de l’institut national de la statistique et des études économiques, de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, de la direction générale du Trésor, de Pôle emploi, du centre d’études et de recherche sur l’emploi et les qualifications, de France stratégie, de l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, de l’association pour la formation professionnelle des adultes, de l’alliance villes emploi, du centre national de la fonction publique territoriale, ainsi que des représentants d’observatoires régionaux compétents sur l’emploi et la formation. »
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