IL MANQUE À L’ENQUÊTE BMO 2019 UN VOLET SUR LES PRÉVISIONS DE DÉPART DES ENTREPRISES POUR COMPARER ENTRÉES ET SORTIES.
Pôle emploi vient de publier son enquête annuelle sur les besoins en main-d’œuvre pour 2019 (BMO 2019)[1]. Ces résultats constituent l’un des indicateurs du marché du travail. Cette prévision concerne des prévisions d’embauche d’entreprises. Toutes ne se concrétisent pas, mais cela donne une idée du moral des recruteurs ayant répondu.
Par ailleurs, comme il n’existe pas d’enquête sur les prévisions du nombre des départs des entreprises (retraite, fin de contrats, démissions, ruptures transactionnelles, licenciements, PSE ou inaptitude, etc.), il n’existe pas de comparaison entre les entrées en poste et les sorties sur une période donnée.
La seule comparaison possible se fait en rapprochant des chiffres d’une année sur l’autre. Ce qui donne une indication de tendance à détailler selon le type de contrat, les métiers, les secteurs, etc.
Le tableau ci-dessous indique la répartition des projets de recrutement en 2019 par grands secteurs. Il témoigne d’une assez grande stabilité. Le pourcentage d’évolution entre 2018 et 2019 concerne les prévisions et non les embauches qui se sont concrétisées en 2018.
Secteur |
% des intentions |
Dynamique |
Services aux particuliers |
37,0 % |
+12% |
Services aux entreprises |
25,8 % |
+20% |
Commerce |
12,1 % |
+11% |
Agriculture |
9,4 % |
+8% |
Industrie |
9,0 % |
+20% |
Construction |
6,6 % |
+26% |
Sur 2,7 millions de projets d’embauche annoncés par des entreprises pour 2019 :
-
45% sont en en CDI,
-
20% en CDD de plus de 6 mois),
-
35% en emplois temporaires (contrats de moins de 6 mois).
L’augmentation globale est de 14,8%, mais seulement de 3,5% pour les CDI. La part des temps pleins et des temps partiels n’est pas précisée, ce qui relativise également ces chiffres.
DE NOMBREUX COMMENTAIRES SUR LES RÉSULTATS DE BMO 2019 SONT FAUX
Les commentaires d’une bonne part des journalistes sur cette enquête laissent rêveurs, ils ne livrent pas un diagnostic objectif.
Pour donner une idée, voici quelques citations parues dans le Monde[2] :
« La France, pays du chômage de masse, devient le pays de l’embauche »
« Les entreprises prévoient d’embaucher 2,7 millions de personnes en 2019, une embellie spectaculaire… »
« La liste des métiers les plus recherchés par les entreprises en 2019 laisse rêveur : viticulteur, agent d’entretien, serveur, animateur socioculturel, aide-ménagère, artiste, cuisinier, informaticien… Il y en a pour tous les goûts et toutes les compétences. »
« Cette embellie (…) s’explique par la combinaison du retour de la croissance et de cinq ans de mesures en faveur des entreprises, tant sur le plan financier que social. »
Tout se passe comme si la publication de ces résultats de BMO 2019 était employée comme un argument de propagande gouvernementale qui est relayée par des journalistes complaisants ou ignorants ou à la recherche de bonnes nouvelles. Le contexte de la période de sortie du « grand débat nationale » et la campagne pour l’élection européenne donne à ces propos un cadre idéal.
Les données de BMO sont intéressantes et sérieuses, sans aucun doute, leur présentation est orientée[3] et les commentaires souvent inexacts.
Sans polémiquer, rappelons que chacun sait on sait que le taux de croissance doit chuter officiellement à 1,4% en 2019, que tous les métiers ne sont pas concernés par les intentions d’embauche (voir l’enquête[4]), que l’embauche ne réduit pas le chômage compte tenu de la faible part de création de postes parmi ces recrutements.
BMO 2019 NE DONNE PAS LA PART DES PRÉVISIONS DE CRÉATION DE POSTES.
C’est pourtant le point clé qui conditionne la baisse des effectifs au chômage. Il importe de faire la part entre les remplacements sur un poste, ayant éventuellement évolué dans sa définition, et les créations de postes.
LA HAUSSE DES INTENTIONS DE RECRUTEMENT TRADUIT LE FLUX DES DÉPARTS EN RETRAITE ET LA CROISSANCE DE LA MOBILITÉ PROFESSIONNELLE
BMO 2019 comptabilise une hausse des intentions d’embauche de +350 000 en 2019 soit +14,8%.
Il ne faut pas s’y tromper : cette estimation comprend concerne essentiellement des remplacements et très secondairement des créations de postes (pour référence, + 150 000 postes en 2018).
Les remplacements s’expliquent par
-
des départs en retraite,
-
des fins de contrat court ou non,
-
des ruptures transactionnelles ou des,
-
des démissions.
Ceux-ci augmentent effectivement. C’est ce qui explique ce chiffre qui reste à concrétiser au cours de l’année. Le reste des chiffres traduit des phénomènes divers et il est difficile d’en tirer de grandes conclusions.
Par exemple, les services aux particuliers constituent le 1er secteur recruteur avec 37% de l’ensemble des intentions d’embauche, soit 997 500 projets. Les projets de recrutement y progressent de +12% par rapport à 2018. Mais on sait que les effectifs des « services à la personne » diminuent depuis plusieurs années.
Le chiffre des prévisions de recrutement ne traduit que la mobilité des personnels concernés !
[1] « Chaque année, Pôle emploi adresse un questionnaire à plus de 1,6 million d’établissements afin de connaître leurs besoins en recrutement par secteur d’activité et par bassin d’emploi. Cette enquête est un élément essentiel de connaissance du marché du travail. Elle permet entre autres : d’anticiper les difficultés de recrutement ; d’améliorer l’orientation des demandeurs d’emploi vers des formations ou des métiers en adéquation avec les besoins du marché du travail ; d’informer les demandeurs d’emploi sur l’évolution de leur marché du travail et les métiers porteurs. » http://statistiques.pole-emploi.org/bmo
[2] Le choix de cet article a été réalisé un peu au hasard, car il y en a des dizaines d’autres de la même eau dans les quotidiens, radios ou télévisions. https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/04/12/la-france-pays-du-chomage-de-masse-devient-le-pays-de-l-embauche_5449168_3234.html
[3] « C’est le plus fort volume d’intentions d’embauche » de la décennie. – Le directeur général de Pôle Emploi
[4] Le « top » des projets de recrutement non saisonniers en 2019 concerne : les agents d’entretien de locaux, les aides à domicile et aides ménagères et les aides-soignants, les aides et apprentis de cuisine, employés polyvalents de la restauration ou les serveurs de cafés restaurants, les employés de libre-service, les ouvriers non qualifiés de l’emballage et manutentionnaires, les conducteurs routiers, les cadres de l’informatique (Ingénieurs et cadres d’étude, R&D en informatique, chefs de projets) …
Pas de commentaire sur “Comment l’enquête BMO débouche parfois sur des conclusions erronées ?”