UN DOUBLE DISCOURS APPARAIT DANS LE DOMAINE DU TRAVAIL.
Les positions défendues par la France, au travers du discours d’Emmanuel Macron, au niveau international, concernant le Travail, peuvent parfois surprendre, tant elles apparaissent en désaccord avec la politique sociale et économique qu’il conduit dans notre pays.
A Genève, le 11 juin, devant l’Organisation internationale du travail (OIT), Emmanuel Macron vient de dénoncer de manière, très large, mais vague, les dérives du capitalisme :
« Quelque chose ne fonctionne plus dans ce capitalisme qui profite de plus en plus à quelques-uns. Je ne veux plus que nous considérions que le sujet d’ajustement économique et de la dette prévaut sur les droits sociaux »
« On ne peut pas défendre ce que je dis à l’OIT et dire ensuite au FMI ou autour de la table du Conseil européen ‘vous allez vous ajuster face à la crise financière et réduire vos droits sociaux’. Ça doit être terminé » [1]
Il a réclamé le retour à une « économie sociale de marché où chacun trouve sa part ».
Contrairement aux titres de la presse Macron n’a pas dit que le capitalisme était « devenu fou », tout au contraire, il a dénoncé les discours populistes à ce propos[2].
Sans discuter ces déclarations un peu trop globales pour être valables, on notera que le rédacteur de ce discours, à tonalité marxiste, ne devait pas être le même qu’à l’accoutumée.
Le propos s’est conclu sur la présentation d’un risque de chaos général[3], dont il a pris l’habitude, et cette fois-ci il a évoqué : des risques de guerres, de généralisation de régimes autoritaires, etc.[4]
La déclaration d’Angela Merkel en faveur de la justice sociale me semble avoir été beaucoup plus pertinente.
« Il n’y a aucun doute sur le fait que ce sont les nations industrielles, en particulier, qui tirent profit de la mondialisation, et de la division internationale du travail. Et c’est pour cette raison, que ces nations industrielles, ont l’obligation non seulement d’assurer des conditions de travail équitables chez elles, mais aussi de pousser à leur application ailleurs, à chaque endroit de la chaîne logistique mondiale. »
LES TRAVAUX DU G7 SOCIAL PROPOSENT 4 AXES CONCRETS
Le communiqué[5] adopté par les membres du « G7 Social »[6] apparait beaucoup plus réaliste[7]. Un accord de principe visant à « agir ensemble pour réduire les inégalités sociales dans la mondialisation » a été adopté. Il porte sur quelques axes assez classiques :
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« Renforcer la coopération multilatérale pour réduire les inégalités sociales,
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Soutenir l’accès universel à une protection sociale adaptée aux mutations du travail,
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Préparer les individus aux transformations numériques,
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Assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. »
Rien à dire sur ces bonnes intentions, sauf que leur concrétisation reste assez théorique, comme dans toutes les négociations internationales. Chacun prendra les choses à sa manière.
Par exemple, « les membres du G7 se sont accordés sur l’importance de garantir des conditions de travail décentes aux travailleurs des plateformes, quel que soit leur statut. Ils encourageront le partage des expériences nationales et la recherche de solutions internationales compatibles avec les principes et droits fondamentaux au travail. »
Les garanties sur les « conditions de travail décentes des travailleurs des plateformes » restent à définir ! Un objectif, mais pas de solution…
LES CONSÉQUENCES DES DÉCLARATIONS INTERNATIONALES RESTENT INCERTAINES
Ces incertitudes pèsent sur les accords sur le climat, le contrôle des armements, etc. comme sur l’organisation du travail.
Les efforts déployés lors de ces multiples conférences internationales[8], sur des objectifs de bon sens, sont à saluer. Mais leur concrétisation reste peu probable dans un monde très divisé en termes de modèles économiques et sociaux (régimes autoritaires ou totalitaires, pays ne respectant pas les droits des femmes, etc.) dans un contexte d’échanges commerciaux parfois discutables (dumping).
C’est sans doute à cause de cela que se profilent désormais progressivement des modes de contrôles ou de limitations de la mondialisation dans les politiques, car un cap a été franchi et la situation actuelle sera probablement amenée à changer.
Ces transformations concernent à la fois le capitalisme des multinationales (discours de Macron), mais aussi, et surtout, les politiques publiques des différents États.
Ces évolutions impacteront les activités économiques et par conséquent les emplois. La question reste de savoir quelles priorités seront choisies.
[1] « Ou dire à l’OMC : “c’est formidable le commerce, il faut négocier des accords avec tout le monde, quelle que soit leur sensibilité sociale et environnementale. Et vive le dumping, ça ira mieux, ça enrichit tout le monde” » – Emmanuel Macron.
[2] « Quand le peuple ne trouve plus sa part de progrès », il peut être « attiré par l’autoritarisme, qui dit : “la démocratie ne vous protège plus contre les inégalités de ce capitalisme devenu fou. Nous allons faire des murs, des frontières, sortir de ce multilatéralisme, il est mou”. » – Emmanuel Macron.
[3] Le Premier ministre russe a été dans le même sens en déclarant : « Le comportement de certains pays dans les domaines du commerce, de l’économie, devient plus agressif (…) L’ordre mondial, qui a été construit pendant des décennies, est aujourd’hui en danger. »
Cette analyse russe provient évidemment des difficultés économiques du pays, mais aussi des conséquences des sanctions dont le pays est l’objet, suite à sa politique d’annexion territoriale et d’interventions extérieures.
[4] « La crise que nous vivons peut conduire à la guerre et à la désagrégation des démocraties. » – Emmanuel Macron.
[5] Communiqué ministère du Travail | publié le 07.06.19
[6] La France préside actuellement le G7 qui réunit l’Allemagne, le Canada, les États-Unis, la Grande Bretagne, l’Italie, le Japon et la France. La Russie a été écartée suite à l’annexion d’une partie de l’Ukraine.
[7] « A travers nos engagements, nous avons aujourd’hui posé les jalons d’une coopération renforcée pour lutter contre les inégalités sociales dans la mondialisation […] La mobilisation de l’ensemble des acteurs devra se poursuivre tout au long de l’année afin de construire un avenir du travail plus durable et inclusif » – Muriel Pénicaud, ministre du Travail.
[8] « Les engagements issus de cette déclaration seront présentés lors du Sommet des chefs d’État de Biarritz du 24 au 26 août. Ils seront également pris en compte à l’occasion d’autres évènements internationaux organisés en 2019 :
- La conférence internationale du Travail, prévue du 10 au 21 juin à Genève, dans le contexte du centenaire de l’OIT.
- L’Assemblée générale des Nations-Unies le 18 septembre à New York
- La réunion des ministres du Travail du G20, prévue le 1 et 2 septembre 2019 au Japon »
« Pour la première fois lors d’un G7 ou d’un G20, une déclaration tripartite entre les membres du G7 et les organisations internationales des travailleurs et des employeurs a également été adoptée en faveur de la réduction des inégalités sociales. Elle s’inscrit dans le prolongement des engagements pris par les membres du G7 dans leur communiqué. Elle constitue un signal fort à la veille du Centenaire de l’Organisation internationale du Travail. » Muriel Pénicaud, ministre du Travail
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