Le président du MEDEF[1], dans un entretien accordé au quotidien « L’Opinion », clarifie bien ses positions par rapport à la réforme annoncée de l’assurance-chômage. Elle apparait peu compatible avec les positions des syndicat.
UN SOUTIEN A LA POLITIQUE MENÉE
Parmi ses diverses affirmations, le président du MEDEF apporte clairement son soutien à la politique menée par Macron[2].
« Nous partageons le diagnostic du gouvernement, et nous sommes donc à l’aise avec ses choix pour inciter les demandeurs d’emploi à retrouver plus facilement un emploi. La France ne transforme pas assez sa croissance en emplois. Il y avait lieu d’agir, et Emmanuel Macron l’a fait. »
L’incitation des demandeurs d’emploi à retrouver un emploi fait partie du discours commun entre patronat et gouvernement comme celui portant, d’une manière globalisante, sur les « postes non pourvus ».
Ces affirmations continuent à faire semblant d’ignorer l’absence d’un nombre suffisant d’offres d’emploi lié à la fois à la faible croissance (1,3% en 2019), à l’augmentation du nombre des actifs et à l’évolution des métiers (numérique, etc.).
Nier le chômage de masse en culpabilisant les chômeurs dans leur ensemble ne tient pas lieu de solution.
Ses positions ne font pas l’unanimité dans le monde patronal.
UNE CRITIQUE DE PRINCIPE SUR LE BONUS-MALUS DES CONTRATS COURTS
Sa principale critique porte sur le système de bonus-malus sur les contrats courts auquel il demeure hostile[3].
« Le bonus-malus (…) est un système complexe qui n’aura aucune influence sur le comportement des entreprises. » (…) « Intellectuellement, le bonus-malus est peut-être une solution satisfaisante, mais c’est une vision d’universitaire, loin des contraintes de la réalité. »
Il ajoute à ce propos deux critiques :
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« Le bonus-malus est injuste, car il ne s’appliquera pas à la fonction publique. »
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« Le plus grand système de contrats courts organisé – avec la complicité du gouvernement — est le système des intermittents. Il en est aussi exclu ! »
Dans la réalité, la négociation menée entre le patronat et le gouvernement sur le « bonus-malus des contrats courts » a tourné au bénéfice du patronat :
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Pas de mesure générale, mais seule sept secteurs concernés[4].
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Exemption pour les entreprises de moins de 11 salariés et les contrats d’apprentissage/insertion/professionnalisation.
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Variation des cotisations « entre 3 et 5 % de la masse salariale, en fonction de la pratique de l’entreprise», ce qui ne changera en rien les comportements vu le faible montant du malus.
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UNE DEMANDE DE DIMINUTION DES COTISATIONS POUR LES CADRES
Le président du Medef ne remet pas vraiment en cause la dégressivité des allocations pour les cadres[5], mais il demande qu’elle soit accompagnée d’une baisse des cotisations des personnes concernées, ce qui n’est pas prévu.
En filigrane apparait la constitution d’offres d’assurance chômage privées pour les cadres qu’il convient de solvabiliser par la réduction de cotisation. Cette évolution mettrait un terme au principe de solidarité inter catégorielle. Mais la mesure de dégressivité qui a été prise pousse logiquement à cette solution.
LE SOUHAIT DE REVOIR LA GOUVERNANCE DE L’UNEDIC
Enfin, il appelle à revoir la gouvernance de l’Unédic « au sein de laquelle nous n’avons que l’apparence de la décision »[6]. Le Medef souhaite retrouver davantage de pouvoirs !
« Le régime n’est plus assurantiel. On est aujourd’hui dans un mélange de solidarité et de financement des entreprises. On ne devrait plus parler d’assurance-chômage, mais d’indemnisation. »
C’est la position que je défends, sur ce blog, depuis la suppression de la cotisation salariale d’assurance chômage.
Le président du Medef ne souhaite pas quitter l’Unédic, dans la mesure où les entreprises versent encore des cotisations patronales pour financer le régime.
Par le passé, il avait formulé la proposition de séparer, d’une part, une indemnisation d’état (financé par l’impôt) et, d’autre part, une indemnisation employeurs (financée par les cotisations patronales), mais cette idée n’a pas été retenue.
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La réforme engagée va a priori conduire à divers ajustements dans l’accès à l’indemnisation et les comportements. Le nombre de chômeurs indemnisés pourrait décroitre sensiblement, sauf arrivée massive de salariés démissionnaires.
Mais la baisse des inscrits à Pôle emploi, indemnisés ou non, reste une totale interrogation.
[1] La réforme de l’assurance chômage est courageuse, mais dangereuse – Geoffroy Roux de Bézieux (Medef) https://bit.ly/2x3kf6Q
[2] Il considère Macron comme un réformateur : « Sur le champ du social en tout cas, oui. » « Je constate que les dispositions présentées aujourd’hui forment une réforme d’ampleur. »
[3] « Je rappelle que le bonus-malus était une promesse présidentielle, sur laquelle Emmanuel Macron n’a rien lâché. »
[4] « Un système de bonus malus dans les sept secteurs qui génèrent le plus de précarité : l’agro-alimentaire, y compris boisson et tabac, la production et la distribution d’eau, l’assainissement et la gestion des déchets, une série d’activités spécialisées dont la publicité, l’hébergement et la restauration, les transports et l’entreposage, le travail du bois, l’industrie du papier et l’imprimerie, la fabrication des produits en caoutchouc et plastique » – La ministre du Travail
[5] « Difficile à mesurer. Mais il faut s’attendre à un renchérissement des ruptures conventionnelles. Les cadres vont demander plus en indemnités de départ, pour compenser les pertes. »
[6] «J’ai proposé aujourd’hui aux syndicats de salariés de travailler sur la réforme de la gouvernance [de l’Unédic]. Le Premier ministre s’est dit ouvert à la discussion. »
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