83% DES RECRUTEMENT NE POSENT PAS DE DIFFICULTÉS PARTICULIÈRES.
Le thème des difficultés de recrutement tourne en boucle au niveau de responsables politiques, de journalistes et de quelques responsables patronaux depuis environ deux ans.
Des difficultés de recrutement existent sur certains métiers ou fonctions, sur certains territoires ou par rapport à des profils particuliers et il ne s’agit en aucun cas d’une nouveauté. Mais, là où le discours dérape, c’est lorsque l’on passe à une mise en cause des chômeurs qui ne se présenterait pas les postes auxquels ils sont destinés.
Une récente publication du Ministère du Travail[1] remet très bien les choses en place.
83% des recrutements sont considérées comme n’ayant pas posé de difficultés particulières.
31% des recrutements ont été jugés respectivement peu difficiles et 52% faciles.
Ces chiffres ont trois ans, ils ont sans doute un peu évolué ; mais ils présentent l’avantage de prendre le recul sur la satisfaction des recrutements. L’analyse globale des recrutements reste tout à fait pertinente.
Les explications de la DARES apparaissent fort judicieuses.
« La coexistence d’emplois vacants et de chômeurs en nombres élevés est souvent mise en avant comme le reflet d’un mauvais fonctionnement du marché du travail. Or, le processus de rencontre entre offreurs et demandeurs d’emploi prend naturellement du temps, puisque les parties en présence doivent acquérir de l’information l’une sur l’autre.
Un certain niveau « frictionnel[2] » de chômage et d’emplois vacants peuvent ainsi coexister. Seuls les emplois durablement vacants et les abandons de recrutement sont le signe de véritables difficultés de recrutement »
« Les difficultés de recrutement sont souvent attribuées au manque de candidatures ou à l’inadéquation du profil des candidats avec les attentes des recruteurs[3]. Cependant, l’inexpérience des recruteurs[4] et le manque de moyens qu’ils sont en mesure d’affecter à l’embauche peuvent aussi être en cause. »
Ce diagnostic des services ministère du Travail du semble bien en phase avec la réalité actuelle du monde du travail.
Il est conforme avec les commentaires de Pôle emploi concernant les offres d’emploi soit retirées pour différents motifs, soit restant non pourvues.
SEULS 17 % DES RECRUTEMENTS SONT JUGÉS DIFFICILES
Parmi les 17 % de recrutements jugés difficiles : 14 % sont plutôt difficiles et 3 % très difficiles[5]. Les difficultés ne concernent qu’un recrutement sur 6.
Les sources des difficultés les plus souvent citées, de façon souvent combinée, sont :
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Le manque de candidatures en nombre,
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L’inadéquation entre les profils des candidats et les attentes du recruteur, en matière de formation, d’expérience, de qualités personnelles, de compétences techniques, etc. et
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Les caractéristiques du poste, en termes de rémunération, de contenu, de conditions et de lieu de travail, etc.
LES RECRUTEMENTS JUGÉS DIFFICILES SE CONCENTRENT SUR QUELQUES DOMAINES PROFESSIONNELS.
Les difficultés apparaissent le plus élevées, 33%, pour les postes d’ingénieurs et de cadres de l’industrie. Mais, de fait, le nombre de postes concernés est relativement faible compte tenu des fonctions.
Les secteurs pour lesquels la difficulté est estimée à plus du quart des recrutements, à la date de l’enquête, sont les matériaux souples, du bois et des industries graphiques (29 %), pour des postes d’ouvriers qualifiés, l’informatique (29 %), principalement pour des postes de cadres ou de techniciens, la maintenance (26 %), le plus souvent de cadres ou de techniciens.
Les secteurs concernés par les difficultés de recrutement varient évidemment selon la conjoncture.
LES RECRUTEURS INTENSIFIENT LEURS DÉMARCHES EN FONCTION DES DIFFICULTÉS, CE QUI REPRÉSENTE UN COUT SUPPLÉMENTAIRE.
Confrontés à ces difficultés, les employeurs font évoluer leur mode de recrutement : élargissement des moyens mobilisés, assouplissement des critères de sélection initiaux, modifications des caractéristiques du poste, intensification de leurs efforts de recherche de candidats, etc. ils examine un plus grand nombre de candidatures.
La première question, souvent passé sous silence, est en fait celle de l’augmentation du cout du recrutement pour certains postes.
« En cas d’embauche difficile, le coût interne du recrutement est plus élevé ; près de 30% de ces recrutements ont nécessité un investissement du personnel de l’établissement de plus de 7 jours, contre 11 % des recrutements sans difficulté. De même, un coût externe a plus souvent été encouru compte tenu de la nature des canaux activés (annonces, intermédiaires spécialisés, consultation de bases de CV en ligne, etc.). »
La seconde question porte, au niveau des Ressources Humaines, sur la présence ou plutôt l’absence, en amont dans la vie courante de l’entreprise, d’un recours à l’apprentissage ou à la professionnalisation, de l’accueil de stagiaires, de formations internes conduisant à des promotions, du passage de salariés en intérim ou en CDD sur des CDI, etc.
Les difficultés de recrutement doivent, dans la mesure du possible, être identifiées et anticipées dans le cadre de la politique RH.
[1] DARES Analyses – juillet 2019 N° 031- https://bit.ly/2Nw0yQf
[2] « Il s’agit du niveau de chômage (d’emplois vacants) lié au temps structurellement nécessaire à la personne en recherche d’emploi pour trouver son emploi (au recruteur pour pourvoir son poste). »
[3] « Les cas où les recruteurs ont créé un poste spécifiquement pour une personne qu’ils avaient déjà en vue sont très minoritaires ; cette situation concerne moins de 10 % des créations de poste. »
[4] « Le recrutement a d’ailleurs plus souvent abouti grâce aux relations de l’employeur en cas de création de poste. Ce canal est moins souvent associé à des difficultés de recrutement, car il permet aux employeurs d’avoir davantage d’informations et d’assurance ex ante sur les compétences du candidat, les personnes le recommandant jouant un rôle de sélection. Ce canal permet de moins formaliser l’information sur le poste, qui fait moins souvent l’objet d’une description écrite en cas de recours aux relations »
[5] Enquête auprès de recruteurs ayant embauché entre septembre et novembre 2015, en CDI ou en CDD de plus d’un mois en France.
L’enquête « Offre d’emploi et recrutement (Ofer) » a été menée par la Dares en 2016 auprès d’établissements ayant recruté entre septembre et novembre 2015 . Ofer 2016 est la seule enquête au niveau national à décrire précisément les différentes étapes du recrutement, de la formulation du besoin en ressources humaines jusqu’à la satisfaction de l’employeur à l’égard du recrutement réalisé. La part de recrutements difficiles a eu tendance à croitre à partir de l’année suivante.
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