LA PRISE DE CONTRÔLE PROGRESSIVE PAR L’ÉTAT DU MÉCANISME D’INDEMNISATION CHÔMAGE SE POURSUIT.
Des projets de décrets ont été adressés aux partenaires sociaux le 10 juillet pour un examen le 16 juillet dans le cadre de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle. Les partenaires sociaux trouvent le délai court pour examiner environ 250 pages de diverses mesures réglementaires. L’avis de cette commission est purement consultatif.
Deux nouvelles mesures importantes apparaissent alors qu’elles n’avaient pas été évoquées lors de la présentation de la réforme le 18 juin par le Premier ministre.
L’association Unédic est pilotée par les partenaires sociaux et gère historiquement l’assurance-chômage, mais l’État a repris la main.
D’une part, la contribution de l’Unédic au budget de Pôle emploi serait augmenté de 377 millions d’euros. Le financement passe de 10% à 11% du budget de l’Unedic. L’association gérée par les partenaires sociaux financent près des 2/3 de Pole emploi.
Ce montant de 370 millions dépasse largement les frais de l’embauche de 1 000 conseillers en CDD. Un conseiller ne coute pas 370 000 € !!!
Dans l’une des annexes eu Décret, le gouvernement a décidé de glisser, sans prévenir à l’avance, une nouvelle mesure ultrasensible : la contribution de l’Unedic atteindra autour de 4,1 milliards d’euros par an[1]
D’autre part, l’Etat prend le contrôle de la revalorisation annuelle de l’indemnisation chômage, jusqu’alors aux mains de l’Unédic[2].
Syndicats et patronat réclamaient ensemble exactement l’inverse, c’est-à-dire être sur un financement entre État et Unédic à moitié moitié, car le budget de Pôle emploi est alimenté davantage par l’Unédic que par l’État.
L’OUVERTURE « UNIVERSELLE » DE L’ASSURANCE CHÔMAGE, QUI FIGURAIT DANS LE PROJET PRÉSIDENTIEL SE CONCLUT SUR UN ÉCHEC COMPLET.
L’Etat a déjà supprimé les cotisations salariales (parvenant à l’Unedic), par la CSG c’est à dire l’impôt. Le régime a perdu son caractère d’assurance pour devenir un simple système d’indemnisation.
Le prélèvement de CSG à l’origine « universel » a perdu tour à tour la contribution des fonctionnaires, celle de l’essentiel des retraités, etc.
Les seuls financements du régime restent donc les cotisations patronales et l’impôt, sans répartition établie.
L’INDEMNISATION CHÔMAGE DEVIENT UNE POLITIQUE ÉTATIQUE COMME UNE AUTRE.
L’échec du projet d’indemnisation universel du programme présidentiel débouche à une solution étatique. Seuls quelques indépendants en faillite devraient en profiter.
L’association des partenaires sociaux, l’Unedic, se trouve privée de ses pouvoirs de manière de plus en plus structurelle. Elle se défend par une transparence des informations concernant les chômeurs indemnisés ; ses statistiques sont même directement contestées par la ministre du Travail…
Mais plus grave encore aujourd’hui, l’Unedic est menacée par la tentation de ses membres de cesser de siéger ou de se retirer complètement[3].
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Les organisations patronales ont encore le lien des cotisations patronales versées par leurs mandants et devraient s’accrocher (suite à la réduction extrême du domaine et des montants des malus des cotisations pour les contrats courts). Mais la perte de pouvoir de l’association est tout de même mal ressentie. La réflexion du Medef semble aller dans le sens d’un désengagement radical des organismes de gestion et de la fixation de nouveaux objectifs du Medef menés de manière plus indépendante.
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Les organisations syndicales apparaissent comme poussées au hors-jeu au sein de l’institution. Le jeu apparait encore ouvert dans la mesure où l’Unédic dispose encore d’un rôle d’observatoire indépendant de l’indemnisation chômage. La tension va monter au fur et à mesure de la description concrète et tangible du recul des droits. Reste aussi l’espoir d’un éventuel changement de politique qui remette en fonction le paritarisme de gestion.
LE MAUVAIS TRAITEMENT RÉSERVÉ AUX ORGANISATIONS SYNDICALES, PAR LE GOUVERNEMENT, FAIT COURIR DES RISQUES A L’ÉQUILIBRE SOCIAL.
A côté de cette analyse factuelle, on ne peut que constater que le ministère du Travail et le Premier ministre traitent de manière négligeable les partenaires sociaux. Sans reprendre le détail de l’année écoulée, on peut parler sans exagérer de mauvais traitements.
La manière de traiter des partenaires sociaux n’est pas accidentelle, elle provient d’une volonté formalisée. Les promesses formulées lors des discours de conclusion du « grand débat », sur le respect des corps intermédiaires, n’ont pas été tenues pour la réforme de l’indemnisation chômage.
Le risque d’une politique de réduction des organisations syndicales nationales et interprofessionnelles apparait évident[4].
La naissance et le développement de mouvements de contestation radicaux apparait probable dans nombre de secteurs en crise : santé, automobile, etc. Sous une forme variante, le mouvement des « gilets jaunes » a été le fruit d’une profonde faiblesse syndicale.
LA REFORME DES RETRAITES VERS UN RÉGIME « UNIVERSEL » A POINTS DEVRAIT ÊTRE LA PROCHAINE ÉTAPE SOCIALE
La perspective qui s’ouvre, sur le plan social, concerne la réforme des retraites c’est à dire la constitution d’un régime universel englobant : le secteur privé, la fonction publique et tous les régimes spéciaux voués à disparaitre.
Sans commenter ici le projet encore mouvant, il est certain que la contestation de cette réforme devrait être générale et multiforme. Si le chômage ne concerne directement qu’un actif sur 10, la question des retraites concerne tout le monde !
La réforme de l’indemnisation chômage semble effacée de l’actualité par le projet concernant les retraites. Mais il semble bien hâtif de penser que la réduction des droits des chômeurs et des salariés restera sans réaction sociale directe ou indirecte, lorsque les mesures se seront concrétisées.
[1] Constat de la CFDT, ce choix est « totalement incohérent alors même que le gouvernement justifiait la baisse des droits [des chômeurs] pour accélérer le désendettement de l’Unédic ».
« Ce sont les baisses de droits des demandeurs d’emploi qui financeront leur accompagnement renforcé, quel cynisme » (CFDT).
[2] « La revalorisation de l’allocation chômage ne serait plus de la responsabilité des interlocuteurs sociaux mais du ministère du Travail ».
[3] « Ils sont en train de signer l’arrêt de mort de l’Unédic »
[4] Seuls conservent un rôle opérationnel des syndicats d’entreprises et des organisations de branche, dont le nombre serait drastiquement réduit, selon la volonté du gouvernement.
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