LE PROJET DE LOI SUR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE DEVRAIT MODIFIER FABRICATION ET DISTRIBUTION, MAIS AUSSI RÉDUIRE LES DÉCHETS ET AMÉLIORER LE RECYCLAGE.
Un projet de loi vise à réduire les déchets[1] et à améliorer le recyclage, il va être présenté par la secrétaire d’État à la Transition écologique. Ce texte « anti gaspillage pour une économie circulaire[2] » comprendrait de nombreuses mesures. Il viserait les particuliers (tri, produits consignés identifiés, points de collectes existants, etc.), mais aussi et surtout les entreprises comme les groupes automobiles, les cigarettiers, les fabricants d’articles de bricolage ou de loisirs et la construction.
« Sur nos 4,6 tonnes de déchets annuelles, 600 kg seulement sont des déchets ménagers, 700 kg des déchets d’entreprise. Tout le reste, soit 3,4 tonnes, vient du BTP ! »
Il est ainsi question d’inciter aux entreprises une meilleure gestion de leurs déchets[3]. Il serait même question de mettre en place une « police des déchets ». Le secteur du BTP est le premier visé. Il représenterait selon la ministre, « à lui seul 70% des déchets en France ». « Notre exigence est que les entreprises du BTP trient et valorisent au maximum leurs déchets »[4].[5]
On additionne des tonnes de déchets de nature assez différentes ce qui semble fausser le raisonnement.
Pour éviter le gaspillage des produits en fin de commercialisation, la loi imposerait le réemploi, la réutilisation ou le recyclage des invendus, soit par les producteurs, les distributeurs ou les importateurs de produits.
Le texte cible aussi les objets en plastique : recyclage des plastiques à 100% d’ici 2025 ; interdiction des plastiques à usage unique[6] en 2020 ; consigne de 15 centimes instaurée sur les bouteilles en plastique opaque…
Enfin, il prévoit de nouvelles sanctions contre les dépôts sauvages de déchets.
LA CRÉATION DES 300 000 EMPLOIS INDUITS PAR LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE NE SEMBLE PAS ACQUISE.
Le principe de l’économie circulaire est de bon sens, mais sa mise en œuvre est complexe, car elle aborde des faits et des acteurs divers avec des conséquences diverses.
La question, qui se pose, me semble le calendrier d’application des mesures évoquées, par exemple concernant les entreprises du BTP.
Il semble souhaitable de distinguer la récupération de matières dangereuses (ampoules électriques, composants électroniques, etc.) et celle de matière inertes (un tas de pierre ou de tuile, etc.)
Car, au-delà des changements d’habitude tout à fait nécessaires, la réparation, le recyclage, le tri et le traitement des déchets ont un cout important.
C’est un effort nécessaire, mais à mener sur le long terme dont il s’agit.
Certains couts sont supportables, par exemple, grâce aux recettes des produits recyclés ; d’autres le sont difficilement et, enfin, les derniers ne le sont pas dans l’immédiat sans constituer une charge qui devra être répercutée.
Si une entreprise du Bâtiment a une charge de 10% de son chiffre pour le recyclage de matériaux, elle le répercutera sur ses clients.
La secrétaire d’État a rappelé les prévisions, déjà anciennes, selon lesquelles :
« L’économie circulaire, ce sont 300 000 emplois de plus sur les territoires, non délocalisables, et la garantie d’une plus grande indépendance en réduisant nos importations de matières premières ».
Ces potentielles créations d’emploi restent bien incertaines et apparaissent comme un argument de communication politique.
LA CRÉATION D’EMPLOIS LIES A LA MISE EN PLACE D’ACTIONS RELEVANT DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE DEVRA ÊTRE FINANCES.
Elle le sera en très grande partie par une augmentation des couts de la part des collectivités et de l’État (impôts et taxes) ou des entreprises (dans le prix des services et des produits).
L’idée, qui a été évoquée, d’une augmentation du pouvoir d’achat des particuliers provenant de l’économie circulaire parait, sauf exception[7], illusoire.
C’est sur ces dépenses publiques et privées que reposent la concrétisation de la prévision de la création de 300 000 emplois dans l’économie circulaire.
Pour l’anecdote, quand la ministre affirme que :
« Dans vos téléphones portables, on trouve 30 métaux rares, dont beaucoup viennent de Chine. A-t-on envie d’être dépendant de la Chine pour ces ressources stratégiques ? »
La ministre dispose-t-elle, au-delà des recherches en cours, d’informations fiables sur la possible mise en place d’une filière industrielle efficace de récupération de ces métaux rares, présents dans les ordinateurs et les smartphones ?
[1] « En France, on produit l’équivalent de cinq tonnes de déchets par an et par personne. C’est beaucoup trop et ça finit par se déverser dans des décharges sauvages » – La secrétaire d’État à la Transition écologique
[2] « L’économie circulaire désigne un modèle économique dont l’objectif est de produire des biens et des services de manière durable, en limitant la consommation et les gaspillages de ressources (matières premières, eau, énergie) ainsi que la production des déchets. Il s’agit de rompre avec le modèle de l’économie linéaire (extraire, fabriquer, consommer, jeter) pour un modèle économique « circulaire ». » – L’économie circulaire – 23 avril 2018
[3] « Des pans entiers de notre économie ne prennent pas en charge le traitement de leurs déchets, qui est donc supporté par les collectivités, donc par les impôts locaux… Cela va changer ». – La secrétaire d’État à la Transition écologique
[4] « Nous nous laissons la possibilité de mettre en place le principe du pollueur-payeur sur les matériaux de construction afin de financer la reprise gratuite des déchets dans les déchetteries s’ils ont été correctement triés auparavant. » – La secrétaire d’Etat à la Transition écologique.
[5] Pour le BTP, le maître d’ouvrage serait obligé de réaliser un diagnostic sur la gestion des produits, matériaux et déchets issus de la destruction ou réhabilitation significative des bâtiments pour mieux les réemployer et les valoriser. Ce qui ne semble pas facile…
[6] Éléments comme pailles, gobelets en plastique, couverts… –
[7] Il demeure l’idée de lutte contre l’obsolescence des produits ou le recours plus fréquent à la réparation quand elle est possible. C’est sans doute une bonne idée. Mais on ne peut pas s’attendre à ce que la consommation se centre sur la conservation de produits anciens et dépassés dans un contexte consumériste qui est par ailleurs l’un des moteurs de l’économie. Reste la recherche du juste milieu : « ne pas jeter trop vite ! »
Pas de commentaire sur “Quels financements de l’économie circulaire pourraient aboutir à créer des emplois ?”