« IL FAIT TROP CHAUD POUR TRAVAILLER AUJOURD’HUI ![1] »
Dans un rapport récent[2], l’Organisation Internationale du Travail de l’ONU (OIT) s’interroge sur l’impact probable des modifications climatiques sur l’emploi et annonce un chiffrage estimatif d’une perte de productivité mondiale de l’ordre de 80 millions d’emplois[3] d’ici 2030[4].
Certes, « La contrainte thermique affecte la productivité du travail » comme vient de l’illustrer la semaine de canicule sur la France, que nous venons de connaitre, mais le chiffrage précis de l’impact sur l’emploi parait difficile à établir.
Les rédacteurs du rapport sont partis de prévisions sur l’évolution climatique, avec une hausse de la température mondiale de 1,5°C d’ici la fin du siècle[5]. Le débat ne porte pas ici sur ces prévisions, mais sur la pertinence des projections de l’impact sur le travail.
UN DOUTE DEMEURE SUR LES PRÉVISIONS CHIFFRÉES
L’approche du rapport présente toutes les qualités d’une démarche scientifique, portent sur un problème réel et pose des questions importantes, mais certains des chiffres avancés pour faire sensation, quant à l’impact sur l’emploi, me laissent dubitatifs, comme la prévision de diminution de « 80 millions d’emplois d’ici 2030 » ou l’affirmation selon laquelle :
« D’ici 2030 l’équivalent de plus de 2% du total des heures de travail dans le monde entier devrait pour être perdus chaque année, soit parce qu’il fait trop chaud pour travailler les travailleurs doivent travailler à un rythme plus lent. »
Il apparait probable qu’en cas de fortes chaleurs, une partie de ces heures soient tout simplement déplacées dans la journée ou dans l’année dans une organisation du travail adaptée.
Par exemple, en France dans la construction, il pourrait y avoir une sorte remplacement des journées « trop chaudes » en été par la diminution de journées d’intempéries en hiver.
Dire que « la contrainte thermique est de plus en plus un obstacle à l’activité économique », semble hâtif. La vérité c’est qu’il importe de faire face. On ne peut pas non plus ignorer les effets positifs d’un réchauffement sur diverses consommations et activités (comme la durée potentielle du travail dans les pays nordiques, pour prendre un exemple extrême !!!).
LE STRESS THERMIQUE POSE UN VRAI PROBLÈME DE SANTÉ POUR LES TRAVAILLEURS.
Le stress thermique survient, tout simplement, quand le niveau maximal de chaleur que le corps peut tolérer, sans subir de dommage physiologique, est atteint.
Il intervient généralement par des températures supérieures à 35°C avec une forte humidité (OIT).
De là découle que : « L’impact du stress thermique sur la productivité du travail est une conséquence grave du changement climatique »[6]
Les deux secteurs professionnels présentés comme les plus exposés sont ceux qui correspondent à un travail en extérieur[7] à savoir l’agriculture[8] et la construction. Mais il ne faut pas occulter toutes les activités qui ont lieu dans des bureaux, usines ou ateliers non climatisés.
IL EXISTE UNE GRANDE DIVERSITÉ DE SITUATIONS A PRENDRE EN COMPTE
Le rapport indique que l’impact devrait être centré sur quatre zones : « l’Asie du Sud, l’Afrique de l’ouest, l’Asie du Sud-est et l’Afrique centrale » (OIT).
L’effet sur notre pays serait bien moindre, comme le précise la Conclusion du Rapport de l’OIT :
« …, en Amérique du Nord et toutes les sous-régions de l’Europe ne sont pas significativement affectées par un stress thermique. »
Le rapport aborde aussi le réchauffement climatique comme l’une des causes des migrations économiques vers les pays au climat plus tempérés[9].
« Nous pouvons nous attendre à voir les inégalités augmenter entre les pays à revenu élevée et les pays à faible revenu et les conditions de travail se dégrader pour les plus vulnérables, ainsi que des déplacements de population. »
LES PISTES ÉVOQUÉES POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE TRAVAIL PAR TEMPS CHAUD SONT PERTINENTES.
Les pistes évoquées par l’OIT, dans le monde du travail, pour faire face à des températures ponctuellement plus élevées apparaissent logiques[10] :
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« des compétences développement, la promotion d’un environnement favorable aux entreprises durables, les investissements publics dans les infrastructures et une meilleure intégration des pays en développement dans le commerce mondial ».
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« des informations améliorées sur les conditions météorologiques sur place, l’adaptation des vêtements de travail et équipement et améliorations technologiques peuvent rendre plus facile pour les travailleurs et leurs employeurs faire face à des températures plus élevées ».
***
Ces sujets devraient être travaillés pour adopter des mesures de santé au travail, sans attendre davantage de réchauffement[11], car il existe déjà, depuis longtemps, des situations inacceptables de travail dans les pays du sud à cause de la température[12].
Mais la concrétisation de ce plan par les gouvernements[13] apparait incertaine, dans certaines régions du monde pour des raisons sociales, économiques et politiques.
Ces pistes générales devraient aussi être prise suivie dans notre pays partout où ce n’est pas encore toujours le cas. Il reste beaucoup à faire dans les bâtiments publics et privés pour la santé des travailleurs.
[1] « Il fait trop chaud pour travailler aujourd’hui ! » Pour beaucoup d’entre nous, un point d’exclamation comme ci-dessus est une façon de donner vent à notre agacement devant les inconvénients occasionnels des mois plus chauds de l’année. Pour des millions de travailleurs à travers le monde, c’est un signe de détresse.
[2] « TRAVAILLER SUR UNE PLANÈTE PLUS CHAUDE : l’impact du stress thermique sur la productivité du travail et le travail décent » – OIT – 01/07/19 – https://bit.ly/2XiSPJP
[3] « Le pourcentage de travailleurs total heures perdues s’élèvera à 2,2 % en 2030. » – Ce chiffrage me semble hasardeux.
[4] Même en limitant « le réchauffement climatique à la fin du siècle à 1,5 ° C au-dessus des niveaux préindustriels, le préjudice financier accumulé à cause du stress de chaleur devrait atteindre 2400 milliards de dollars en 2030 ».
[5] « Si rien n’est fait maintenant pour atténuer les changements climatiques, ces coûts seront beaucoup plus élevés que les températures mondiales augmenteront encore davantage vers la fin du siècle ». (…) « Il faut s’attendre à avoir de plus en plus de périodes comme on a eu ces derniers temps, de plus en plus fréquentes et de plus en plus intenses ».
[6] « C’est un problème sérieux pour une grande partie de 1 milliard de travailleurs agricoles du monde et de 66 millions d’ouvriers du textile (dont beaucoup ont à travailler à l’intérieur des usines et des ateliers sans air conditionné) et aux travailleurs, notamment dans les ordures, travaux de réparation d’urgence, transports, tourisme et sport. Température supérieure à 39° C peut tuer. Mais même là où il n’y a aucun décès, ces températures peuvent laisser beaucoup de personnes incapables de travailler ou travailler seulement à un taux réduit. » – Rapport OIT
[7] « La contrainte thermique est plus fréquente dans l’agriculture et de la construction en raison de la nature physique de l’ouvrage et aussi parce qu’il est généralement effectué à l’extérieur. »
[8] Le secteur « emploie 940 millions de personnes dans le monde et devrait représenter 60 % des heures de travail perdues d’ici 2030 ».
[9] « la contrainte thermique peut agir comme un facteur de répulsion pour les migrations, ce qui incite les gens à quitter les zones rurales en quête de meilleures perspectives d’avenir dans des leurs pays, villes ou à l’étranger. »
[10] « …la transformation structurelle des économies rurales doit être accélérée afin que moins de travailleurs agricoles sont exposés à des températures élevées et pour que l’effort physique doit être dépensés dans de telles conditions. »
[11] « En particulier, en se concentrant sur les groupes vulnérables de travailleurs et sur les pays les plus touchés par le stress thermique permettrait d’identifier les actions prioritaires spécifiques qui devraient être prises par les gouvernements et par les organisations d’employeurs et de travailleurs. »
[12] « Les zones avec une grande vulnérabilité au stress thermique ont aussi tendent à être caractérisée par un manque de travail décent. »
[13] Les gouvernements « devraient envisager de ratifier et d’appliquer les internationales du travail afin d’assurer décent, conditions de travail des travailleurs et des entreprises touchés par le stress de chaleur ; devrait envisager de ratifier et d’appliquer les internationales du travail afin d’assurer décent, conditions de travail des travailleurs et des entreprises touchés par le stress de chaleur ; devrait édicter des règlements établissant les températures maximales auxquelles les travailleurs susceptibles d’être exposés au travail et prévoient des mesures spécifiques protéger travailleurs de hautes températures ; etc. »
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