La parution d’un document du ministère du Travail (Dares) concernant « les dépenses en faveur de l’emploi du marché du travail »[1], pour la période jusqu’à 2016[2] ou 2017, donne des indications sur les dépenses engagées durant les deux derniers quinquennats. Il s’agit en quelque sorte de données historiques, avant la période 2018-2020 dans laquelle nous nous trouvons.
Ce billet ne commente pas l’évolution de ces dépenses depuis le début du siècle.
LES DÉPENSES PRÉSENTÉES COMME « EN FAVEUR DE L’EMPLOI DU MARCHE DU TRAVAIL » SONT DE NATURES TRÈS DIVERSES.
Le document de la Dares cumule sous cette désignation trois catégories de « dépenses ».
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Des dépenses générales pour 66 milliards d’euros en 2016
Elles recouvrent les allégements généraux de cotisations sociales ou d’impôt en faveur des bas salaires ou des heures supplémentaires et des incitations financières à l’emploi et les exonérations de cotisations sociales ou fiscales en faveur de certaines zones géographiques (zones urbaines sensibles, zones franches urbaines…) ou de certains secteurs (hôtels-cafés-restaurants, services à la personne, secteur agricole…).
Le tableau ci-dessous donne une idée des ordres de grandeur de ces dépenses[3].
En milliards d’euros |
2016 |
Mesures générales d’exonération |
49,2 |
Aides à l’embauche PME-TPE |
3 |
Incitations financières à l’emploi (dont prime d’activité) |
4,8 |
Mesures en faveur de l’emploi dans certaines zones géographiques |
1,4 |
Mesures en faveur de l’emploi dans certains secteurs[4] |
7,5 |
Total des dépenses générales |
65,9 |
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Des dépenses ciblées pour 67 milliards d’euros en 2016
Les dépenses ciblées en faveur des politiques du marché du travail concernent les emplois aidés, l’accompagnement et la formation des demandeurs d’emploi, l’indemnisation du chômage et les préretraites[5].
Le tableau ci-dessous donne une idée des ordres de grandeur du montant de ces dépenses[6].
En milliards d’euros |
2016 |
Services relatifs au marché du travail |
5,7 |
Mesures |
16,2 |
Formation professionnelle |
7,2 |
Incitations à l’emploi |
1,3 |
Emploi protégé et aidé, et réadaptation |
2,1 |
Création directe d’emplois |
4,9 |
Aides à la création d’entreprises |
0,6 |
Maintien et soutien du revenu en cas d’absence d’emploi |
45,4 |
Total des dépenses ciblées | 67,2 |
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Des dépenses sociales « à la lisière des politiques d’emploi» pour 20 milliards d’euros en 2016
Sont rentrées dans cette rubrique les dépenses sociales relatives au Revenu de Solidarité Active, dans sa composante « socle » (RSA socle) en 2016.
En milliards d’euros |
2016 |
Revenu de solidarité active (RSA) (hors RSA activité) |
11,1 |
RMI solde |
p.m. |
Allocation aux adultes handicapés de base (AAH) |
9,1 |
Revenu de solidarité (RSO / Dom) |
p.m. |
Total des dépenses sociales à la lisière |
20,2 |
L’ENSEMBLE DE CES 153 MILLIARDS D’EUROS DE DÉPENSES N’A PAS ÉTÉ DESTINÉ SEULEMENT À L’EMPLOI
Le total de ces trois postes de dépenses dépasse les 150 milliards d’euros[7].
Mais cette somme est-elle consacrée à l’emploi proprement dit ? Évidemment non ! A lire cette présentation des dépenses, la volonté de gonfler les chiffres de l’effort pour l’emploi apparait clairement.
C’est la raison pour laquelle pris de scrupule la DARES a utilisé le terme « à la lisière de l’emploi » en tentant de justifier son choix :
« Certaines dépenses engagées au titre des minima sociaux peuvent être considérées à la lisière des politiques de l’emploi lorsqu’elles comportent une dimension d’« activation ».
Toute politique peut être interprétée comme concourant à l’emploi en argumentant. Par exemple, le budget de la Santé pourrait être pris en compte dans la mesure où il permet de conserver les travailleurs en bonne santé pour travailler ; alors, pourquoi ne pas l’ajouter !
IL SEMBLE NÉCESSAIRE DE DISTINGUER LES DÉPENSES QUI ONT UN EFFET DIRECT SUR L’EMPLOI, CELLES QUI ONT UN IMPACT INDIRECT ET CELLES QUI INFLUENT DE MANIÈRE MARGINALE.
CETTE APPROCHE DE LA POLITIQUE DE L’EMPLOI APPARAIT INDISPENSABLE… AVEC LES CHIFFRES DU PROJET DE LOI DE FINANCES 2020.
[1] Données publiées le 10/10/2019. La Dares procède chaque année à un recensement et à une analyse de ces dépenses.
[2] Je reprends les chiffres de 2016, car tous ceux concernant 2017 ne sont pas publiés.
[3] Décomposition des dépenses par nature
En milliards d’euros |
2016 |
Total exonérations de cotisations sociales [a] |
34,3 |
Total dépenses fiscales [b] |
23,8 |
Autres [c] |
7,9 |
Total |
65,9 |
[a] Les montants des exonérations sont issus des comptes de la sécurité sociale. Les montants des mesures en faveur du secteur agricole sont issus de données MSA.
[b] Les montants des dépenses fiscales sont issus des tomes II des Évaluations des voies et moyens des projets de loi de finances successifs, à l’exception de celui du CICE qui provient du Rapport 2015 du Comité de suivi et d’évaluation du CICE.
[c] Les autres dépenses sont issues des rapports annuels de performance 2013 (RAP). Les données sur le RSA activité proviennent des données de la CAF.
[4] Hôtels, cafés, restaurants (HCR), Secteur agricole (0,9% Md€) et Services à la personne / emplois familiaux (6,6 Md€).
[5] C’est-à-dire « interventions publiques sur le marché du travail visant à permettre un fonctionnement efficace de celui-ci et à corriger des déséquilibres, et qui peuvent être distinguées d’autres interventions plus générales de la politique de l’emploi dans la mesure où elles agissent de façon sélective en favorisant des groupes particuliers sur le marché du travail. »
Ces dépenses sont définies par la nomenclature de la base de données « Politiques du marché du travail (PMT) » établie au niveau européen par Eurostat depuis 1996.
[6] Décomposition des dépenses par nature
En milliards d’euros | 2016 |
Exonérations de cotisations sociales [a] | 34,3 |
Dépenses fiscales [b] | 23,8 |
Autres [c] | 7,9 |
Total | 65,9 |
[a] Les montants des exonérations sont issus des comptes de la sécurité sociale. Les montants des mesures en faveur du secteur agricole sont issus de données MSA.
[b] Les montants des dépenses fiscales sont issus des tomes II des Évaluations des voies et moyens des projets de loi de finances successifs, à l’exception de celui du CICE qui provient du Rapport 2015 du Comité de suivi et d’évaluation du CICE.
[c] Les autres dépenses sont issues des rapports annuels de performance 2013 (RAP). Les données sur le RSA activité proviennent des données de la CAF.
[7] Total des dépenses affectées à l’emploi par le ministère du Travail
En milliards d’euros |
2016 |
Dépenses générales |
65,9 |
Dépenses ciblées |
67,2 |
Dépenses sociales à la lisière |
20,2 |
Total des dépenses |
153,3 |
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