Un consensus existe sur le développement de l’apprentissage, comme mode de formation d’une part des jeunes. Mais les moyens pour parvenir à cette croissance font débat, car les différents acteurs : le ministère de l’Éducation nationale, celui du Travail, les organisations patronales, les Centres de formation d’apprentis, les Chambres consulaires, les Régions, etc. défendent des visions souvent assez différentes.
La première condition nécessaire reste, quoi qu’on en dise, la croissance économique qui conditionne la capacité d’accueil des employeurs.
La seconde repose sur l’orientation (et ses acteurs) et le choix entre formation initiale et formation en alternance. Un chiffre est révélateur : à la rentrée 2019, l’orientation vers l’apprentissage à l’issue de la troisième ne concernait que 5,1% des jeunes[1], tandis que l’orientation en formation initiale en lycée professionnel concernait 28% des jeunes.
LA SITUATION A FIN 2019 ÉTAIT A LA PROGRESSION DU NOMBRE DES APPRENTIS.
Au 31 décembre 2019, les centres de formation d’apprentis accueillaient 478 800 apprentis, soit une hausse de 6,8% par rapport à 2018[2].
Cette progression tient aux formations supérieures en alternance.
Le cap des 500 000 apprentis n’a néanmoins pas été atteint sur ces trois ans.
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Les effectifs d’apprentis dans l’enseignement secondaire sont en hausse de +2,5%. Ils représentent 57,4% des apprentis.
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La croissance de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur reste à un niveau historiquement élevé : + 13,4% (après + 8,1% en 2018). Ils représentent désormais 42,6% des apprentis[3].
Cette répartition est à interpréter an niveau de la sortie définitive de formation, car beaucoup de jeunes en apprentissage dans le secondaire poursuivent leurs études en apprentissage, ou pas, dans le supérieur. Des cursus tout en alternance se sont développés.
Les formations en alternance aux diplômes post bac ne concernait que 14% des apprentis en 2000 contre 43% en 2019.
L’obtention du bac en juin 2020, par 86% des jeunes d’une classe d’âge, va venir booster les formations post bac en alternance.
Les partisans d’une offre en alternance ciblée sur le secondaire, et ils sont nombreux, vont devoir admettre l’évolution de fait des niveaux de formation.
PLUSIEURS MODIFICATIONS DU SYSTÈME SONT EN COURS.
Plusieurs modifications sont intervenues dans l’organisation de l’apprentissage, suite à la loi de septembre 2018.
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Depuis le 1er janvier 2020, l’apprentissage n’est plus du ressort des régions, mais des organisations professionnelles.
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Le financement aux CFA se fait selon le nombre d’apprentis (hors plusieurs points).
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Les grandes entreprises (voire des ETI) ont été incitées par le gouvernement à créer des CFA, d’où de nombreuses initiatives à des points d’avancement divers. 1 200 centres de formation des apprentis (CFA) ont été recensés au 31 décembre 2019 contre 965 antérieurement.
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L’âge limite d’entrée en apprentissage a été porté jusqu’à 29 ans.
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Et, enfin, le plan « France Relance » du gouvernement, attribue à l’apprentissage un soutien de 1,2 milliard d’euros a priori sur deux ans. Il repose sur un système de primes aux employeurs, avantageux pour ceux qui ont besoin d’apprentis et n’ont par leur niveau d’activité trop réduit en cette rentrée 2020.
DE FORTES INCERTITUDES DEMEURENT SUR LE NOMBRE DES APPRENTIS A FIN 2020.
L’objectif du ministère du Travail est la stabilité des effectifs à la fin 2020. La ministre du Travail s’avère confiante puisqu’elle a pu déclarer :
« L’objectif d’avoir autant de contrats d’apprentissage que l’an dernier semble à notre portée. »
L’atteinte en 2020, du chiffre de la fin 2019, semble à ce jour difficile à connaitre.
D’une part, le fonctionnement des contrats d’apprentissage au premier semestre 2020a été fortement impacté par la période confinement. L’exécution de la majorité des contrats a été suspendue (hormis de rares cas de finalisation en télétravail dans le supérieur). Conséquence, la fin de saison 2019-2020 a été « bricolée » de manière très diverses.
D’autre part, les recrutements d’apprentis, même s’ils ne coutent pas grand-chose avec la prime mise en place, marquent le pas semble-t-il dans des professions sinistrées comme l’hôtellerie-restauration, le tourisme, l’événementiel, l’aéronautique ou l’automobile.
Le Bâtiment a repris son activité (grâce à l’exécution du carnet de commande. Mais le secteur prévoit une baisse des activités, liées à la chute brutale du nombre de dépôt de permis de construire en 2020. Tandis que le plan de rénovation énergétique, lourd sur le papier, va demander du temps avant d’être opérationnel.
Le Plan de relance ne devrait pas être ressenti comme porteur pour la rentrée 2020 pour les gestionnaires d’entreprise. Les déclarations patronales d’appel au recrutement d’apprentis apparaissent plus comme un acte de foi, que comme devant convaincre.
Enfin, se pose la question de l’impact de la mise en œuvre des réformes sur les Centres de formation des Apprentis (CFA).
Régions de France (Qui représente les Conseils régionaux) sonne le tocsin et dit craindre la disparition de 700 centres de formation d’apprentis (CFA) sur les 1 200 existants[4].
L’association des Régions critique violemment la réforme de 2018 et par exemple, d’accorder « aux très grands groupes pour des raisons qui ne sont pas essentiellement de formation, mais de business, la possibilité de peser sur l’organisation de la carte de l’apprentissage pour leurs propres intérêts »[5].
Les Conseils régionaux s’efforcent de récupérer une compétence perdue[6], ou à en conquérir d’autres, en tant qu’acteurs intermédiaire du Plan de relance), dans leurs futurs contrats Etat/Régions. Cette offensive s’inscrit évidemment dans le contexte de la préparation des prochaines élections régionales de 2021 !
[1] Orientation à l’issue de la classe de 3ème.
2019 | Répartition | |
Vers seconde générale ou techno | 539 900 | 63,5% |
Vers voie professionnelle scolaire | 237 500 | 28,0% |
Vers apprentissage | 43 200 | 5,1% |
Redoublement et autres 1er cycle | 21 600 | 2,5% |
« Sorties » | 7 400 | 0,9% |
Total | 849 700 | 100% |
[2] DEPP – Note d’Information n° 20.27 – septembre 2020 – https://www.education.gouv.fr/l-apprentissage-au-31-decembre-2019-305990
[3] Effectifs selon le niveau de diplôme visé par les apprentis
Niveau | Diplôme visé | % fin 2019 |
V | CAP | 35% |
IV | Hors Bac pro | 11% |
IV | Bac pro | 11% |
III | DUT, BTS | 20% |
II | Licence | 8% |
I | Master | 14% |
Total | 100% |
[4] « Nous disons très clairement au gouvernement que ce n’est pas parce que l’on reconnaît une erreur que l’on se dégrade », a affirmé le président délégué de Régions de France.
[5] « Comme le CFA de la ville de l’apprenti est financé par les contrats d’apprentissage, il est privé de jeunes (par les écoles des grands groupes) et donc de moyens », affaiblissant financièrement ces centres. Ces groupes n’auraient pas « la vision de l’aménagement du territoire en matière de formation ». Leurs écoles recruteraient des apprentis aux dépens des centres régionaux.
[6] Cette crainte a déjà été clairement exprimée début 2020 par Régions de France. « Les 554 intentions de création d’un CFA dont se prévaut Mme Pénicaud se heurteront à la réalité du terrain, avec des fermetures ou des restructurations de très nombreux CFA, en particulier les CFA interprofessionnels, ceux en zones rurales ou ceux qui forment aux métiers rares ».
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