L’extension du dispositif « Territoires zéro chômeurs de longue durée (TZCLD) » fait l’objet d’une proposition de loi[1]. Le nombre de territoires supérieurs pourraient augmenter[2] d’un nombre à confirmer. Ce projet TZCLD repose sur le concept de conversion des prestations sociales en revenu d’activité[3].
L’idée est intéressante, si l’on reste un partisan du « plein emploi » en France. Mais la pratique de son application questionne.
Elle suscite donc un débat lié aux évolutions du projet d’origine et à une absence de recul, à mi-parcours d’une expérimentation de 5 ans.
Historiquement, le projet « Territoires zéro chômeurs » a été simultané à l’abandon, par le ministère du Travail, de la plupart des politiques publiques en faveur de l’emploi à partir de 2017 et 2018 (chute des emplois aidés, disparition des primes à l’embauche, etc.). TZC est apparu comme un leurre face à un abandon budgétaire par milliards d’euros de la politique de l’emploi où seul le secteur de l’Insertion par l’activité économique, a obtenu un maintien pour des raisons particulières.
LA CRÉATION D’ENTREPRISES A BUT D’EMPLOI (EBE) NE RÉPOND PAS AUX RÈGLES INITIALES
Le principe repose sur la création d’Entreprises à But d’Emploi (EBE). Elles ont vocation à embaucher en CDI des chômeurs de longue durée (c’est-à-dire inscrit depuis plus d’un an à Pôle emploi), « rémunérés au SMIC, afin de répondre à des besoins non satisfaits, car peu rentables ».
L’EBE est censé organiser des activités d’utilité sociale non couvertes par le marché concurrentiel.
Les exemples donnés : gardiennage, services à la personne, travaux de rénovation, transport des personnes, maraîchage, etc., ne semblent pas répondre à cette exigence de non concurrence, car elles sont fréquemment exercées par des autoentrepreneurs, voire de petites entreprises.
Le salaire des bénéficiaires est couvert par le versement d’une subvention (18 000 euros par an) via une réaffectation des fonds du chômage ou des minima sociaux versés par l’État ou les collectivités locales volontaires. Une subvention appelée à diminuer au fur et à mesure que l’entreprise réalise du chiffre d’affaires.
La critique de Pierre Cahuc est très claire.
« Deux rapports, rédigés par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales d’une part et par un comité scientifique d’autre part, montrent que la réalité est très éloignée de cette utopie.
Tout d’abord, ces rapports montrent clairement qu’un emploi en EBE coûte au bas mot 25 000 euros par an aux finances publiques, et non zéro comme l’affirment les promoteurs des EBE. L’écart abyssal avec leur évaluation s’explique en grande partie par leur chiffrage excessivement optimiste, mais aussi par la sélection des bénéficiaires dont un nombre important n’étaient pas chômeurs de longue durée et travaillaient avant leur embauche en EBE. » – Pierre Cahuc[4].
L’expérimentation concerne 10 territoires. Elle aurait permis à 768 personnes d’accéder à un emploi salarié, dont dans l’une des 13 EBE créées fin 2019.
La contestation de la pratique de l’expérimentation porte,
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D’une part, sur le fait que tous les bénéficiaires ne soient pas tous des chômeurs de longue durée (CLD), et,
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D’autre part, que le cout initial prévu par personne ait été significativement dépassé.
Sur les CLD, il semble que la proposition de loi prévoit que Pôle emploi n’interviennent pas dans le choix des bénéficiaires du dispositif[5], c’est-à-dire pour confirmer le caractère de chômeurs de longue durée.
Sur le dépassement des coûts, le constat semble général :
« Tout le monde est d’accord pour dire que cela coûte plus cher que prévu, mais tout le monde est d’accord pour continuer si l’objectif, retrouver un emploi, est atteint » – Députée LREM du Tarn, rapporteure du texte en commission des Affaires sociales.
Ces constats posent très sérieusement la question de la spécificité du dispositif par rapport au réseau de l’insertion par l’activité économique déjà existant.
LES RÉSERVES ÉMISES SUR LA FORME PRISE PAR L’EXPÉRIMENTATION TZCLD APPARAISSENT FONDÉES
La conclusion de Pierre Cahuc (Professeur d’économie à Sciences po) résume bien l’orientation à prendre :
« Il est essentiel de transformer en profondeur cette expérimentation si l’on envisage de l’étendre afin de s’assurer qu’elle cible les bons publics et qu’elle apporte de réelles perspectives de carrière à un coût qui ne soit pas exorbitant comparé à celui des milliers d’associations et d’entreprises du secteur de l’insertion par l’activité économique.[6] »
[1] Proposition de loi portant extension du dispositif Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD).
Le débat de la proposition de loi intervient suite à la remise à la ministre du Travail de plusieurs rapports d’évaluation.
[2] « Le projet de loi propose de l’étendre à 30 territoires supplémentaires. »
[3] Ce projet provient d’une initiative d’ATD Quart-Monde. Elle a été promue au Parlement par l’ex-député PS, Laurent Grandguillaume qui préside l’association TZCLD.
[4] « Le vrai coût des Territoires zéro chômeur » – Par Pierre Cahuc (Professeur d’économie à Sciences po) – Les Echos – 11 sept. 2020
[5] « Le ministère du Travail a repris la notion de personne privée durablement d’emploi, qu’elle soit ou non inscrite à Pôle emploi. » – le président de l’association TZCLD.
[6] « Le vrai coût des Territoires zéro chômeur » – Par Pierre Cahuc (Professeur d’économie à Sciences po) – Les Echos – 11 sept. 2020
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