Les représentations sur le chômage dans la société ont évolué entre l’avant et l’après confinement. Le Baromètre de l’Unédic de la perception du chômage fourni des résultats significatifs (2ème volet de son Baromètre). Il a été réalisé par l’institut Elabe[1]. Il analyse la « perception des Français et des demandeurs d’emploi sur le chômage », à la sortie du confinement.
C’est un excellent document d’appréciation des évolutions de l’opinion qui peut peser sur les choix politiques. En effet, la représentation du chômage est l’un des éléments de la politique appliquée à l’assurance-chômage, devenue l’indemnisation chômage suite à la disparition de la cotisation des salariés.
LES CRAINTES SUR L’EMPLOI SE SONT ACCRUES, LE RÉGIME EST LÉGITIME.
« Depuis le confinement, la conjoncture économique du pays a radicalement changé. » Ce changement s’est traduit dans l’opinion des français.
- Ils estiment que la situation de l’emploi se dégrade[2] pour 73%, après une période de détente de trois ans.
- L’importance du chômage est fortement surestimée, puisque 78% des Français le situent très au-dessus de la réalité[3].
- Le risque d’une période de chômage est très largement reconnu[4], par chacun.
« Le fait d’avoir connu des périodes de chômage partiel ou d’avoir été en télétravail a d’autant plus révélé l’importance du travail dans leur vie. » – Unédic.
L’idée que « personne n’est véritablement à l’abri » du chômage est alimentée par la proximité du chômage de 70% des actifs, dont :
- 12% sont actuellement des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi,
- 46% ne le sont pas, mais ils l’ont déjà été par le passé,
- 12% des Français n’ont jamais été des demandeurs d’emploi, mais l’un de leur proche est actuellement au chômage.
En conséquence, l’attachement des salariés au régime d’assurance-chômage est renforcé par le contexte de crise économique[5].
DEUX VISIONS SUR LES CHÔMEURS S’OPPOSENT : L’UNE POSITIVE ET L’AUTRE CRITIQUE, VOIRE TRÈS CRITIQUE.
D’un côté, plus de trois quarts des Français (78%) considère le chômage comme une situation subie[6]. L’opinion négative que les demandeurs d’emploi prêtent aux Français sur les « chômeurs » aurait reculé très fortement sur 4 mois (-12 points). Cela traduit la prise en compte de la dureté de la crise.
De l’autre, le soupçon à l’égard des chômeurs demeurerait : près de la moitié des Français considèrent que les demandeurs d’emploi ne cherchent pas vraiment à retrouver un emploi. »
La crise aurait même accentué cette perception négative, de manière peu compréhensible. L’opinion des Français des français sur les chômeurs se serait durcie de mars à juin pour dépasser le seuil du tiers des opinions négatives.
- Les demandeurs d’emploi sont des personnes « assistées » pour 38% (+5 points),
- Les allocations chômage perçues sont trop élevées (36%, +4 points).
- Une partie des chômeurs fraudent (35%, +4 points).
La typologie des perceptions du chômage, établie par l’Unédic clarifie les choses. Elle distingue quatre groupes[7] d’opinion sur l’assurance chômage qui peut être considérée comme :
- « Un bouclier qui nous protège » : 21% (-1 pt)
- « Un droit utile à tous » : 37% (-2 pts)
- « Un système détourné par les profiteurs » : 29% (=)
- « Un assistanat qui protège des fainéants » : 13% (+3 pts)
Les deux premiers groupes positifs totalisent 58% (-3 pts) et les deux seconds négatifs 42% (+ 3 pts) !
Le paradoxe est de voir l’opinion évoluer de la sorte alors même que la destruction d’emplois, c’est-à-dire de capacité de travailler, a été annoncé à plus de 800 000 postes à fin 2020. Sans doute cette réalité factuelle n’est-elle pas reconnue !
LE PASSAGE PAR UNE PÉRIODE DE CHÔMAGE PARTIEL N’A PAS MODIFIÉ LE REGARD DES SALARIES.
Alors que près de la moitié des français du privé ont été bénéficiaires du chômage partiel, « cet épisode est très nettement dissocié du chômage ».
Une séparation de fait est intervenue entre « chômage » et « chômage partiel »[8] (ou activité partielle). L’expérience de l’activité partielle a peu changé le regard sur les chômeurs.
L’emploi du terme « activité partielle » au lieu de « chômage partiel » par le ministère du Travail a sans doute contribué à creuser ce fossé.
LES DEMANDEURS D’EMPLOI ONT UNE VISION PLUS POSITIVE D’EUX-MÊMES
De leur côté, les demandeurs d’emploi se considèrent au contraire comme « des personnes dynamiques (87%), persévérantes (87%) et courageuses (82%) ».
« Cette distorsion entre l’expérience vécue et l’image perçue est pour partie imputée au relais des médias, vecteurs d’une présentation incomplète de ce qui est vécu par les chômeurs : plus d’1 demandeur d’emploi sur 2 déclare que les médias ne parlent pas assez des chômeurs et 8 sur 10 ont le sentiment qu’ils ne décrivent pas la réalité de ce qu’ils vivent. » – Unédic.
Les chômeurs ressentent avoir fait l’expérience d’un quotidien plus difficile en comparaison de celui des actifs en emploi[9].
On peut supposer, à tort ou à raison, que les 13 à 18% des demandeurs d’emploi qui n’ont pas une vision positive d’eux-mêmes, sont ceux qui ne sont pas trop dynamique, du moins au moment de l’enquête[10]. Une typologie des chômeurs réalisée par les acteurs de l’emploi, sur quelques critères, seraient intéressante.
[1] Cette étude a été réalisée en ligne, avec l’institut Elabe, du 17 juin au 6 juillet 2020. Étude quantitative, menée auprès d’un échantillon de 4 523 individus, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus. Les détails de la méthodologie et d’échantillonnage sont indiqués dans la synthèse de l’étude. Paru fin septembre 2020.
[2] +27 points par rapport au baromètre publié en avril 2020.
[3] 53% avant le confinement.
[4] « Tout le monde peut connaître une période de chômage au cours de sa carrière » pour 93%.
[5] 61% l’estime avoir été à la hauteur pendant la crise.
[6] « Ils perçoivent les demandeurs d’emploi comme des individus fragiles dépendants de la société. »
[7] « 4 groupes homogènes de perceptions ont été identifiés par cette analyse statistique. »
[8] « Les périodes d’activité partielle sont d’ailleurs considérées comme une parenthèse transitoire globalement bien vécue par ceux qui en ont fait l’objet. »
[9] Les demandeurs d’emploi se sentent plus stressés (55% contre 41%), plus inquiets (55% contre 36%) et sont au total plus malheureux (40%, contre 10%). 56% (-6 pts) ont le sentiment de ne pas avoir choisi la vie qu’ils mènent (contre 35% pour les actifs en emploi).
[10] Une part des chômeurs indemnisés peuvent se trouver, à un instant donné, une période de découragement, de désinvestissement, de dépression ou même l’idée de profiter de leur situation pendant un temps. Nul besoin de le nier. Mais de là à conclure à un phénomène global, il y a, sans aucun doute, une grave erreur.
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