DES TENSIONS SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL ONT EXISTÉ EN 2019.
Des tensions ponctuelles sur le marché du travail ont existé en 2019, selon une étude de la Dares.
Les « historiens de l’emploi » étudient le marché du travail de l’an passé. Ces observations ne sont plus d’actualité, balayées par la crise économique et sociale engagée depuis mars 2020, mais les principaux constats méritent l’attention. Cette situation prouve toute la modestie qu’il convient de professer sur les prévisions en manière d’emploi.
En 2019, il y avait des tensions de recrutement, c’est exact, mais sur certains métiers et certains territoires pour des motifs différents, mais il n’y avait pas une tension généralisée de l’ensemble du marché du travail comme cela a pu être dit. Les moyennes statistiques ne me semblent pas pertinentes[1].
Trois millions de demandeurs d’emploi restaient immédiatement disponibles (catégorie A) et 6 millions de personnes étaient inscrites à Pôle emploi.
LA PRÉSENTATION DE PÉNURIE DE MAIN-D’ŒUVRE A PARFOIS ÉTÉ FALLACIEUSE.
Les généralisations avancées par de nombreux journalistes, ou agence de presse, sur les pénuries, et postes non pourvus, ne rendent pas compte des réalités.
Certains médias publient des informations éloignées de la réalité pour des motifs divers : des chiffres à scandale pour attirer le public, une méconnaissance des sujets, une copie fidèle des communiqués du gouvernement (propagande ou communication), etc.
Jusqu’à février 2021, la communication relative à des centaines de milliers de postes vacants a été utilisée pour mettre en cause la présence de chômeurs « qui ne souhaitaient pas travailler » par des ministres et des responsables patronaux. Le cumul des « postes vacants », des postes non pourvus ou des abandons de recrutement sur des contrats courts ont été allégrement mélangés pour produire un effet politique.
IL EST IMPORTANT DE CERNER QUELLES TENSIONS SE SONT PRODUITES.
La Dares affirme qu’en 2019, les tensions sur le marché du travail augmentaient « pour la quatrième année consécutive »[2], rejoignant le niveau atteint en 2011.
Il y a eu effectivement une embellie sur le marché du travail entamé en 2015[3] avec une progression du nombre des emplois qui diminuait en 2019 par rapport aux années précédentes.
Sans rentrer ici dans l’approche par métiers observée, selon la méthodologie complexe propre à la DARES[4], plusieurs constats généraux sont à retenir.
- Une différence par secteur.
- Une tension apparaissait dans certains métiers du Bâtiment et de l’Industrie[5] et [6]. Le nombre global de créations d’emplois dans l’industrie est resté fort modeste (et ponctuels). Celle intervenue dans le secteur du bâtiment l’a été, pour l’essentiel, en 2019…
- Dans les services, les situations variaient aussi « d’un métier à l’autre ». C’est dans ce secteur qu’on a enregistré l’essentiel des créations d’emploi.
- Différentes causes des pénuries.
On doit distinguer les pénuries de candidats provenant :
- Soit d’une faute de compétences adéquates (par exemple du déficit de main-d’œuvre difficile à combler sans formation en l’informatique, mécaniciens et électroniciens de véhicules, etc.)
- Soit de celles issues des conditions de travail et d’emploi peu attractives (par exemple, aides à domicile et aides ménagères).
- Des tensions ponctuelles sur des métiers précis.
« Les métiers les plus en tension (ouvriers qualifiés, techniciens et cadres) ne correspondent pas à ceux qui emploient le plus de personnes. » C’est le cas par exemple, du métier peu répandu de dessinateur en électricité et en électronique
- Des tensions selon les territoires.
Enfin, les tensions diffèrent parfois selon le territoire pour un métier donné[7] ; ce qui ouvre la porte à la mobilité.
LE PAYSAGE DE L’EMPLOI EST PROFONDÉMENT BOUSCULÉ.
Suite à la perte de l’ordre d’un million d’emplois à fin 2020, la reprise économique devrait avoir lieu en 2022, selon le gouvernement et les experts les plus optimistes. Le retour au niveau d’activité de 2019 en 2022 reste encore malgré tout incertain, compte tenu des freins liés à la persistance de la crise sanitaire.
Les scénarios des industries aéronautiques (Airbus et sous-traitants, etc.) et automobiles (PSA, Renault et sous-traitants, etc.) de chômage partiel de longue durée (APLD) d’au moins deux ans donnent une idée de l’incertitude du calendrier de la reprise.
D’autres professions semblent devoir être durablement touchées : hôtellerie, restauration, débit de boisson, tourisme, événementiel, spectacle, sport professionnel, etc. dans le contexte présent. Une réorganisation de la vie sociale est désormais engagée et peut s’installer.
Cela n’empêche pas qu’il puisse y avoir des tensions ponctuelles et localisées sur le marché du travail dès 2021. Néanmoins, des efforts de formation initiale et continue devraient probablement contribuer à apporter des réponses sur le marché du travail.
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Le manque de candidats qualifiés sur un métier ou dans une fonction donnée, sur un territoire ou au niveau national, doit être suivi régulièrement pour déclencher les initiatives en matière de formation initiale et de formation professionnelle.
Cet affichage est nécessaire, mais il doit être accompagné d’un avertissement clair sur les évolutions du marché de l’emploi qui peuvent être rapides comme le prouve la crise actuelle. Cela n’empêche pas qu’il puisse y avoir des tensions ponctuelles et localisées sur le marché du travail dès 2021.
[1] Exemple de moyenne statistique de la Dares : « Entre 2015 et 2019, les tensions s’accentuent. L’intensité d’embauches augmente nettement (passant de 373 à 447 offres d’emploi pour 1 000 salariés), alors que la main-d’œuvre disponible se replie (de 184 à 171 demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A pour 1 000 salariés). »
[2] « Cette progression est associée à des besoins croissants de recrutement dans un contexte où la main-d’œuvre disponible diminue. » – DARES
[3] « De 2015 à 2019, le marché du travail français est relativement dynamique : les projets d’embauche croissent de plus de 50 % ; le taux de chômage diminue, passant de 10,3 % début 2015 à 8,1 % fin 2019, à la faveur de la création de 1,1 million d’emplois. » – Estimation de la Dares sur la base de chiffres de l’Acoss et de l’Insee.
[4] « Pour caractériser ce déséquilibre entre les offres d’emploi émanant des entreprises et les demandes d’emploi en provenance des personnes en recherche d’emploi, la Dares et Pôle emploi ont élaboré un indicateur synthétique de tension, établi à fréquence annuelle depuis 2011 et décliné par métier, de l’échelon national au niveau départemental. Cet indicateur prend en compte, pour chaque métier et dans chaque zone géographique, le niveau des difficultés de recrutement anticipées par les employeurs, les offres d’emploi rapportées au nombre de demandeurs d’emploi, et la facilité qu’ont les demandeurs d’emploi à sortir des listes de Pôle emploi. Une hausse de l’indicateur correspond à un accroissement des tensions. » Dares
[5] « Dans ces deux domaines, les tensions sont encore plus marquées pour les ouvriers et les techniciens les plus qualifiés. »
[6] « Géomètres ou les techniciens en mécanique et travail des métaux. »
[7] Le métier d’ouvriers qualifiés de la peinture et de la finition du bâtiment est « en tension au niveau national, alors qu’il ne l’est pas dans deux départements de Provence-Alpes-Côte-d’Azur. » « À l’opposé, le métier d’agents d’entretien de locaux n’est pas en tension à l’échelon national mais l’est en Bretagne et dans le Cher. »
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