A la mi-2020, la crainte d’une dégradation de la situation des jeunes sur le marché du travail a conduit le ministère du Travail à mettre en place un plan jeunes.
« La plus grande vulnérabilité socioéconomique des jeunes à la conjoncture, ainsi que la crainte d’un impact défavorable sur leur insertion professionnelle à plus long terme[1], ont justifié la mise en place rapide d’un plan pour soutenir l’emploi des jeunes. »
Parmi les mesures figure une « Aide à l’embauche des jeunes (AEJ) » qui a permis aux employeurs, qui en faisait la demande, de bénéficier d’une aide pour l’embauche d’un jeune âgé de moins de 26 ans, en CDI ou en CDD de trois mois ou plus (mesure du plan « 1 jeune, 1 solution »). Cette aide pouvait monter jusqu’à 4 000 euros pour un temps plein sur un an ; à raison de 1 000 € par trimestre pour un temps plein.
LE DISPOSITIF D’AIDE A L’EMBAUCHE DES JEUNES PREND FIN AU 31 MAI 2021.
La Dares vient de publier une étude[2] qui dresse une première évaluation sur la période d’aout à décembre 2020.
Entre août et décembre 2020, elle concerne les 310 000 demandes d’AEJ ont été faites. 240 000 aides auraient déjà été versées à des employeurs[3].
Ces chiffres apparaissent valides puisque l’employeur dispose d’un délai de 4 mois à compter de l’embauche du salarié pour faire sa demande. Cela signifie que la majorité des embauches de jeunes n’ont pas donné lieu à une demande d’AEJ.
LE TEMPS DES BILANS DÉBUTE.
Le but est de tenter de mesurer les effets de l’AEJ sur les embauches de jeunes et l’emploi des jeunes.
Ces résultats devront être confirmés en tenant compte de la durée réelle des contrats et par conséquent du budget finalement engagé.
Selon la Dares, le résultat apparait assez mitigé et il reste discutable :
« Ce dispositif aurait permis une hausse de 7% de l’emploi en CDI ou CDD long des jeunes de 22 à 25 ans, soit 60 000 emplois. »
La Dares ajoute un commentaire sur les limites de l’effet.
« Toutefois, ce dispositif n’aurait pas eu d’effet sur l’emploi total de ces jeunes en raison notamment d’un effet négatif de l’aide sur l’emploi non salarié et de l’emploi intérimaire pour les 22-25 ans. »
Enfin, il faut relever que le taux d’emploi des jeunes semble avoir peu varié durant la période pour les CDI et CDD de plus de trois mois. On note juste un creux pour les 22-25 ans au second trimestre 2020[4].
LA COMPARAISON AVEC LES AUTRES CONTRATS OU CLASSE D’AGE SONT DISCUTABLES.
La comparaison porte sur les catégories bénéficiaires par rapport à celle qui ne le sont pas[5].
- La différence selon le type de contrat de travail
Pour les CDI ou CDD plus de 3 mois, les embauches de jeunes ont baissé entre aout et décembre 2020 par rapport à la même période en 2019.
Pour les 22-25 ans : -10% (disposant potentiellement de l’AEJ) et pour les 26-29 ans : -17%.
C’est de cet écart que provient l’impact supposé par la Dares à hauteur de 7 points entre la classe d’âge bénéficiant de l’AEJ et celle n’en bénéficiant pas. Cette comparaison parait discutable, car la situation des jeunes évolue en fonction de leur classe l’âge : des jeunes en premier emploi ou des jeunes en début de carrière salariée.
- La différence selon les classes d’âge
Pour les contrats de moins de 3 mois non concerné par l’AEJ, la baisse a été plus forte pour les contrats de moins de 3 mois ; Pour les 22-25 ans, -37% et pour les 26-29 ans : -36%.
La raison de cet écart avec les contrats supérieurs à trois mois est difficile à interpréter. Elle provient de la nature des contrats (contrats courts) et sans doute pas de l’AEJ[6]…
UNE AUTRE ÉTUDE CONFIRME DES RÉSULTATS PROCHES
Le focus, publié en mai, par le Conseil d’analyse économique (CAE)[7] donne des résultats un peu différents, car il porte sur une période plus longue d’août 2020 à février 2021[8].
La prime aurait généré une augmentation moyenne d’environ 8% du nombre d’embauches, sur la période d’août 2020 à février 2021 et aurait eu tendance à augmenter dans le temps.
Néanmoins, le commentaire historique est important :
« L’impact reste à ce stade quantitativement plus faible que des mesures similaires (deux fois plus faible que la mesure « zéro charges » de 2008). »
La raison semble en être le niveau de la prime : 333 € par mois.
« Le coût budgétaire d’une embauche supplémentaire du fait de la prime sur un CDD de 3 mois serait d’environ 5 000 euros. » – Focus CAE.
***
RAPPEL DES CONDITIONS POUR BÉNÉFICIER DE AEJ
- Embaucher entre le 1er août 2020 et le 31 mai 2021, dans la limite de 1,6 SMIC, un jeune de moins de 26 ans.
- Embaucher cette personne en CDI, en CDI intérimaire ou en CDD pour une période d’au moins 3 mois.
- L’employeur ne doit pas avoir procédé à un licenciement économique sur le poste concerné depuis le 1er janvier 2020.
- L’aide vise les embauches nouvelles.
- L’aide n’est pas cumulable avec une autre aide de l’État liée à l’insertion, l’accès ou le retour à l’emploi du salarié concerné.
[1] Ce dispositif a été prolongé jusqu’au 31 mai 2021, en se restreignant cependant aux rémunérations inférieures ou égales à 1,6 fois le montant du SMIC.
[2] Dares Analyses N°22 – 12 mai 2021 – « Quels ont été les effets de l’aide à l’embauche des jeunes sur l’emploi des jeunes ? »
[3] Source ASP-DGEFP, au 10 avril 2021
[4] Taux d’emploi en CDI et CDD de plus de 3 mois des 22-25 ans et des 26-29 ans
22-25 ans | 26-29 ans | |
T4 2019 | 43% | 60% |
T1 2020 | 42% | 60% |
T2 2020 | 39% | 60% |
T3 2020 | 40% | 58% |
T4 2020 | 42% | 60% |
[5] Variation annuelle sur août à décembre 2020 et 2019.
22-25 ans |
26-29 ans |
|
CDI ou CDD plus de 3 mois |
-10% |
-17% |
Contrats hors CDI ou CDD de plus de 3 mois |
-37% |
-36% |
[6] Le commentaire de la Dares semble très discutable : « Ces premières évaluations suggèrent ainsi que l’AEJ aurait favorisé un déplacement de l’emploi des jeunes de 22 à 25 ans vers des CDD longs et CDI, sans conduire à une hausse du taux d’emploi de ces jeunes. »
[7] Focus N° 060‐2021 – Mai 2021 – Évaluation de l’aide à l’embauche des jeunes à partir des déclarations préalables à l’embauche – Philippe Martin et Roland Rathelot. https://cae-eco.fr/evaluation-de-laide-a-lembauche-des-jeunes-a-partir-des-declarations-prealables-a-lembauche
[8] « Ce Focus présente les résultats d’une évaluation de l’impact de l’aide à l’embauche des jeunes (AEJ) sur le nombre de nouveaux contrats signés, utilisant les données agrégées d’embauches (source ACOSS). »
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