DEUX TRIBUNES VIENNENT DE PARAITRE CONCERNANT LA REFORME DE L’ASSURANCE CHÔMAGE.
L’une a été signée par trois économistes[1] qui défendent la réforme de l’assurance chômage[2] en affirmant que « La réforme de l’assurance chômage va clairement dans le bon sens ».
L’autre a recueilli la signature de responsables d’organisations syndicales (CFDT, CGT, Unsa) et d’associations de chômeurs, etc.[3] qui demandent l’abandon de cette réforme, car « La réforme de l’assurance-chômage est injuste, absurde et indécente »[4]
DEUX POINTS DE VUE SUR LA REFORME S’AFFRONTENT.
Mais il n’y a pas vraiment de face à face entre ces deux analyses de la réforme, dans la mesure où les motivations des signataires diffèrent.
D’une part, ces économistes défendent une logique apparemment mathématique[5], plus ou moins rigoureuse (selon leurs exemples), mais au fond purement politique.
Ils apportent leur soutien à la réforme de l’assurance chômage, dont ils sont, en partie, les inspirateurs. Ils assument franchement leurs préconisations. Leurs arguments concernent uniquement la réforme de l’indemnisation des contrats courts.
Mais surtout, concentrent leurs critiques, sur le plan politique, les responsabilités des partenaires sociaux :
« A la faveur de réformes successives voulues par les partenaires sociaux, le régime est aussi devenu une machine à fabriquer de la précarité, source de chômage et de déficits quasi permanents. » (…) « La couverture exceptionnelle de ce régime en France ne doit cependant pas faire oublier ses dérives. »
Ils critiquent la démarche de l’Unédic et leur texte apparait, au final, comme une charge contre le régime lui-même.
Ces économistes affirment « qu’une partie significative de l’assurance-chômage est financée par l’impôt. » et que par conséquent elle relève directement « du contrôle de l’Assemblée nationale ».
Ils ont implicitement abandonné le principe assurantiel, suite au remplacement de la cotisation salariale par la CSG, pour le principe d’une simple aide sociale aux chômeurs destinée à être fusionner avec les autres aides sociales existantes : ASS, RSA, etc.
C’est le projet, en suspens, du Revenu Universel d’Activité (RUA) qui apparait de manière sous-jacente.
D’autre part, les organisations et associations demandent l’abandon de la réforme avec une argumentation sociale et solidaire. Elles réaffirment l’opposition commune à toutes les organisations syndicales depuis juin 2019.
Ils mettent en avant les prévisions de l’Unédic sur l’impact prévu. Ils plaident pour la prise en compte de la situation sociale exceptionnelle que traverse la France.
MAIS IL NE FAUT PAS S’Y TROMPER, LES JEUX SONT FAITS.
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La réforme s’appliquera au 1er juillet. La volonté du gouvernement a été confirmée par la ministre du Travail, et le Premier ministre, pour plusieurs raisons : l’affirmation de la politique de « transformation » du président, un engagement européen pour accéder aux aides européennes, etc.
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La baisse du montant de l’assurance chômage pour les salariés en contrats courts se concrétisera progressivement, avec des effets variables selon chaque cas personnel. Le nombre de chômeurs concernés augmentera tout au long de la première année.
CETTE REFORME CONTRIBUERA A LA MONTÉE DE LA TENSION SOCIALE DURANT L’ANNÉE PRÉCÉDENT LES ECHEANCES DE 2022.
L’incertitude demeure sur la forme que prendra la réaction sociale : mécontentement silencieux ou manifestations urbaines, mouvement syndical ou « inorganisée », politique ou non…
Quant aux autres mesures de la réforme (dégressivité pour les cadres et allongement de la durée pour un accès aux droits), elles restent en suspens dans l’immédiat ; mais pourraient s’appliquer avant la fin 2021.
L’application de ces mesures aboutira à une légère diminution de la dette de l’Unedic, mais dans une proportion bien faible, tant celle-ci a augmenté en 2020 et 2021.
La prévision de dette atteint les 70 milliards à fin 2021. Elle met en cause le régime d’assurance chômage lui-même, à cause des choix de l’État ; c’est-à-dire la prise en charge par l’Unédic du tiers du cout du chômage partiel depuis mars 2020, sans disposer des ressources correspondantes.
L’AVENIR DE L’ASSURANCE CHÔMAGE SERA L’UN DES ENJEUX DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DE 2022.
[1] Pierre Cahuc, Professeur à Sciences Po ; Stéphane Carcillo, Professeur affilié au département d’économie de Sciences Po ; François Fontaine, Professeur à l’Ecole d’économie de Paris.
[2] « La réforme de l’assurance chômage va clairement dans le bon sens » – Tribune dans Le Monde du 09/05/2021 – https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/05/09/la-reforme-de-l-assurance-chomage-va-clairement-dans-le-bon-sens_6079628_3232.html
[3] « La réforme de l’assurance-chômage est injuste, absurde et indécente » 11/05/2021. Signataires : CFDT ; Emmaüs France ; Fédération des acteurs de la solidarité ; collectif Alerte ; Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) ; Secours catholique ; ATD Quart Monde ; CCSC-Vaincre le chômage ; Solidarités nouvelles face au chômage ; CGT ; Coorace (fédération nationale de l’économie sociale et solidaire) ; APF France handicap ; UNSA (Union nationale des syndicats autonomes).
[4] Tribune dans Le Monde du 11/05/2021 – https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/05/11/la-reforme-de-l-assurance-chomage-est-injuste-absurde-et-indecente_6079887_3232.html
[5] Leurs arguments sont les suivants : « La réforme vise à instituer une indemnisation qui reflète mieux la quotité de travail et le revenu antérieurs des allocataires de l’assurance chômage. À cette fin, il est désormais tenu compte de tous les jours, y compris ceux non travaillés, dans la limite d’un plancher, afin de définir un revenu du travail moyen comparable pour tous. Avec cette méthode, le montant des allocations devient identique dans les deux cas cités précédemment. »
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