La lutte contre toutes les formes de fraude sociale est une préoccupation montante. Ces fraudes contribuent à mettre en cause les régimes sociaux dans l’opinion.
La pratique du travail illégal, dont les fraudes au chômage partiel, et les abus du travail détaché sont l’une des composantes des fraudes sociales.
L’inspection du travail est mobilisée et Pôle emploi mène également des actions de lutte contre la fraude et a mis en place une unité spécialisée à cet effet. Les moyens de cette dernière ont été renforcés dans le cadre la loi de Finances 2021.
La création d’une véritable agence nationale de lutte anti-fraude, dotée de pouvoirs d’audit, de conseil et d’injonction à l’égard des organismes de protection sociale, proposé par le Rapport adopté par l’Assemblée Nationale apparait judicieuse.
L’INSPECTION DU TRAVAIL A RÉALISÉ 265 000 INTERVENTIONS EN 2020.
Les services de l’inspection du travail ont effectué près de 300 000 interventions en 2019 et près de 265 000 en 2020, en raison des circonstances sanitaires (-12%)[1].
Une part de ces contrôles sont ciblés par objectif : santé et la sécurité au travail, travail illégal, fraudes à l’activité partielle et au détachement international des salariés et l’égalité professionnelle. 61% des contrôles ont été ciblés en 2020. Les autres interventions interviennent en réponse à des sollicitations.
20% des contrôles de l’inspection du travail ont été ciblés sur des suspicions de fraude sociale, en 2020.
Trois objectifs ont été visés :
- La lutte contre le travail illégal classique[2] ;
- La fraude au chômage partiel, apparue avec la mise en œuvre massive du système exceptionnel mis en place en mars 2020, de nombreux articles de presse ont illustré ce sujet par des témoignages ;
- Le contrôle des conditions de détachement de travailleurs européens[3], dont la règlementation et les sanctions ont été renforcées avec la transposition de la Directive européenne sur le travail détaché du 30 juillet 2020. Plus de 3 300 établissements étrangers ayant effectué une Prestation de service internationale (PSI) en France, ont été contrôlés.
En 2020, 53 000 contrôles ont été effectués, contre plus de 74 000 en 2019 (-29%)[4]. Cette baisse a été causée par la priorité accordée au contrôle des mesures de protection sanitaire anti-covid19 (64 000 interventions).
Le dispositif de chômage partiel « a parfois donné lieu à des abus, voire des malversations ». Ces fraudes constituent une forme de travail illégal.
La lutte contre ces fraudes constitue l’une des priorités de l’inspection du travail[5]. 8 900 contrôles ont ainsi été menés en 2020.
Ce nombre peut paraitre faible par rapport à l’ampleur du dispositif d’activité partiel qui a concerné, en période de pointe, plus de 8 millions de salariés.
Des « contrôles a posteriori » d’entreprises qui ont bénéficié d’une indemnisation du chômage partiel auront lieu, mais dans une proportion qui n’atteindra pas les 10% ! En effet, le contrôle préalable dans la période de crise a été très faible, voire inexistant.
LES RÉSULTATS NE SONT PAS COMMUNIQUES PRÉCISÉMENT .
Le bilan des contrôles pour 2020 de l’inspection du travail est global. Il évoque :
- Plus de 147 000 lettres d’observations, qui rappellent la réglementation,
- Plus de 4 000 procès-verbaux,
- Plus de 4 600 mises en demeure et
- Près de 4 900 arrêts de chantier ou d’activité.
Mais ces observations ou sanctions ne sont pas détaillées par motif : travail illégal, chômage partiel ou travailleurs détachés. La communication du tableau croisé (motifs/sanctions), qui existe sans aucun doute, suffirait à estimer le travail et ses résultats. Cette absence de communication sur les résultats laisse dubitatif sur l’aboutissement du travail mené par l’inspection du travail. Les résultats obtenus par poste seraient plus significatifs que le simple nombre des contrôles, pour estimer l’efficacité de la lutte contre la fraude sociale. En l’absence de ces chiffres, il n’est pas possible d’apprécier correctement le travail mené.
DES OBJECTIFS SONT AFFICHES POUR 2021.
En 2021, l’inspection prévoit de réaliser 300 000 interventions. La moitié devrait concerner les priorités d’action pluriannuelles définies en 2020[6].
Les objectifs sont de 25 000 interventions sur le travail illégal (dont le chômage partiel), en général, et 20 000 sur le contrôle du travail détaché.
A propos de ce dernier point :
- « 20% des entreprises étrangères distinctes seront contrôlées dans chaque région ».
- Des secteurs professionnels, jugés prioritaires, sont sélectionnés pour effectuer les contrôles (construction, industrie, etc.).
Cette démarche comporte un volet santé car « les travailleurs détachés et plus généralement les plus précaires sont par ailleurs souvent plus exposés au risque de Covid-19[7] ».
Ces objectifs pour 2021 semblent assez limités en raison du choix de la priorité sur « la santé et la sécurité », ainsi que des moyens disponibles.
[1] La Direction générale du travail (DGT) a présenté aux partenaires sociaux, le bilan de l’action de l’inspection du travail en 2019 et 2020, ainsi que ses perspectives pour 2021. « En 2020, l’activité a été fortement impactée par la crise sanitaire qui a conduit à revoir les modalités d’intervention des agents de contrôle. »
[2] « Le travail illégal constitue un préjudice pour les travailleurs privés de leurs droits ; pour les organismes de protection sociale qui ne recouvrent pas les cotisations dues ou pour les autres opérateurs économiques qui pâtissent de concurrence déloyale.
Les formes de fraudes sont diverses et se complexifient (faux statuts, faux détachement…) tandis que les formes classiques (non-déclaration, dissimulation d’heures) perdurent. »
[3] « Les formalités encadrant le détachement comme les règles de rémunération, de temps de travail, de conditions de travail et d’hébergement ne sont pas toujours respectées. Ces manquements nuisent aux travailleurs détachés et alimentent une concurrence déloyale entre entreprises. »
[4] Évolution du nombre des interventions en matière de fraude sociale en 2018, 2019 et 2020.
Interventions |
2018 |
2019 |
2020 |
Évolution 2020/2019 |
Travail illégal |
34 529 |
49 522 |
31 390 |
-37% |
Fraude à l’activité partielle | – | – |
8 934 |
– |
Détachement de travailleurs |
20 956 |
24 623 |
12 687 |
-48% |
Ensemble fraude sociale |
55 485 |
74 145 |
53 011 |
-29% |
[5] « Selon la gravité des faits constatés et le caractère intentionnel ou non de l’irrégularité relevée, les contrôles se traduisent par une régularisation ou un remboursement des trop-perçus, ou par des procédures judiciaires. »
[6] « L’objectif est ainsi de réaliser 90 000 interventions en matière de santé et sécurité au travail, 25 000 pour combattre le travail illégal et la fraude à l’activité partielle, 20 000 pour contrôler le détachement transnational de salariés, et 15 000 relatives à l’égalité professionnelle. » A fin mars, 65 000 interventions ont déjà été réalisées dont plus de 39 000 sur l’un des axes prioritaires.
[7] « Comme les saisonniers ou les intérimaires, les travailleurs détachés sont notamment trop souvent hébergés de façon précaire, voire indigne, et dans une grande promiscuité. »
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