Un débat, déjà ancien, demeure sur les catégories de jeunes qui doivent bénéficier des contrats d’apprentissage.
L’option actuelle du ministère du Travail aura été de prendre en compte tous les jeunes du CAP au Master2 jusqu’à cette année.
Mais dans la mesure où se profile une perspective de réduction budgétaire entre 2024 et 2027, plusieurs experts prônent un ciblage limitant l’aide aux contrats d’apprentissage aux jeunes infra bac (c’est-à-dire préparant du CAP au bac), voire les jeunes préparant le BTS.
« La trajectoire financière difficilement soutenable du dispositif soulève la question du financement de l’enseignement supérieur dans son ensemble. » – Bertrand Martinot, ancien DGEFP[1]
LE SOUTIEN AUX CONTRATS D’APPRENTISSAGE DANS LE SUPERIEUR PARAIT MIS EN CAUSE.
L’OFCE déclare par exemple que :
« L’apprentissage est un dispositif très efficace pour l’insertion professionnelle des jeunes, en particulier s’ils sont peu qualifiés, sortis prématurément du système scolaire.[2] »
La formule désigne implicitement les diplômes post bacs, moins « efficace ».
La réalité est que la croissance du nombre des contrats d’apprentissage en cours repose en grande partie sur des jeunes prônant un diplôme d’enseignement supérieur.
Le constat est clair :
« Il y avait, fin 2022, 543 000 apprentis de plus qu’en 2018 : nous estimons que la réforme de 2018 aurait contribué à hauteur de 20% à cette hausse (+80 000) mais que l’aide exceptionnelle est à l’origine de l’essentiel des embauches d’apprentis (+460 000). » – OFCE.
La politique actuelle fait l’objet de critiques :
« L’aide exceptionnelle a été reconfigurée en 2023 dans le but d’atteindre le nouvel objectif du million d’entrées en apprentissage chaque année, mais au prix d’une profonde mutation du dispositif, et pour un coût budgétaire qui reste très élevé. »
« Un retour à la réforme 2018 dans son esprit et sa lettre permettrait de réduire le coût budgétaire du dispositif, tout en gardant son efficacité pour l’insertion dans l’emploi des jeunes les plus exposés au risque de chômage. » – OFCE.
LE NOMBRE D’APPRENTIS EST EN QUESTION.
L’augmentation du nombre de salariés ces trois dernières années repose pour plus d’un tiers sur cette augmentation massive de ces contrats d’apprentissage.
Le dispositif Parcoursup fait actuellement activement la promotion des formations supérieures en l’apprentissage.
Bref, la remise en cause de la situation actuelle apparait politiquement difficile avec l’abandon de fait de « l’objectif de 1 million de jeunes en cours d’apprentissage ».
Les chiffres annoncés sont trop souvent flous entre le flux d’entrée se signature de contrat d’apprentissage et le nombre de jeunes en stock cours de contrat en fin d’année.
La suppression, partielle ou totale, des aides aux entreprises pour l’apprentissage post bac provoquerait un effondrement du nombre des contrats signés.
LA REFORME DES LYCÉES PROFESSIONNELS NE REPOSE PAS SUR L’APPRENTISSAGE.
La réforme des lycées professionnels prévoit juste un allongement progressif des stages durant les trois ans.
Le constat est donc le suivant :
« la réforme de 2018 qui a été un grand succès dans l’enseignement supérieur, n’a pas réussi à véritablement faire décoller l’alternance sur les niveaux bac et infra-bac.
Parallèlement, elle a échoué à faire basculer un nombre significatif de jeunes du statut scolaire en lycée professionnel en alternants sur les niveaux dont elle avait traditionnellement la charge, et qui sont ceux pour lesquels sa valeur ajoutée en matière d’insertion est la plus importante. » – Bertrand Martinot, ancien DGEFP.
[1] Bertrand Martinot, Économiste, est l’un des meilleurs spécialistes français de la question du chômage, des politiques de l’emploi et du dialogue social. Il a reçu le Prix Turgot 2014 pour Chômage : inverser la courbe. Il a été conseiller social à la Présidence de la République de 2007 à 2008, délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) de 2008 à 2012, puis directeur général adjoint de la région Ile-de-France en charge du développement économique, de l’emploi et de la formation jusqu’en 2019. Il est actuellement directeur du conseil en formation et développement des compétences chez SIACI SAINT HONORE.
[2] OFCE Policy brief – 117 – 14 juin 2023.
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