LES PRÉVISIONS SUR L’ÉVOLUTION DES EMPLOIS SONT FRAGILES.
Les prévisions à moyens termes du marché du travail sont diverses et au-delà des chiffres annoncés repris par les médias, il semble difficile d’avoir des certitudes.
Seules les tendances doivent être prises en compte.
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Elles ont un caractère indispensable pour cibler l’évolution des formations initiales et professionnelles.
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Elles doivent peser sur l’orientation professionnelle des jeunes comme des moins jeunes.
Deux sujets sont en tête des motifs de prévisions sur l’évolution des emplois :
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D’une part, une politique « verte » encourage la modification de la production et du secteur logistique,
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D’autre part, l’introduction de l’intelligence artificielle (IA) porte sur certaines fonctions et certains métiers.
Parler de « transition » écologique et/ou numérique décrit assez mal les évolutions à venir.
Pour tenter de résumer les données connues, le fait principal est que de nombreux métiers vont évoluer progressivement, plus ou moins vite.
Cette évolution est liée à l’importance des investissements réalisés pour faire évoluer la production (politique économique) et à la modification très rapide de l’offre numérique (création de nouveaux outils par les sociétés de ce secteur).
La disparition ou l’apparition de métiers nouveaux devrait être plus limitée et progressive en effectif de salariés que certaines sources l’annonce.
Les rapports et études annonçant, au niveau mondial, la suppression et/ou la création de dizaine de millions de postes, dans une durée imprécise, devraient à mon sens être mises de côté.
La principale conclusion me semble être que l’enjeu essentiel repose sur la formation initiale (qui ne connait pas l’évolution indispensable) et professionnelle (trop peu financée à bon escient) pour conserver et augmenter un nombre d’emplois qui correspond au bon équilibre de la société et des régimes sociaux.
Développons ces deux sujets phares.
« TRANSITION » ÉCOLOGIQUE ET EMPLOIS
Les effets sur l’emploi de l’organisation de la « transition » écologique seront relativement limités par rapport à l’ensemble des emplois, selon un rapport récent de la Dares[1].
Néanmoins la transition devrait s’accompagner d’une réorganisation des emplois « à la fois entre secteurs et au sein des secteurs clés de la transition ».
La réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) devrait toucher particulièrement les secteurs de la production, facteurs de fortes émissions de gaz à effet de serre (GES) :
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Agriculture,
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Construction,
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Energie,
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Industrie,
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Transport et logistique.
Ceux-ci seront naturellement les plus impactés par la transition[2].
Au niveau des secteurs les plus impactés, la dynamique et les tensions associées pourront être importantes à court terme.
Des effets indirects pourraient être potentiellement plus importants :
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en raison de la concentration territoriale, par exemple pour l’énergie, avec des impacts négatifs sur l’ensemble des activités des territoires les accueillant et
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en fonction des effets en cascade sur les sous-traitants, comme pour l’industrie ou les transports.
DÉVELOPPEMENT DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE (IA) ET EMPLOIS.
Les études qui prévoyaient des destructions d’emplois par millions avec le développement de l’intelligence artificielle (IA) se sont trompées[3].
Car dans la pratique, peu d’entreprises ont adopté l’IA[4].
L’évolution reste lente.
Une minorité des employeurs français utilisent l’intelligence artificielle.
Selon un récent sondage publié par Pôle emploi[5], seuls 31% l’utilisent déjà et 4% s’y préparent.
57% ne s’en servent pas et ne comptent pas le faire. Les freins portent sur une incompatibilité de l’IA avec leurs activités, un manque de compétences ou les réticences du personnel.
Le recours à l’IA serait important dans l’agriculture (58%), l’industrie (50%), la finance (44%) et le commerce (40%). Mais plus rares dans la construction et les services aux particuliers.
Quand les entreprises le font, elles ne se débarrassent généralement pas massivement de leurs salariés[6].
Des médias se sont fait l’écho de prévisions catastrophistes de suppressions de postes pour alimenter leur audience.
Le second volet de ces prévisions alarmiste consistait à dire que ces suppressions de postes concerneraient surtout les cadres et professions intellectuelles (et visait les « cols blancs »).
Cela n’aura pas été le cas[7], sauf dans quelques secteurs[8].
Au contraire, la proportion des emplois qualifiés a augmenté, et devrait continuer à augmenter, dans les économies développées.
Les effectifs des emplois peu qualifiés diminuent, selon les prévisions actuelles.
Dans la période qui s’ouvre, l’IA générative, type ChatGPT ou autres outils[9], relance le débat.
Elle pourrait avoir des effets sur le marché de l’emploi, mais « en réalité, l’important est de rappeler qu’il est très difficile de prévoir son développement. »
LE RECOURS A L’IA PRÉSENTE DES AVANTAGES
Les entreprises qui utilisent l’IA[10] font valoir comme avantages : un accroissement de l’autonomie des salariés (66%), une réduction des tâches fastidieuses (63%), un effet positif sur la santé et la sécurité du personnel (66%) ou un effet positif sur la relation client (58%).
Le recours à l’IA concerne le plus souvent les services comptabilité, communication et ressources humaines, et, en second plan, la production, le commercial et les achats.
[1] La Dares a apporté son expertise à la mission d’évaluation des impacts macroéconomiques de la transition climatique menée par Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz.
Rapport thématique issu de la mission présidée par Jean Pisani-Ferry – 22 mai 2023 https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/les-incidences-economiques-de-laction-pour-le-climat-focus-sur-le-marche-du-travail
[2] Au niveau des secteurs les plus impactés, la dynamique et les tensions associées pourront être importantes à court terme.
[3] « Ce n’est pas parce qu’il est techniquement possible de déployer l’IA que cela se passe. Il faut que cela soit cohérent pour l’entreprise et compatible avec la réglementation en vigueur. » – Stijn Broecke, économiste à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et spécialiste de l’avenir du travail.
[4] L’intelligence artificielle, destructrice d’emplois ? Pourquoi autant d’études se sont plantées ! Par Florent Vairet – Les Echos – 1 juin 2023 – https://start.lesechos.fr/societe/economie/lintelligence-artificielle-destructrice-demplois-pourquoi-autant-detudes-se-sont-plantees-1948420
[5] Un sondage a été publié le 15 juin par l’institut BVA pour Pôle emploi sur la base d’une enquête menée auprès de 3 000 sociétés de plus de 10 salariés.
[6] « Et quand elles le font, elles ne se débarrassent pas de leurs salariés, ou indirectement et progressivement via des départs volontaires ou en retraite. Face à la pénurie actuelle de compétences, elles savent qu’elles auront besoin de ces mêmes salariés »
[7] « Plus un emploi est qualifié, plus le travailleur a de compétences qui ne sont pas encore automatisables et donc plus il est protégé » – Expert de l’OCDE.
L’OCDE a justement récemment étudié les transformations survenues lors de ces dix dernières années. Résultat : très peu de professions ont disparu, et rares sont celles aussi qui ont vu leur nombre de salariés diminuer.
[8] Dans la finance, l’adoption de l’IA a pu avoir des conséquences sur l’emploi.
[9] « Le coût désormais très bas de pourrait permettre une adoption à grande échelle ». – Expert de l’OCDE.
[10] L’IA concerne le plus souvent des outils capables de répondre à des questions ou de réaliser des diagnostics pour l’aide à la décision.
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