La Commission de l’Intelligence artificielle vient de remettre un rapport qui propose « une stratégie ambitieuse pour soutenir, plutôt que subir, le développement des Intelligences Artificielles (IA)[1] ».
La synthèse générale précise que l’intelligence artificielle (IA) n’est pas une nouveauté : elle date des années 1950 ; elle recouvre un ensemble d’outils numériques, déjà omniprésents dans notre société, enfin, l’IA générative constitue un tournant majeur de cette histoire de l’innovation.
LE PLAN DE LA COMMISSION INCLUT 25 RECOMMANDATIONS[2].
Elles représentent un engagement d’environ 5 milliards d’euros par an sur les cinq prochaines années.
Au total, le plan est évalué à plus de 27 milliards d’euros sur cette période.
LA PLACE FAITE A L’EMPLOI, AU TRAVAIL ET A LA FORMATION APPARAIT LIMITÉ.
Force est de constater que les deux points concerneant le ministère du Travail ne font pas l’objet d’un projet de budget significatif.
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Investir dans l’observation, les études et la recherche sur les impacts des systèmes d’IA sur la quantité et la qualité de l’emploi (point 2) ;
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Faire du dialogue social et professionnel un outil de co-construction des usages et de régulation des risques des systèmes d’IA (point 3).
Le seul financement significatif concerne les formations à l’IA dans l’enseignement supérieur avec un budget proposé d’1,2 milliards d’euros sur les cinq ans.
Il s’agit de :
« Généraliser le déploiement de l’IA dans toutes les formations d’enseignement supérieur et acculturer les élèves dans l’enseignement secondaire pour rendre accessibles et attractives les formations spécialisées (point 6) ».
LA PRÉSENTATION GLOBALE DU PLAN CONFIRME LA FAIBLE PART, DISCUTABLE, ACCORDE DIRECTEMENT A LA FORMATION ET AU TRAVAIL.
Sans entrer dans le détail d’un rapport très riche, les moyens proposés se trouvent répartis en cinq grandes catégories :
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Investissements technologiques et industriels (45%) ;
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Déploiement de l’IA au service des citoyens (35%) ;
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Diffusion de l’IA dans l’économie (10%) ;
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Appropriation collective, formation, recherche (9%) ;
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Gouvernance française, européenne, mondiale (1%).
LE DIAGNOSTIC SUR LE MARCHE DE L’EMPLOI N’APPORTE RIEN DE NEUF
« S’agissant des effets sur le monde du travail et le marché de l’emploi, le rapport à l’immense mérite de reposer sur une revue de la littérature internationale la plus récente, qui pointe la difficulté à anticiper les conséquences des gains de productivité et à mesurer les effets de substitution à l’emploi selon les niveaux auxquels on se situe. »
Deux conclusions très générales et déjà connues sont au rendez-vous :
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« S’appuyant sur des travaux analysant la probabilité que l’IA remplace les tâches exercées (et non des emplois), le rapport suggère un effet positif de l’IA sur l’emploi dans les entreprises qui adoptent l’IA.
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Pour autant, au niveau sectoriel, certaines professions sont clairement plus exposées à un risque de substitution. »
La conclusion du Rapport, concernant l’emploi et le chômage, figure dans la formule suivante :
« L’IA ne doit susciter ni excès de pessimisme, ni excès d’optimisme : nous n’anticipons ni chômage de masse, ni accélération automatique de la croissance
Dans les prochaines années, l’IA ne remplacera pas l’humain, de même qu’elle ne sera pas la solution à tous les défis de notre temps. Nous ne devons ni surestimer l’impact à très court terme, ni le sous-estimer à long terme. »[3]
LES PRIORITÉS DU RAPPORT APPARAISSENT CLAIREMENT.
Cinq objectifs totalisent 82% des financements potentiels.
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28% : Accélérer l’émergence d’une filière européenne de composants semi-conducteurs adaptés aux systèmes d’IA.
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20% : Renforcer la capacité technique et l’infrastructure du numérique public afin de définir et de passer à l’échelle une réelle transformation des services publics grâce au numérique et à l’IA, pour les agents et au service des usagers.
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13% : Investir massivement dans les entreprises du numérique et la transformation des entreprises pour soutenir l’écosystème français de l’IA et en faire l’un des premiers mondiaux.
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11% : Faciliter la circulation des données et le partage de pratiques pour tirer les bénéfices de l’IA dans les soins, améliorer l’offre et le quotidien des soignants.
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9% : Inciter, faciliter et amplifier le recours aux outils d’IA dans l’économie française en favorisant l’usage de solutions européennes.
[1] La Commission de l’Intelligence Artificielle est co-présidée par Philippe Aghion, professeur au Collège de France et économiste, et Anne Bouverot, présidente du conseil d’administration de l’ENS.
[2] 25 recommandations pour l’IA en France – 13/03/2024
[3] « Tous les pans de notre société sont concernés et le seront davantage à l’avenir, tant son potentiel est considérable. (…) L’Europe et la France ont des atouts pour être des acteurs de cette révolution, en premier lieu du fait de l’excellence de nos talents Cette richesse et le dynamisme exceptionnel de l’écosystème français dans l’IA ne doivent néanmoins pas masquer une réalité préoccupante. Depuis plusieurs décennies, la tendance est celle d’un déclassement technologique et économique de notre continent, qui hypothèque sa prospérité et son indépendance. Alors que les États-Unis et la Chine ont fait de la maîtrise de l’IA l’un des piliers de leur stratégie de puissance, nous devons relever le défi de l’IA, faute de quoi nous n’aurons pas la maîtrise de notre avenir. Il faut réformer nos institutions et nos politiques publiques, pour que l’IA puisse être pleinement un facteur de progrès. »
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