Le premier ministre vient d’annoncer des mesures de droit du travail[1] destinées à encourager les embauches et faciliter les licenciements dans les TPE et les PME[2]. Il a présenté de 18 « mesures fortes pour lever les freins, les incertitudes, simplifier la vie des TPE et des PME et donc encourager l’embauche« [3] qui complètent les dispositifs existants. Ses constats sont les suivants : la croissance revient, mais elle ne permet pas de faire baisser le chômage et les TPE et les PME emploient la moitié des salariés en France.
QUELQUES MESURES DE DROIT DU TRAVAIL DESTINÉES À ENCOURAGER LES EMBAUCHES ET FACILITER LES LICENCIEMENTS
Manuel Valls a détaillé cinq mesures : « les plus emblématiques, les plus puissantes« . Il a affirmé que l’ensemble de ces mesures devra être « engagé » au plus le 1er juillet 2015. La plupart des décisions doivent être adoptées par voie législative avec toutes les incertitudes liées à cette procédure, puis à la rédaction des textes d’application. Certaines peuvent être bloquées par le Conseil constitutionnel, comme celle concernant les forfaits d’indemnités de licenciement qui porte atteinte à l’égalité des salariés en fonction de leur entreprise.
- Toutes les petites entreprises qui embaucheront un premier salarié, dès maintenant, bénéficieraient d’une prime à l’embauche de 4 000 euros (2 000 euros la première année et 2 000 euros la seconde année). Elle cible les entreprises n’ayant jamais eu de salarié ou n’en ayant pas eu depuis au moins 12 mois. Elle durera un an. (décret en attente). Cette prime de 2 000 € semble d’un montant non déterminant par rapport à un salaire annuel au SMIC.
- Recours aux prud’hommes : un plafond et un plancher aux indemnités que l’employeur devrait verser dans le cas d’un licenciement contesté aux prud’hommes seront instaurés[4]. Ce plafonnement variera selon la taille de l’entreprise, l’ancienneté du salarié licencié et le motif du licenciement (amendement au projet de Loi Macron).
- Les entreprises pourront renouveler les CDD deux fois, au lieu d’une, mais la durée maximale du CDD reste de dix-huit mois en tout (amendement au projet de loi sur le dialogue social). Il en sera de même pour les contrats de travail temporaires.
- Les petites entreprises qui passent un seuil (11, 20 ou 50 salariés) ne verront pas leur situation changer pendant trois ans. Les prélèvements sociaux et fiscaux liés à leur nouvelle situation n’interviendront qu’au terme de ce gel de 3 ans[5].Toutes les obligations (versement de nouvelles cotisations, déclarations administratives supplémentaires) qui s’enclenchent à partir de 9 et 10 salariés seraient relevées à 11 salariés.
- Fraude au détachement de travailleur : les contrôles et les sanctions seront accrus contre les travailleurs détachés en situation irrégulière, en particulier dans les secteurs les plus touchés : l’agriculture et la construction. La question même du détachement de travailleurs européens en règle a été abandonnée, après un échec à Bruxelles, alors que les travailleurs détachés constituent incontestablement une concurrence déloyale aux travailleurs français, en raison de leurs charges sociales réduites dans leurs pays d’origine.
Les autres mesures portent sur les sujets précis : allongement à cinq ans des accords de maintien de l’emploi, allongement de la période d’essai des apprentis, soutien à la trésorerie des petites entreprises par un meilleur respect des délais de paiement, réexamen des condamnations de chefs d’entreprise pour faute de gestion dans le cadre d’une faillite…
LE GOUVERNEMENT PRUDEMMENT N’A PAS PU CHIFFRER L’IMPACT DE CES MESURES SUR L’EMPLOI
Ces mesures sont accueillies par les organisations patronales (MEDEF, CGPME, UPA, UNAPL) comme un premier pas, même si elles sont loin de répondre toutes les propositions qui ont été faites par les uns et les autres. L’ensemble des organisations syndicales reste opposé à la mesure de concernant les prud’hommes.
L’impact potentiel de ces mesures en 2015 reste tout à fait incertain.
On reste loin de mesures plus significatives, attendues par beaucoup d’entrepreneurs, telles que l’allongement du CDD à 24 mois, l’allongement des périodes d’essai ou la remise en cause générale des seuils. Ceci sans parler d’autres projets plus discutables.
Le gouvernement a décidé de mesures ayant, d’une part, un cout limité pour les finances publiques et, d’autre part, susceptibles d’être votées par la majorité parlementaire.
Ce compromis conduit à un plan dont les mesures vont dans le bon sens sans aller assez loin. Ses effets seront donc probablement assez limités sur le plan de l’emploi.
Les modifications du Code du travail ne seront jamais un outil déterminant sur la création de nouveaux emplois, la clé réside dans la croissance de l’activité. Quand les commandes des entreprises augmentent, elles embauchent. Les dispositions de notre Code du travail sont arrivées à maturité et traduisent un certain équilibre. Seule des modifications à la marge restent à adopter (CDD jusqu’à 24 mois par exemple), une simplification de sa présentation et une meilleure formation des décideurs comme des salariés à la connaissance du Code du travail à apporter.
[1] Conseil des ministres restreint consacré aux PME-TPE du 9 juin 2015.
[2] 99,8% des entreprises françaises sont des TPE et des PME. Elles emploient 50% des salariés en France.
[3] « Notre volonté est que ce « programme » constitue à la fois un véritable levier de développement économique et un acte de confiance envers les TPE-PME, pour les inscrire dans une croissance durable, sereine, et riche en emplois »
[4] Le barème tiendra compte de la taille de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié : pour une entreprise de moins de 20 salariés, le montant des indemnités sera compris entre 2 et 6 mois de salaire, le plafond étant porté à 12 mois pour les salariés ayant 15 ans d’ancienneté et plus ; pour les entreprises de plus de 20 salariés, le barème sera de 4 à 12 mois, puis 20 mois à partir de 15 ans d’ancienneté.
Pour les entreprises à partir du seuil de 250 ou 300 salariés, le plafond, et donc le plancher, seront déterminés avec les parlementaires dans le cadre de la Commission spéciale qui examine actuellement le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Ce barème ne concernera pas les cas les plus graves, comme la discrimination ou le harcèlement par exemple, pour lesquels les juges prud’homaux pourront prononcer d’autres montants.
[5] Le coût estimé de ces mesures liées au relèvement ou gel seuil est de l’ordre de 200 millions d’Euros.
2 commentaires to “De nouvelles mesures sans ambition pour un impact limité sur l’emploi”
10 juin 2015
Robinetpour ma part je ne crois pas que les freins à l’embauche soient très sensibles aux allègements réglementaires : c’est la demande adressée aux PME et TPE qui reste faible et les conduit à ne pas embaucher .
Parce qu’il faut reconnaître que l’accumulation des mesures pour l’emploi depuis deux ans a un effet potentiel fort : le CICE pour les entreprises de main d’œuvre représente un allègement énorme, bien supérieur aux aides directes de l’Etat ou des collectivités territoriales ; la suppression totale des charges pour les bas salaires également . Reste pour les PME le coût des IRP (effets de seuil) qu’il faut continuer à simplifier en allant vers la représentation unique des salariés .
Et face à la concurrence des entreprises étrangères qui interviennent en « PSI » (prestation de service internationale), dont la fraude est très difficile à constater (comment faire dans un local privé … Et dans les cas de sous traitance d’entreprises françaises …), nos PME pourraient s’interroger sur la qualité et les délais de leurs prestations .
On parlera bientôt beaucoup plus des problèmes de recrutement de nos entreprises grâce à l’évolution démographique !
19 juin 2015
LPBLe recours au CDD est préjudiciable sur le plan social (précarité de l’emploi), il est couteux pour les entreprises (prime de précarité, cotisation patronale supplémentaire, turn over, coût de gestion), c’est un fléau pour l’économie (consommation strictement alimentaire). Il y a urgence à traiter le mal: 8,5 embauches sur 10 !
Or le plan Valls favorise le développement des CDD. Les 4000 € d’aide à l’embauche vise les CDI mais également les CDD de plus de 12 mois (mesure n° 1). Comment les entreprises vont-elles pouvoir justifier d’un surcroît d’activité aussi long ? En outre, le CDD pourra être prolongé sans condition par un deuxième avenant (mesure n° 4).
Le CDD est par définition une impasse. C’est un piège pour l’emploi.