LE RÉGIME D’INDEMNISATION CHÔMAGE NE DEVIENDRA PAS UNIVERSEL
La ministre du Travail a validé à l’occasion d’un entretien[1] le texte de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) sur l’assurance-chômage adopté la semaine passée par les partenaires sociaux (hormis la CGT) en introduisant plusieurs nuances. Elles concernent 5 ans le passage de 5 à 7 ans de l’ancienneté permettant l’accès à l’assurance chômage accordé aux démissionnaires ayant un projet professionnel reconnu[2], le montant de l’indemnisation accordée à certains indépendants[3], le report à 2019 de la mise en place d’un système de bonus-malus sur les contrats courts[4], etc.
À lire ces déclarations, on constate que le régime d’indemnisation chômage ne deviendra pas universel, comme promis dans le programme présidentiel, mais fera juste l’objet de quelques ajustements à la marge (quelques démissionnaires et quelques indépendants).
Le Monde du 2 mars titre : « Assurance-chômage : une promesse phare de Macron vidée de sa substance » « Les engagements présidentiels sur l’assurance-chômage « pour tous » sortent largement revus à la baisse des arbitrages du ministère du travail. » http://lemde.fr/2oK7VnC
Cette augmentation des coûts de l’Unédic serait compensée par la diminution du nombre des ayants droit : baisse du nombre de chômeurs indemnisés[5], et surtout radiations.
La ministre a ainsi confirmé le renforcement déjà annoncé de l’effort de radiations des demandeurs d’emploi : intensification des contrôles, augmentation des sanctions, etc.
Le but est de faire diminuer le nombre des bénéficiaires par la sortie des listes de l’Unédic. La dureté de ces contrôles relèvera de mesures réglementaires ultérieures et des objectifs donnés aux personnels tant l’interprétation de chaque cas est importante et subjective.
À ce stade il semble que l’on ait fait « beaucoup de bruits pour rien »[6]
BEAUCOUP DE POINTS CLÉS RESTENT EN SUSPENS
Des points importants n’ont pas encore été précisés[7] ; ils concernent :
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Le circuit du financement : collecte et affectation des fonds provenant de la CSG, des cotisations patronales, etc.
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Le montant des recettes 2018 et 2019 de l’Unédic, et le devenir de son déficit[8] et de sa dette.
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Le mécanisme des bonus-malus correspondant à la fréquence du recours aux contrats courts.
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Les nouvelles règles de radiation des demandeurs d’emploi (refus d’une offre d’emploi raisonnable[9], etc.),
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Le mode de gouvernance du régime d’indemnisation chômage et le rôle de l’État, car « chaque acteur doit être dans son rôle»[10] (et, par conséquent, l’évolution des droits à indemnisation des demandeurs d’emploi dans les années qui viennent),
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La question du financement de Pôle Emploi et des autres acteurs de l’insertion professionnelle, à partir de 2019,
DE GRANDES INCERTITUDES RÈGNENT ENCORE AUJOURD’HUI SUR L’INDEMNISATION CHÔMAGE
Elles concernent à la fois les partenaires sociaux, les professionnels de l’emploi et de la formation et les demandeurs d’emploi. Il faudra attendre le projet de loi, puis la parution des textes règlementaires, pour mieux cerner la réalité et l’impact de la réforme engagée.
[1] Le Parisien – 2 mars 2018 – « Muriel Pénicaud : Nous allons créer de nouveaux droits au chômage »
[2] La question de la procédure de reconnaissance de la validité du projet professionnel reste à ce jour à définir. Elle conditionne le nombre de démissionnaires concernées et l’impact financier qui est en réalité peu prévisible. Le chiffre évoqué par la ministre est de 20 à 30 000 démissionnaires concernés.
La ministre précise ainsi la démarche : « on va créer un droit pour ceux qui veulent mener un nouveau projet professionnel : créer son entreprise ou changer de métier ».
[3] Les agriculteurs, artisans, commerçants et micro entrepreneurs, en liquidation judiciaire, qui avaient un bénéfice annuel autour de 10 000 €, devraient bénéficier d’un droit de 800 € par mois pendant six mois (soit 4 800 € au total). Ce droit serait financé par l’impôt (CSG).
[4] « Si les branches ne sont pas parvenues à des résultats satisfaisants, le gouvernement prendra ses responsabilités. Nous leur appliquerons un bonus-malus dont la possibilité sera inscrite dans le projet de loi. » (la ministre du Travail) à la question : Quel type de bonus-malus ? La ministre répond : « Ce n’est pas arrêté. Nous avons encore plusieurs mois pour en discuter. »
[5] L’Unédic vient de publier des prévisions « raisonnables » sur la baisse du chômage indemnisé avec : -25 000 en 2018, puis – 69 000 en 2019. On constate que la diminution prévue reste faible.
[6] « Beaucoup de bruit pour rien » (Much Ado About Nothing) est le titre d’une célèbre comédie de William Shakespeare (1600).
[7] « Le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres durant la deuxième quinzaine d’avril pour une discussion au Parlement à la fin du printemps. » (la ministre du Travail)
[8] « Après un déficit estimé à 3,6 Mds d’€ en 2017, l’Unédic prévoit un déficit de 2,0 Mds d’€ en 2018 puis de 0,6 Md d’€ en 2019. » Communiqué Unédic du 28 février 2018.
[9] « Nous allons d’abord définir plus précisément ce qu’est une offre raisonnable d’emploi pour que cette règle soit pleinement applicable. Il faut adapter cette notion au profil de chaque chômeur. Cela dépend aussi du secteur, du type d’activité, du bassin d’emploi, de la nature de l’offre… » (La ministre)
[10] « Nous sommes tous au service de l’intérêt général. L’État, le Parlement, le patronat et les syndicats. Et chaque acteur doit être dans son rôle. » (La ministre)
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