Le ministère du Travail vient de donner de nouvelles précisions[1][2] sur l’orientation que devrait contenir le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » en matière de gouvernance de l’Unédic.
L’ÉTAT ANNONCE QU’IL REPREND, DANS LES FAITS, LA MAIN SUR LA GOUVERNANCE DE L’INDEMNISATION CHÔMAGE
« L’État ne va pas gérer l’Unédic » : cette formule de la ministre du Travail semble, a priori, écarter le projet d’une nationalisation du régime.
Mais la suite de son propos décrit une intervention de l’État, à la fois
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en amont (« envoi d’un cadrage financier et économique » [3]) et
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en aval (« agrément de la prochaine convention assurance chômage »[4]), des négociations entre partenaires sociaux.
Pour résumer, les apparences seraient sauves, l’Unédic restant aux partenaires sociaux, mais la gouvernance serait étroitement télécommandée par l’État.
« L’État enverra aux partenaires sociaux un cadrage financier et économique, libres aux partenaires sociaux de continuer à négocier les règles du régime, mais dans le respect de ce cadrage. L’État pourra aussi porter des points d’attention afin que les partenaires sociaux fassent évoluer certaines règles, sur la précarité ou la permittence[5] par exemple. » (Muriel Pénicaud).
« Nouveauté, ce cadrage comptera pour l’agrément de la prochaine convention assurance chômage. » (Muriel Pénicaud).
Et, s’il n’y a pas d’agrément, l’État reprendra la main « pour définir les règles ».
Sur ce point également, seule la pratique permettra de mesurer la liberté de manœuvre accordée aux partenaires sociaux pour constater le résultat final. Elle dépendra fortement de l’évolution du montant du déficit du régime dans les années 2018, 2019, 2020…
LA NATURE DU RÉGIME D’INDEMNISATION CHÔMAGE A CHANGÉ
La position de la ministre du Travail est explicite :
« L’assurance chômage est un régime assurantiel et de solidarité nationale ».
Le financement via la CSG (c’est-à-dire un impôt de solidarité) et la garantie apportée par l’État[6] sur le déficit du régime ont transformé sa nature.
L’adoption de la loi et la sortie des textes d’application devraient venir conclure la prise de contrôle de l’indemnisation chômage par l’État, en laissant un degré d’application, sur le détail et de manière restreinte, aux partenaires sociaux.
Le retrait de la gestion de l’Unédic d’une part des partenaires sociaux, pour des motifs divers, n’est pas à exclure…
LIRE « Comment devraient évoluer, en 2019, l’accompagnement vers l’emploi et le contrôle des chômeurs inscrits à Pôle Emploi ? » http://bit.ly/2FO3UtB
[1] Source : Entretien avec la ministre du Travail – L’Opinion -19 mars 2018
[2] Le directeur de cabinet de la ministre du travail a annoncé le 19 mars aux représentants des huit organisations patronales et syndicales représentatives les décisions du ministère concernant la gouvernance de l’Unédic et le contrôle des chômeurs.
[3] « (…) sur la gouvernance de l’assurance chômage. L’État reprend-il la main ? » Muriel Pénicaud : « L’État ne va pas gérer l’Unédic. Mais l’État et à travers lui tous les Français sont garants de la dette de l’Unédic qui dépasse déjà les 33 milliards d’euros. Chacun doit assumer ses responsabilités ; c’est pourquoi à l’avenir, avant toute négociation de la convention d’assurance chômage, l’État enverra aux partenaires sociaux un cadrage financier et économique, libres aux partenaires sociaux de continuer à négocier les règles du régime, mais dans le respect de ce cadrage. L’Etat pourra aussi porter des points d’attention afin que les partenaires sociaux fassent évoluer certaines règles, sur la précarité ou la permittence par exemple. Nouveauté, ce cadrage comptera pour l’agrément de la prochaine convention assurance chômage. »
[4] « S’il n’y a pas d’agrément, que se passera-t-il ? » Muriel Pénicaud : « L’état reprendrait la main pour définir les règles. C’est ce qui s’est passé en 2016 quand les partenaires sociaux n’ont pas réussi à se mettre d’accord. L’état a repris la main et a prolongé la dernière convention. Le système de cadrage est responsabilisant pour chacun. »
[5] Le terme « permittence » désigne les contrats courts et le régime d’une part au moins des intermittents. La permittence décrit la situation dans laquelle des intermittents sont employés de manière permanente, ou quasi permanente, par un employeur.
[6] « Sans la garantie de l’État sur cette dette, le système volerait en éclat » – Muriel Pénicaud – Rencontre avec l’Association des Journalistes de l’Information Sociale (AJIS) – 15 mars 2018
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