Les « éléments de langage », introduit en politique générale, s’appliquent à l’emploi et à la formation. C’est d’autant plus le cas que la ministre du Travail excelle dans la maitrise de la langue de bois[1]. Elle participe activement à la communication gouvernementale, bien en phase avec le vocabulaire du président de la République et celui du premier Ministre. Elle profite des reprises par les agences de presse, puis les médias, de ses propos et communiqués, même s’ils sont parfois surréalistes quand on les examine avec un regard critique. Il reste à comprendre l’intérêt de faire disparaitre la réalité des faits derrière un rideau de mots nouveaux.
LES ÉLÉMENTS DE LANGAGE SONT LES MOTS UTILISES, DE MANIÈRE CONCERTÉE, DANS LE BUT DE FAIRE ÉVOLUER LA REPRÉSENTATION DES CHOSES
Dans la communication politique, un élément de langage est un mot ou une formule préétabli utilisés sur un sujet. Cette forme de communication se caractérise par le fait qu’elle est coordonnée pour être identique quels que soient les personnes amenées à intervenir dans les médias. Ces mots ou ces expressions sont choisis et sont utilisés par chacun des membres d’un gouvernement, et du groupe politique de la majorité, lorsqu’il aborde un sujet porteur de débat. Les éléments de langage élaborés par des conseillers en communication présentent l’avantage d’assurer cette cohérence entre les différents discours du gouvernement. Ils obéissent aux règles du marketing commercial. Ils peuvent, parfois, être repérés comme ce qu’ils sont, c’est à dire des constructions publicitaires.
L’UTILISATION COORDONNÉE DE QUELQUES MOTS ILLUSTRENT CE PROCÉDÉ
A titre d’exemple, j’ai choisi de citer trois termes qui sont mobilisés, de manière répétitive, dans le discours politique de l’exécutif : transformation, inclusion et universel.
Le terme « transformation »[2] est venu remplacer le recours antérieur au mot « Révolution », qui avait été le titre du livre de campagne d’Emmanuel Macron. La ministre du travail avait pu affirmer fin 2017 que « Notre pays a besoin d’une transformation de la formation professionnelle et d’une révolution copernicienne sur l’apprentissage« .
La « révolution copernicienne » évoquée est devenue une simple « transformation ». Il faut dire que les mesures prises par les ordonnances sur le travail ou la loi « avenir professionnel » sont principalement des ajustements, plus ou moins importants, des politiques publiques. Il en est de même pour la loi PACTE. Les mesures prises relèvent davantage de transformations que d’une révolution au sens propre du terme.
L’utilisation d’« inclusion » ou de l’adjectif « inclusive[3] » pour désigner la lutte contre l’exclusion est utilisé à tous propos : en faveur de personnes en situation de handicap, pour la promotion de la diversité dans les recrutements, etc. La promotion de l’inclusion vient prendre la place de la notion de « discrimination positive » sans doute trop contestée.
Le recours à l’article « universel » s’est répandu. Il parait répondre, en partie au moins, à une aspiration à l’égalité dans différents domaines. Il a été utilisé pour élargir l’accès à l’assurance chômage aux démissionnaires et indépendants, même si dans la réalité, l’ouverture reste marginale en nombre et le financement de la mesure flou.
Le caractère universel est également utilisé pour le projet de Service National Universel (SNU), même si le projet d’origine ne concerne que 75% des jeunes (600 000 sur une génération de 800 000) ; et qu’en fin de compte, il apparait peu probable que la formule finale soit universelle.
Dernier exemple, le nouveau système des retraites, en gestation, a pour ambition d’être « universel ».
LA COMMUNICATION GOUVERNEMENTALE EST TRÈS TRAVAILLÉE
Au-delà de ces exemples, citons la ministre du Travail qui interrogée sur une possible dégressivité des allocations chômage pour les cadres, a choisi de répondre : « nous, on a aucun tabou« . Cette même expression a été utilisée par le premier ministre et plusieurs autres comme le ministre des Comptes publics.
Cette absence de tabou apparait aussi dans le langage du Président de la République. Par exemple avec : « Il faut prévenir la pauvreté et responsabiliser les gens pour qu’ils sortent de la pauvreté. » Sans doute après avoir traversé la rue pour trouver un emploi…
Les professionnels de la communication politique pensent que se dire « sans tabou », c’est affirmer sa liberté d’esprit, son absence de préjugés, etc. Mais cette affirmation a un sens plus précis, car elle est utilisée dans le seul but de proposer de diminuer des budgets ou des droits. Elle affirme une proposition, pouvant être jugée négative, comme une simple hypothèse, à titre de test vis-à-vis des personnes concernées, de l’opinion ou des partenaires sociaux. L’hypothèse prend consistance, mais le ministre dont elle émane garde la possibilité de reculer dans le cas où la levée de bouclier est trop forte. Cela a été le cas pour l’idée de dégressivité de l’indemnisation chômage pour les cadres.
LE SENS DOIT GOUVERNER LE CHOIX DES MOTS ET NON L’INVERSE.
Les arguments, exposés dans ce billet, ne portent pas directement sur la politique menée par le gouvernement, mais sur la manière d’en parler qui ne m’apparait pas la bonne. Je rappelle la phrase de George Orwell :
« Ce qui importe avant tout, c’est que le sens gouverne le choix des mots et non l’inverse. En matière de prose, la pire des choses que l’on puisse faire avec les mots est de s’abandonner à eux. »
Pour l’anecdote sur le choix des mots, j’utilise le terme « indemnisation chômage » et non plus « assurance chômage« , depuis que le régime a subi le transfert des cotisations salariales à la CSG. A chacun ses éléments de langage !
[1] On parle à ce propos de Xyloglossie. La ministre du Travail a affirmé, par exemple : « Lutter contre le chômage en favorisant l’emploi durable pour répondre aux besoins en compétences des entreprises. » « On se résigne trop à ce que la pauvreté soit une fatalité. On se résigne trop à ce que le chômage soit une fatalité. » Il « vaut mieux prévenir que guérir, c’est toute la philosophie de l’émancipation par le travail »
[2] L’utilisation de « transformation » a permis de ne pas revenir à celui, plus commun et banal, de « réforme ».
[3] Par exemple, « l’école inclusive » semble être la nature de base de l’école de la République… le mot ne sert-il pas à faire du neuf avec du vieux.
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