UNE MISSION SUR L’EMPLOI DES SENIORS ET LE PASSAGE DE L’ACTIVITÉ À LA RETRAITE A ÉTÉ CONSTITUÉE
Le Premier ministre a présenté le calendrier et la méthode de la réforme des retraites « Bâtir ensemble un système universel de retraite »[1].
Les membres de l’exécutif ont rappelé en présentant la réforme des retraites que les Français devraient travailler plus longtemps de toute manière, que ce soit avec l’« âge pivot » au-delà de 62 ans (64 ans[2]) ou avec un allongement de la durée de cotisation en nombre d’années. Tel est le plan du gouvernement.
L’amélioration du taux d’emploi des seniors apparait dans ce raisonnement comme un élément indispensable du projet de réforme[3].
Le Premier ministre a annoncé la création d’une mission sur l’emploi des seniors et le passage de l’activité à la retraite[4], qui devrait remettre rapidement des propositions.
Il y a fort à parier que leur rapport renverra à la responsabilité des entreprises, qui négligent l’emploi des salariés âgés. Il proposera ou imposera des obligations aux employeurs.
LES PERSPECTIVES D’EMPLOI DIMINUENT FORTEMENT AVEC L’AGE.
Les actifs comprennent le cumul des personnes en emploi et des chômeurs. La proportion des seniors en activité se traduit par le taux d’activité[5] par tranche d’âge, en 2018, suivant.
50-54 ans |
55-59 ans |
60-64 ans |
65-69 ans |
|
Taux d’activité |
86% |
77% |
33,5% |
7% |
Taux d’inactivité |
14% |
23% |
66,5% |
93% |
Le tournant s’amorce à 55 ans, avec une diminution du taux d’activité de 9 points.
Il chute après 60 ans de 45 points, pour aboutir à un taux résiduel d’actifs à partir de 65 ans[6].
Le taux d’emploi (actifs en emploi)[7] est évidemment encore plus faible.
50-54 ans |
55-59 ans |
60-64 ans | 65-69 ans | |
Taux d’emploi |
81% |
72% |
31% |
6,5% |
LA SITUATION SE DÉTÉRIORE À PARTIR DE 60 ANS.
Le taux d’emploi diminuerait à partir de 60 ans pour plusieurs raisons dont des difficultés de retour à l’emploi, des raisons de santé, la pénibilité du travail, les discriminations en emploi ou à l’embauche[8], la règle du cumul emploi-retraite, etc.
Pour résumer, les seniors font l’objet à la fois :
- De discriminations à l’embauche liées à leur âge,
- D’un moindre accès à la formation (à partir de 50 ans),
- D’un nombre de licenciements ou ruptures transactionnelles que les salariés plus jeunes,
- D’une fréquence du chômage de longue durée toujours en croissance et
- D’un taux de chômage élevé, dont chômage de longue durée, qui apparait artificiellement minorée par les abandons de carrière et le nombre des actifs.
Des propositions récentes ont été faites sur ce sujet du maintien dans l’emploi, ou du retour des seniors : par l’ANDRH, le CESE, la Commission des affaires sociales du Sénat[9], le Medef, SNC, etc.
Le constat général le plus pertinent est le suivant :
« La situation des seniors sur le marché du travail est donc extrêmement paradoxale : incités par les pouvoirs publics à prolonger leur activité, ils subissent la défiance des employeurs qui restent réticents à les maintenir en activité, comme à les recruter. » – Solidarités Nouvelles face au Chômage (SNC)[10]
Ce paradoxe doit être bien pris en compte. Il faut tenter de le résoudre pour arriver à une solution. Sans cela, la diminution du montant des retraites, faute d’un nombre suffisant d’années travaillées, deviendra incontournable sur le plan pratique. Le pari semble loin d’être gagné.
LES CONCLUSIONS DE CETTE MISSION VONT PRÉFIGURER LES MESURES QUI VONT ÊTRE PRISES, D’UNE PART, EN MATIÈRE DE POLITIQUE DE L’EMPLOI ET, D’AUTRE PART, DE DIVERSES CONTRAINTES IMPOSÉES AUX EMPLOYEURS CONCERNANT LES SALARIES DE PLUS DE 55 ET 60 ANS.
A QUEL AGE DEVIENT-ON UN SENIOR ?
Il semble judicieux de prendre en compte l’âge de 55 ans. C’est un choix arbitraire qui est en phase avec d’autres approches.
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Le rapport de la commission du Sénat a choisi de retenir le seuil de 55 ans pour la définition du travailleur senior, « tout en étant conscients d’une part que des difficultés peuvent apparaître avant cet âge et d’autre part que c’est bien plus tôt qu’il convient d’agir pour prévenir ces difficultés ».
-
Les règles de l’assurance chômage fixent des bornes à 53 ou 55 ans pour les durées maximales d’indemnisation[11]. La dégressivité des indemnités chômage des cadres a été pour sa part fixé arbitrairement à 57 ans.
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L’envoi des informations sur la retraite devient annuel à partir de 55 ans.
Considérer comme seniors des salariés de 45 ans apparait infondés, pour beaucoup cet âge est proche d’un milieu de carrière entre 25/45 ans et 45/65 ans.
[1] Le 12 septembre 2019 au Conseil économique, social et environnemental (Cese)
[2] Le Medef estime indispensable de rallonger l’âge légal de départ à la retraite de deux ans, pour le porter à 64 ans. Il lui reste juste à convaincre les entreprises de conserver les personnels jusqu’à cet âge !
Les propositions du rapport de Jean-Paul Delevoye « Pour un système universel de retraite », l’âge pour obtenir une retraite à taux plein devrait être fixé à 64 ans dans le futur système universel.
[3] « La réforme des retraites ne pourra se faire sans une politique en faveur de l’emploi des seniors » (SNC)
[4] Cette mission a été confiée à Sophie Bellon, présidente du conseil d’administration du groupe de services Sodexo, accompagnée par Jean-Manuel Soussan, directeur des ressources humaines de Bouygues Construction et par Olivier Mériaux, ancien directeur général adjoint de l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT).
[5] Taux d’activité : actifs au sens du BIT rapportés à la population de la tranche d’âge considérée (âge à la date de l’enquête).
[6] Les seniors et le marché du travail – 27/09/19 – https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dares_tableau_bord_seniors_septembre_2019.pdf
[7] Taux d’emploi : actifs occupés au sens du BIT rapportés à la population de la tranche d’âge considérée (âge à la date de l’enquête).
[8] « Les seniors sont par ailleurs davantage discriminés face à l’emploi en raison des représentations stigmatisantes liées à leur âge qui se traduisent par une défiance importante des employeurs à leur égard. » – Solidarités Nouvelles face au Chômage (SNC)
[9] Rapport d’information de Mme Monique LUBIN et M. René-Paul SAVARY, fait au nom de la commission des affaires sociales n° 749 (2018-2019) – 26 septembre 2019.
Ce rapport porte sur « la problématique de l’emploi des personnes approchant l’âge de la retraite et, dans une moindre mesure, des personnes choisissant de poursuivre leur activité au-delà de cet âge. »
[10] « Il manque encore des décisions fortes pour permettre à tous de travailler jusqu’à la retraite. Or, la réforme des retraites souhaitée par le gouvernement ne pourra se faire sans que soit pensée une véritable politique publique en faveur de l’emploi des seniors permettant leur maintien et leur retour à l’emploi. » Gilles de Labarre, président de SNC
[11] « Un salarié qui remplit les conditions d’attribution peut bénéficier d’un droit ARE pour la durée équivalente à ses périodes d’emploi passées, dans la limite de 730 jours calendaires d’indemnisation s’il est âgé de moins de 53 ans, 913 jours calendaires s’il est âgé d’au moins 53 ans et de moins de 55 ans, ou de 1095 jours calendaires s’il est âgé de 55 ans ou plus à la date de sa fin de contrat de travail. Dans certains cas particuliers, l’indemnisation peut être maintenue jusqu’à l’âge de sa retraite à taux plein. » – https://www.unedic.org/indemnisation/fiches-thematiques/duree-dindemnisation
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