LES CONSÉQUENCES SOCIALES ET ÉCONOMIQUES DE LA CRISE SONT DÉSORMAIS VIOLENTES POUR L’EMPLOI ET LES PERSPECTIVES D’EMPLOIS.
Les cinq organisations syndicales nationales représentatives[1] ont adressé au Premier ministre un courrier[2] pour lui demander une réunion d’urgence, afin d’échanger sur la montée progressive de la crise sociale induite par la crise sanitaire.
Un texte commun aux cinq organisations intervient rarement. Il s’explique par la gravité de la situation et par une mise en attente des décisions. Alors que la crise semble devoir s’installer dans la durée[3] (9 mois à un an, voire davantage).
Les conséquences de la crise économique devraient être :
« violentes pour l’emploi, les perspectives d’emploi, les salaires et les conditions de vie d’une partie importante de la population, la moins favorisée, les jeunes en particulier ».
Le dialogue social doit se traduire, selon eux :
« par une écoute et une réponse effective de la part des pouvoirs publics » et par le « le respect de l’autonomie de la négociation collective »[4], « dans une telle période d’incertitude et d’inquiétude tant pour la santé que pour l’emploi. »
DES MESURES SONT ATTENDUES DU GOUVERNEMENT POUR RÉPONDRE A LA CRISE SOCIALE
LES REVENDICATIONS DES CENTRALES SYNDICALES PORTENT SUR QUATRE POINTS PRINCIPAUX.
Au niveau national, les revendications portent sur plusieurs points.
D’une part, il s’agit de défendre le rôle essentiel des organisations syndicales[5] : pour évaluer les « conséquences des ordonnances travail de 2017[6] » afin de « rétablir les droits de représentation collective des salariés à la hauteur des enjeux actuels ». Ils citent les restrictions intervenues en matière syndicale, découlant des dispositions sanitaires comme le droit de réunion et de manifestation.
D’autre part, les organisations syndicales « exigent » la reconnaissance effective du rôle des salariés dits de la « deuxième ligne » ; ce qui doit passer par une « revalorisation des salaires, conditions de travail, d’emploi et de carrières ».
Par ailleurs, elles demandent d’instaurer, dans le cadre du plan de relance, des obligations aux entreprises qui perçoivent, ou vont percevoir, des aides importantes de l’État (par exemple la réduction de la taxe sur la production). C’est la question en suspens des contreparties en matière d’emplois aujourd’hui absentes[7] ; des engagements de non recours aux suppressions d’emploi.
Enfin, les organisations demandent l’abandon de la réforme de l’assurance chômage et, dans l’immédiat, le report de la réforme des retraites.
En défendant cette plateforme revendicative, qui peut être qualifié de « réformiste », les organisations syndicales se heurtent à la contestation d’une frange syndicale, et/ou politique, de groupes d’extrême gauche[8]. Ces derniers appellent à « se préparer à la bataille et à ne pas se battre usine par usine mais tous ensemble pour refuser tout licenciement et tout chantage à l’emploi au travers des APC. »
LES ACCORDS D’ENTREPRISE SE MULTIPLIENT SUR LE TERRAIN
Au niveau des entreprises et des associations, les restructurations et les suppressions d’emploi ont débuté. Les délégués et représentants du personnel dans chaque entreprise ont un rôle important à jouer pour contribuer à l’élaboration de la moins mauvaise des solutions, dans un contexte « très évolutif, incertain et d’urgence ».
Très concrètement, des syndicats, présents dans les entreprises, signent des APC (Accord de Performance Collective), des accords d’Activité partielle de longue durée (APLD) ou des Plans de Sauvegarde de l’Emploi (PSE). D’autres syndicats s’y opposent.
Le dialogue interne aux entreprises entre syndicats et direction aboutit dans de nombreux cas.
La vague de PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi) a atteint 528 PSE concernant 72 500 salariés, entre le 1er mars et le 11 octobre, et elle augmente rapidement.
S’y ajoutent près de 3 800 « Petits licenciements collectifs », dont 3 400 de moins de 10 salariés et 385 de 10 salariés ou plus.
De l’ordre de 100 000 personnes sont concernées au total, avant de mesurer les conséquences de la fin du dispositif exceptionnel de chômage partiel début novembre (qui va intervenir hors secteurs protégés). Le seuil des 800 000 destructions d’emploi pourrait être dépassé fin et le mouvement continuer à progresser en 2021.
LA TENSION SOCIALE RESTE ENCORE GLOBALEMENT CONTRÔLÉE EN OCTOBRE 2020, MAIS PEUT MONTER LOCALEMENT OU MÊME NATIONALEMENT.
[1] Lettre signée par la CFE-CGC, la CFDT, la CFTC, la CGT et FO. Ne sont pas concernés par ce courrier l’UNSA, la FSU ou SUD.
[2] « Nos organisations syndicales ont décidé de s’adresser conjointement au gouvernement du fait du contexte particulier dans lequel se trouve le pays dans son ensemble, la population salariée en particulier. » Lettre des organisations syndicales
[3] « La crise sanitaire, due à la pandémie de Covid-19, en est à son dixième mois sans que l’on puisse en prédire l’issue. » Lettre des organisations syndicales
[4] « Dans une telle période d’incertitude et d’inquiétude tant pour la santé que pour l’emploi, il nous paraît essentiel que le dialogue social se traduise par une écoute et une réponse effective de la part des pouvoirs publics et le respect de l’autonomie de la négociation collective. » Lettre des organisations syndicales
[5] « Afin de rétablir les droits de représentation collective des salariés à la hauteur des enjeux actuels ». Lettre des organisations syndicales
[6] « Malgré des conditions d’exercice dégradées de leur rôle, tant du fait des contraintes sanitaires que de l’affaiblissement des moyens de représentation collective des salariés dus aux effets des ordonnances 2017 réformant le code du travail, ils ont joué un rôle important pour que soient assurées au mieux la protection de la santé au travail et la continuité des activités essentielles. » Lettre des organisations syndicales
[7] « De véritables engagements doivent être exigés en contrepartie et contrôlés quant à leur mise en œuvre effective à court, moyen et long terme » Lettre des organisations syndicales
[8] Exemple de position de l’extrême gauche : « Le corporatisme et la négociation de la régression sociale ne mèneront les travailleurs qu’à leur perte, c’est pour cela qu’il est urgent de s’organiser et de construire toutes et tous ensemble l’offensive. » Collectifs de syndiqués et non-syndiqués.
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