Les politiques sociales relèvent des compétences nationales.
Le juste rôle de l’Union européenne (UE) semble être d’harmoniser les politiques nationales, dans la mesure du possible.
L’idée « d’Europe sociale » vise à renforcer la cohésion et le dialogue entre dirigeants européens sur ces sujets.
Cet objectif est en premier lieu économique, car il concerne le respect des règles de concurrence dans le cadre du libre-échange au sein de l’UE, avant même d’être social.
LE SOMMET SOCIAL DE PORTO VIENT DE SE TENIR ET FIXE DES OBJECTIFS.
Le Sommet Social de Porto vient de se tenir (7 et 8 mai 2021), suite au 1er sommet social qui s’est tenu en 2017 à Göteborg (Suède)[1].
Le slogan de cette réunion était : « Il est temps d’agir : pour une relance juste, verte et numérique ». Il s’agit d’une position politique évidemment discutable.
Le plan d’action en matière sociale, adopté par la Commission européenne, propose un ensemble d’initiatives et établit trois objectifs à l’horizon 2030 :
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Un taux d’emploi d’au moins 78 % pour les personnes entre 20 et 64 ans ;
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Une participation d’au moins 60 % des adultes à des activités de formation, chaque année ;
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Une diminution d’au moins 15 millions (dont 5 millions d’enfants) du nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale.
De bonnes intentions, des recommandations, mais aucune obligation ! L’idée d’une « convergence vers le haut » des salaires minimum dans les pays de l’UE a bien été évoqué par les dirigeants réunis à Porto, mais n’a pas abouti. Elle ne figure pas dans les objectifs !
LA MINISTRE DU TRAVAIL PROPOSE UNE SUITE A CE SOMMET SOCIAL.
Pour faire suite à ce sommet, la ministre du Travail et le secrétaire d’État, chargé des affaires européennes, viennent de faire paraitre une Tribune dans Le Monde sur le thème de l’« Europe sociale »[2].
En effet, la France doit occuper la présidence de l’Union européenne au premier semestre 2022. Sa position peut lui donner l’occasion de présenter des initiatives.
Sur ce sujet apparaissent des objectifs de bon sens, assez consensuel au moins sur le principe.
Par exemple, l’objectif de « Lutter contre les distorsions de concurrence, en travaillant à une convergence sociale vers le haut ».
Mais la concrétisation de ces objectifs apparait plus ou moins réaliste.
Quatre objectifs sont évoqués dans cette Tribune :
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Assurer un socle de protection à tous les travailleurs; un projet de « directive sur les salaires minimaux en Europe »[3] est évoqué.
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Créer de nouveaux droits pour les Européens en matière de formation professionnelle.
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Mettre fin aux inégalités qui perdurent entre femmes et hommes, dans le monde du travail.
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Promouvoir la mobilité européenne pour tous les jeunes. L’objectif serait que « la moitié d’une classe d’âge ait passé au moins six mois dans un autre pays de l’Union avant ses 25 ans ».
La Tribune vante les réalisations de la France, comme modèle pour l’Europe. Sans commentaire !
L’ENJEU MAJEUR SERAIT DE FAIRE DISPARAITRE LES DISTORSIONS DE CONCURRENCE LIÉES AUX ÉCARTS ENTRE LES NIVEAUX DE SALAIRES
Les délocalisations industrielles reposent en grande partie sur des transferts d’activités dans les pays de l’est de l’Union européenne où les salaires sont nettement inférieurs à ceux existant en France.
Par exemple, la destruction de notre industrie automobile toujours en cours repose sur le transfert de la fabrication en république tchèque, en Roumanie, etc. On évoque actuellement la perte de 100 000 emplois dans les années qui viennent.
La Tribune présente le problème à sa manière :
« C’est tout l’enjeu du projet de directive sur les salaires minimaux en Europe que nous défendons, et qui nous permettra de lutter contre les distorsions de concurrence en travaillant à une convergence sociale vers le haut. En veillant d’autre part à ce que l’Europe protège tous ses travailleurs, sans exception. »
Les déclarations du gouvernement français vont dans le bon sens, mais apparaissent comme des vœux pieux.
Le poids de l’UE pour faire fortement augmenter les salaires en Roumanie parait très limité. Si un engagement était pris, il porterait sur un bon nombre d’années.
L’ARGUMENTAIRE DE CETTE TRIBUNE A UNE VOCATION PRO-EUROPÉENNE
Cette tribune vise à défendre la politique menée au sein de l’UE, sur un plan politique. Elle cite trois acquis : la protection des travailleurs précaires, création d’un congé paternité de dix jours pour tous les Européens, directive sur le travail détaché avec application du principe « à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail ».
Rappelons que la ministre du Travail a admis, récemment et très franchement, que la Directive sur le travail détaché était trop insuffisante, pour être efficace.
L’affirmation selon laquelle : « Dans tous ces domaines, l’Europe a agi, sous l’impulsion de la France et du président de la République » parait infondée, dans la mesure où les propositions de la France ont été, au total, peu suivies.
Elle affirme que : « l’Europe a été au rendez-vous de la crise économique et sociale »[4].
Concrètement, « Les règles budgétaires ont été assouplies », ce qui a permis un endettement exceptionnel.
D’une manière plus générale, le président de la République a exprimé un avis très critique tant sur la gestion des vaccins par l’UE, que celui du retard de mise en œuvre du plan de relance européen[5].
Les déclarations du secrétaire d’État français aux affaires européennes du 15 octobre 2020 dans Le Monde donne une idée des critères de réussite du Plan de relance européen :
« Ce sera le versement des fonds européens, qui doit être rapide. Il ne faudrait pas qu’une bonne nouvelle politique se transforme en échec d’exécution. Si l’Europe ne réussit pas son plan de relance, elle aura créé une immense déception démocratique. »
Sans aller chercher d’autre critiques !
[1] Le socle européen des droits sociaux a été adopté en 2017 à Göteborg.
[2] Élisabeth Borne et Clément Beaune : « L’heure est venue de renforcer l’Europe sociale » – Le Monde – 09 05 2021 – https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/05/09/elisabeth-borne-et-clement-beaune-l-heure-est-venue-de-renforcer-l-europe-sociale_6079621_3232.html
[3] « Dans ce domaine, la proclamation du socle européen des droits sociaux, à Göteborg (Suède), en 2017, a constitué un tournant important. »
[4] « Alors que la crise va laisser des traces profondes dans nos sociétés, il est plus que jamais de notre responsabilité de montrer aux Européens que l’Europe est un espace qui les protège et les aide à se projeter vers l’avenir. »
[5] « Quarante milliards d’euros bénéficieront directement à la France, dont sept milliards pour financer le soutien à l’emploi, à la formation et à l’apprentissage. », mais, au mieux, seuls 5 milliards seront versés à la France en 2021…
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