Cette affirmation, au caractère pour le moins incertain, du laboratoire d’idées Terra Nova, remet à l’esprit les affirmations fantaisistes récentes de divers responsables politique concernant la création de centaines de milliers d’emplois.
Le laboratoire d’idées Terra Nova, proche du Parti socialiste, vient de publier une note concernant la légalisation et le commerce du cannabis en France : « Cannabis : Réguler le marché pour sortir de l’impasse »[1]. Sans entrer dans un examen moral ou économique comparé des trois scénarios[2], cette note se conclut sur une recommandation : « La légalisation du cannabis et la structuration d’un monopole public offrent, à nos yeux, les meilleures garanties en termes de contrôle de la prévalence et de protection des populations les plus vulnérables ».
Cela permettrait de : « faciliter la transition de notre société vers un modèle cannabique… »[3]. L’expression mérite d’être notée.
Ce choix cannabique conduit à la formulation d’une hypothèse précise en matière de recettes fiscales[4] et de création d’emplois.
« Plus de treize mille emplois pourraient être créés pour la seule activité de commerce du cannabis. »
La note ne comptabilise pas les emplois liés à la production du cannabis dans nos campagnes (voir photo), à la logistique de distribution, à la publicité pour développer les ventes (« attention, le cannabis tue »), aux emplois dans le secteur de la santé pour soigner les consommateurs (supplémentaires), etc. qui seraient créées par la filière française du cannabis. Elle ne comptabilise pas non plus les emplois supprimés suite à l’arrêt de la répression du trafic de cannabis dans la fonction publique…
Par contre, la note s’inquiète de la perte des emplois non déclarés : « Cette approche pose cependant la question du devenir du marché noir du cannabis et des personnes impliquées dans ces activités. Actuellement, quelque 100 000 individus retireraient un revenu plus ou moins modeste des activités illicites de vente de cannabis (Ben Lakhdar, 2007a). D’autres, moins nombreux mais situés plus haut dans la hiérarchie du trafic, en retirent un revenu confortable, voire élevé. Une légalisation du cannabis ôterait à ces individus la matière première de leur revenu. ».
Je note le choix des expressions employés : « personnes impliquées dans ces activités » ou « individus » pour éviter des termes correspondant à la condamnation légale actuelle de ces activités comme, au minimum, les termes de « trafiquants » ou de « dealers ».
Conclusion en termes d’emplois : 13 000 emplois légaux remplaceraient ainsi plus de 100 000 emplois à temps partiel non-déclarés[5] à forts revenus.
Comment les économistes de Terra Nova peuvent-ils arriver à prévoir précisément la création de 13 000 emplois ? Cette assertion, au caractère pour le moins incertaine, rappelle à l’esprit toutes les affirmations fantaisistes concernant la création de centaines de milliers d’emplois faites récemment par des décideurs politiques…
Citons pour mémoire, les annonces de création d’emplois liées :
- A la transition énergétique (300 000 postes),
- Au Pacte de responsabilité (voir la réalité de la signature des accords de branches),
- Au projet de loi Macron,
- A la nouvelle Fondation franco africaine pour la croissance (200 000 emplois en cinq ans).
Se baser sur ces chiffres, annoncés de-ci, de-là, pour travailler sur la prospective en matière d’emploi apparaît difficile !
[1]Source : Terra Nova – Note – 2/29 – CANNABIS : RÉGULER LE MARCHE POUR SORTIR DE L’IMPASSE – Le 19 décembre 2014 – par Pierre Kopp est professeur, université Panthéon-Sorbonne (Paris I), Ecole d’Economie de Paris ; Christian Ben Lakhdar est maître de Conférence, Université de Lille 2 ; Romain Perez est responsable du Pôle Economie Finances de Terra Nova – www.tnova.fr
[2] « Trois scénarios sont envisageables : la dépénalisation de l’usage du cannabis (scénario 1), la légalisation de la production, de la vente et de l’usage dans le cadre d’un monopole public (scénario 2) et la légalisation de la production, de la vente et de l’usage dans un cadre concurrentiel (scénario 3). »
[3] « Dans ce cadre, nous pourrions en effet faciliter la transition de notre société vers un modèle cannabique assis sur une tarification plus élevée et un meilleur contrôle sanitaire et social des usages. »
[4] La note chiffre à 1,3 milliard d’euros de recettes fiscales annuelles pour l’Etat auxquelles viennent s’ajouter les économies sur la répression estimée à 5 à 600 000 millions d’euros, soit de l’ordre de 2 milliards.
[5] « Cependant, on sait que les actuels trafiquants de cannabis adjoignent souvent la cocaïne à leur activité de revente (Gandhilon, 2007). La question posée est ainsi la suivante : une légalisation du cannabis conduirait-elle certains individus impliqués dans les trafics à investir la sphère licite du cannabis, ou à renforcer leur position sur d’autres stupéfiants comme la cocaïne ? Il semble à ce jour difficile de répondre. Gageons toutefois qu’une partie des ressources répressives économisées dans la lutte contre le cannabis pourraient être efficacement redéployées vers la lutte contre le trafic de cocaïne. »
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