Une concurrence entre « emplois d’avenir » et apprentissage risque de se concrétiser rapidement dans les fonctions publiques
Car, coexistent désormais :
- Un objectif d’accueil de jeunes en « emplois d’avenir » (fortement encouragé par les services déconcentrés) et
- Une injonction, confirmée lors des « Assises de l’apprentissage », d’accueillir 10 000 jeunes apprentis (au lieu des 700 actuellement en poste).
Les décideurs publics, en période de réduction budgétaires, auront à faire des choix entre les deux dispositifs tout en sachant qu’aucun des deux ne débouchera sur un emploi de titulaire de la fonction publique…
D’une manière plus générale, selon une étude de l’Institut Bertrand Schwartz, soutenu par l’UNML[1], les « emplois d’avenir » et contrats d’apprentissage seraient complémentaires. L’enquête menée auprès des personnels de missions locales, des employeurs et des jeunes ferait apparaître une distinction entre les deux dispositifs, tant au niveau des employeurs que des profils de jeunes. Il existe en effet des éléments de distinction entre les employeurs ciblés :
- Des associations et des employeurs publics pour les « emplois d’avenir »[2], avec également 20% environ des contrats d’avenir dans le secteur marchand.
- Des entreprises du secteur marchand pour les contrats d’apprentissage[3].
Les jeunes recrutés par les entreprises dans la cadre des « emplois d’avenir » ne présenteraient pas les mêmes profils que les jeunes apprentis. Ce n’est pas évident.
- Les emplois d’avenir ciblent une population peu qualifiée : 42% n’ont aucun diplôme et 80% de ces jeunes n’ont pas le bac.
- L’apprentissage « se développerait chez les jeunes plus diplômés ». Cet argument est inexact quand on regarde la proportion de contrats d’apprentissage conduisant à des diplômes infra bac.
Au travers de cette enquête, l’UNML cherche à répondre à l’argument selon lequel la diminution des contrats d’apprentissage en France pourrait être liée à la concurrence apporté à l’apprentissage par le développement des emplois d’avenir. Elle renvoie donc à d’autres causes et indique que : « La diminution des contrats d’apprentissage en France semble liée à d’autres facteurs, comme la situation économique ou la prudence des très petites entreprises, en particulier face aux incertitudes. » ; « Cette baisse est aussi probablement due à l’annonce de la suppression de la prime à l’apprentissage pour les entreprises de plus de 10 salariés qui a contribué à la baisse des entrées en apprentissage à la rentrée 2013. ». Ces motifs existent mais ne sont pas forcément les seuls.
« Emploi d’avenir » et « contrat d’apprentissage » se trouvent être deux opportunités ouvertes au même public jeune. Le vrai problème n’est pas vraiment de savoir s’il y a complémentarité ou concurrence, il se résume davantage dans la question suivante.
Peut-on vraiment comparer un contrat de travail généralement précaire[4] et une formation diplômante, telle qu’elle est offerte par l’apprentissage ?
Les acteurs de l’emploi intervenants sur le terrain savent que, sauf exception, la meilleure solution, pour un jeune sans qualification, est le contrat d’apprentissage plutôt que l’emploi d’avenir. L’acquisition d’une formation puis d’un diplôme inscrit le jeune dans un parcours évidemment plus favorable. L’emploi d’avenir est une solution par défaut faute d’offres d’apprentissage.
Affirmer que les « emplois d’avenir » répondent aux besoins de jeunes « non demandeurs de formation, qui recherchent prioritairement un emploi »peut correspondre à des demandes de certains jeunes mais, pas forcément à l’intérêt des jeunes en terme de parcours.
[1] UNML : Union Nationale des Mission Locales, présidée par le député socialiste, Jean-Patrick Gille qui s’efforce de défendre les financements des Missions Locales, en particulier au sein de l’Assemblée Nationale..
[2] Les emplois d’avenir sont occupés dans les secteurs suivants : secteur public (pour 29% d’entre eux), secteur médico-social (pour 21%), sports et loisirs (5,5%), santé (6%), restauration (6%), commerce, réparation d’automobiles ou de motocycles (4%), construction (3%)…
[3] L’apprentissage est présent principalement dans les secteurs suivants : alimentation, commerce de détail, bâtiment et travaux publics, hôtellerie-tourisme, services à la personne, secteur automobile, électronique.
[4] Les contradictions du concept même des « emplois d’avenir » apparaissent : « L’objectif du dispositif est l’entrée des jeunes peu ou pas qualifiés en emploi durable, avec une priorité donnée aux CDI et CDD longs. La pérennisation des emplois est recherchée, même si elle n’est pas garantie et que beaucoup de recrutements ont été réalisés en CDD d’un an. ». On est loin des « emplois jeunes » qui disposaient d’un contrat sur 5 ans.
Un commentaire to “Comment choisir entre « emploi d’avenir » et apprentissage ?”
29 septembre 2014
TanguyIntéressant! Les « emplois d’avenir » n’en ont que le nom… Ils n’ouvrent pas franchement un avenir aux jeunes non diplômés.