L’OPA des régions sur l’emploi se poursuit.
(voir article précédent : http://bit.ly/1IRL5OS).
L’INTRODUCTION D’UN ARTICLE SUR LE SERVICE PUBLIC DE L’EMPLOI AU SENAT
Le Sénat a ajouté à la loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) un Article 3 bis qui concerne le « Service public de l’emploi ». Il a été adopté le 15 janvier.
Cet article prévoit une modification du Code du travail qui fait des Régions un acteur majeur de l’emploi que :
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« La région coordonne, sur son territoire, les actions des intervenants du service public de l’emploi, sous réserve des missions incombant à l’État » et, par ailleurs,
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« Les communes et leurs groupements peuvent concourir au service public de l’emploi ».
La Présidence de chaque CREFOP, Comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle[1], serait attribuée au seul Président de Région, l’Etat en assurant seulement la vice-présidence au côté d’un autre vice-président représentant les partenaires sociaux.
L’idée de certains sénateurs est d’ajouter un chapitre à la décentralisation en donnant aux Régions la compétence « emploi » pour que celles-ci disposent d’un ensemble comprenant à la fois : l’emploi, la formation et l’orientation. Cette formule semble à première vue « esthétique » sauf qu’elle ne résiste pas à un examen rapide dans la mesure où les trois sujets différent par de nombreux aspects, tout particulièrement par le caractère national des questions relatives à l’emploi. Cet article 3bis a été maintenu contre la volonté du gouvernement qui avait proposé (amendement n°640) une version plus légère de cet article. Cette reformulation a été écartée par le Sénat.
Cet article de la loi devrait évoluer lors des navettes avec l’Assemblée Nationale sans qu’il soit possible à ce jour de prévoir la version définitive.
Les débats ont été l’occasion d’une mise en cause directe du rôle de l’Etat en matière d’emploi et, en particulier, de l’efficacité de Pôle Emploi par certains sénateurs[2].
LES TROIS AXES DU GOUVERNEMENT
Mme Marylise LEBRANCHU a répondu : « Il faut que Pôle emploi améliore ses performances… »[3]. Ainsi, la Ministre reprend les trois orientations[4] qu’elle a déjà eu l’occasion de présenter devant les commissions du Sénat :
- Améliorer la performance de Pôle Emploi, c’est-à-dire l’accompagnement des demandeurs d’emploi,
- Conserver à l’Etat le soin de mener la politique de l’emploi, ce qui n’exclut pas une coordination locale sur le terrain,
- Diminuer le nombre des opérateurs avec, dans le viseur, les missions locales et les maisons de l’emploi.
Ce dernier point explique en partie au moins le positionnement des sénateurs, de tendances diverses, qui semblent attachés à conserver la diversité des acteurs de l’emploi, c’est-à-dire les missions locales, les maisons de l’emploi ou d’autres structures locales.
CE DÉBAT EN CACHE UN AUTRE.
« La rationalisation des opérateurs » évoquée par la Ministre n’est que l’expression d’une vision déjà ancienne et constante entretenue à par certains à l’Inspection Générale des Finances pour laquelle la réduction des dépenses publiques passe par la réduction du financement des acteurs de l’emploi.
L’idée sous-jacente est que le fonctionnement du marché de l’offre et de la demande en matière d’emploi suffit à régler naturellement les problèmes[5] et que l’intervention de l’Etat peut être limitée.
C’est ainsi que des missions des Inspections ont été mené à charge contre des structures d’insertion professionnelle ou des actions nationales en faveur de l’emploi. Elles ont conclu que ces actions n’avaient pas de « rendement suffisant » en termes de placement direct et que les financements ne devaient être renouvelés…
Pour résumer ce projet implicite, la solution économique serait que l’Etat soutienne un acteur exclusif de l’emploi offrant un service minimum sous une forme virtuelle. Cette orientation mérite un débat…
Il parait dommage de voir la question des compétences des uns et des autres débattue sans que les questions de fond touchant aux politiques de l’emploi n’aient pas été abordées et, en premier lieu, la nécessaire marche de Pôle Emploi vers un modèle différent d’approche des demandeurs d’emploi comme des employeurs, accompagnée de la reconnaissance de la multiplicité des acteurs de l’emploi concrétisée par de vrais partenariats.
[1] Loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.
[2] « Faisons d’abord le bilan de la fusion ratée de l’ANPE et des Assedic. Améliorons le dialogue social au sein de Pôle emploi. Les acteurs privés des soutiens à la recherche d’emploi, qui se sont multipliés, n’ont pas fait mieux que les acteurs publics. Moins de précarité au sein de Pôle emploi, ce sera plus de disponibilité, de suivi pour les personnes privées d’emploi. » (Christian Favier). « Les problèmes de Pôle emploi découlent de la fusion de l’ANPE et des Assedic, qui a fait perdre de l’efficacité, et de l’intervention croissante de cabinets de recrutement privés. » (Brigitte Gonthier-Maurin). « Pôle emploi devient un super bureau d’intérim. » (Brigitte Gonthier-Maurin)
[3] François Rebsamen avait indiqué en octobre 2014 que le financement accordé par l’Etat à Pôle Emploi pour 2015 serait stabilisée à un milliard et demi d’euros et il avait précisé que : « Cet objectif de stabilisation du budget de Pôle emploi est ambitieux (…) Il implique que Pôle emploi fasse plus et mieux ». La convention tripartite Etat-Unédic-Pôle emploi pour la période 2015-2017, signée en décembre, est censée répondre à cette demande.
[4] « Améliorer la performance de Pôle emploi, nous y sommes tous favorables. Renforcer les coordinations entre opérateurs, aussi. Mais la ligne rouge, c’est que l’État ne perde pas tous les leviers. (…). Nous allons regarder les choses de près… La rationalisation des opérateurs… Est-il nécessaire de les garder tous ? Mais les parlementaires veulent les conserver. Les missions locales ? Il ne faut pas y toucher ! Les maisons de la formation professionnelle ? Pas davantage ! Puisqu’on ne veut rien supprimer, la solution, c’est de donner un rôle de coordination aux régions… Mais cela ne suffira pas ; disons alors qu’elles pourront supprimer des structures !»
[5] Cette idée a été exprimée de manière explicite dans de nombreux échanges et débats.
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