Depuis la crise de 2008, la faiblesse du nombre de recrutements produit une recrudescence de discriminations à l’embauche. L’enjeu actuel porte pour l’essentiel sur la prévention de discriminations intervenant sur des critères implicites.
UN NOUVEAU RAPPORT SUR LES DISCRIMINATIONS À L’EMBAUCHE ET DANS LE DEROULE DES CARRIÈRES
Un rapport sur la lutte contre les discriminations dans l’emploi vient d’être produit par un groupe d’experts et de représentants des partenaires sociaux présidé par le Président de l’Association Nationale des Directeurs des Ressources Humaines (ANDRH).
De futures mesures contre les discriminations à l’embauche pourraient être retenues. Elles pourraient être intégrées au projet de loi relatif au dialogue social, qui sera examiné à l’Assemblée nationale à la mi-mai. La version actuelle du projet de loi relatif à la réforme du dialogue social, transmis aux partenaires sociaux, prévoit des ajustements plus ou moins positifs pour les entreprises et/ou les salariés. Les mesures évoquées dans le pré projet de loi n’ont aucun impact en matière d’emploi : qu’il s’agisse des embauches (renouvellement de postes vacants ou nouveaux contrats) ou des sorties de l’entreprise (transactions, licenciements, retraites, démissions, etc.). Ce projet de loi devrait être prochainement présenté en Conseil des ministres.
LE RAPPORT PRÉCONISE PLUSIEURS MESURES DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS À L’EMBAUCHE ET DANS LES CARRIÈRES
Le rapport prend en compte la diversité des motifs de discrimination[1].
Le rapport se prononce « contre le caractère obligatoire de l’anonymisation des CV », ce qui n’empêche pas une entreprise d’avoir recours à cette pratique si elle le souhaite. Cette conclusion prend en compte les résultats peu probants des expérimentations du CV anomyme[2].
Il propose de « définir une nouvelle voie de recours collectif ouverte, après échec du processus de dialogue social sur ce thème, à toute partie ayant intérêt à agir (associations et organisations syndicales (…) permettant à la fois la cessation de la pratique discriminatoire, la sanction, si nécessaire de cette pratique, et la réparation des préjudices subis par les victimes ».
Une mobilisation prioritaire de l’inspection du travail est demandée ainsi que la mise en place d’indicateurs figurant au bilan social des entreprises. Cette nouvelle contrainte semble bien contradictoire avec les démarches de simplification en cours. Des sanctions sont évoquées comme la prise en compte dans l’accès aux marchés publics, de « la mise en place d’actions de lutte contre les discriminations dans les entreprises soumissionnaires ».
La désignation d’un « référent diversité » pourrait être demandée aux entreprises de plus de 300 salariés, pour répondre aux demandes des candidats et des salariés et assurer un rôle de conseil auprès des organisations syndicales comme des chefs d’entreprises.
Une nouvelle campagne nationale pour sensibiliser aux questions de la lutte contre les discriminations pourrait être organisée.
La formation des responsables aux questions des discriminations pourrait être encouragée, voire devenir une obligation pour éviter le cas du « discriminant malgré lui ».
Des campagnes de testing seraient envisagées pour sensibiliser les entreprises. Elles doivent être améliorées, comme le reconnait le rapport. Les campagnes de testing, qui ont déjà eu lieu[3], relevaient de méthodologies peu fiables.
DES DISCRIMINATIONS À L’EMBAUCHE DEMEURENT.
Ce nouveau rapport prend la suite des multiples travaux réalisés depuis de nombreuses années sur ce même sujet[4] et des propositions de loi. Ceux-ci ont eu pour effet positif l’information des responsables débouchant sur la quasi-disparition des discriminations ouvertes (par exemple, au niveau de conditions figurant dans les offres d’emploi).
L’enjeu actuel porte pour l’essentiel sur les discriminations « de fait », correspondant à des critères implicites, qui portent préjudice à une jeune femme en âge d’avoir des enfants, à un homme de 60 ans ou à des résidents d’un quartier prioritaire (par ailleurs éloigné du lieu de travail) et pas seulement à des jeunes d’origine étrangère.
Depuis la crise de 2008, la faiblesse du nombre de recrutements a accru à nouveau les discriminations à l’embauche. Seuls les secteursqui ont conservé des niveaux conséquents de recrutement, comme dans l’informatique au sens large ou dans les professions de la vente, échappent en partie à ce retour aux discriminations.
Sur le plan de l’action publique, le transfert de la ligne budgétaire qui était consacré à la prévention des discriminations[5] au ministère de l’intérieur principalement dédié à l’accueil et l’intégration des migrants a très fortement diminué les capacités d’intervention publique sur ce dossier. Les actions ont été réduites voire ont disparu ces dernières années après une mobilisation parfois maladroite, mais bien réelle de nombreux acteurs[6].
[1]Quels sont les motifs de discriminations interdits ? Opérer une distinction entre les salariés (ou entre les personnes candidates à un recrutement ou à l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise) sur des motifs autres que les nécessités de l’emploi ou les qualités professionnelles du salarié constitue une discrimination prohibée par la loi. Sont visées les discriminations fondées sur l’un des motifs mentionnés à l’article L. 1132-1 du code du travail : l’origine, le sexe, les mœurs, l’orientation ou l’identité sexuelle, l’âge, la situation de famille ou la grossesse, les caractéristiques génétiques, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l’apparence physique, le nom de famille, le lieu de résidence (ce motif a été ajouté à l’article L. 1132-1 du code du travail par la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 citée en référence, en vigueur depuis le 23 février 2014), l’état de santé ou le handicap. http://travail-emploi.gouv.fr/informations-pratiques,89/les-fiches-pratiques-du-droit-du,91/egalite-professionnelle,117/la-protection-contre-les,12789.html
[2] Le rapport indique « les difficultés soulevées » dans la forme par sa mise en œuvre (coût, modalités pratiques complexes, etc…), mais aussi ses limites « de fond », comme le « risque de conduire à des démarches de contournement ».
[3] Une opération, financée par l’ex-Halde, consistait à envoyer plusieurs faux CV dont on ne change par exemple que le nom ou l’adresse pour mettre en lumière d’éventuelles différences de traitement entre candidats aux parcours et compétences pourtant similaires. Cette méthode simpliste ne peut conduire à des résultats fiables. Les candidats envoyés aux entretiens étaient des acteurs et pas des professionnels correspondant aux offres d’emploi. Les acteurs, même excellent, avaient peu de chances d’être retenus même sans aucune discrimination à l’embauche.
[4] Le précédent est le « Rapport sur les discriminations collectives en entreprise : lutter contre les discriminations au travail : un défi collectif » – Rapport Laurence Pécaut-Rivolier de 2013.
[5] Ce programme était géré par l’Agence de Cohésion Sociale et de l’égalité (l’acsé).
[6] Parmi les acteurs, on peut citer des organisations patronales ou para patronale comme l’IMS (gestionnaire de la Charte de la diversité) ou la Fondation Agir Contre l’Exclusion (FACE).
Un commentaire to “Des discriminations à l’embauche demeurent et restent à réduire.”
19 août 2016
www.convention.frL’employeur est également tenu à l’obligation d’afficher les textes de loi concernant la lutte contre les discriminations des les locaux de son entreprise. Le non affichage de ces textes l’expose à une amende en cas de contrôle de l’inspection du travail.