Les avis de la Cour des comptes divergent selon les activités de Pôle emploi. La qualité des services rendus aux demandeurs d’emploi est considérée comme déficiente. La mission d’intermédiaire entre offre et demande d’emploi n’est plus prioritaire.
LA COUR DES COMPTES ÉMET DE NOMBREUSES CRITIQUES SUR LES CHOIX DE POLE EMPLOI
La Cour des comptes a rendu public, le 2 juillet 2015, un rapport thématique[1] consacré à Pôle emploi[2]. Ce rapport présente de nombreuses critiques sur les choix politiques de la direction générale et/ou du conseil d’administration de Pôle Emploi.
LES AVIS DE LA COUR DES COMPTES DIVERGENT SELON LES ACTIVITÉS DE PÔLE EMPLOI.
Le rapport donne un avis, sur les deux grands domaines de compétences de Pôle Emploi, l’indemnisation chômage et sur le placement des chômeurs, avec :
- un avis favorable aux procédures d’indemnisation : « Globalement, l’indemnisation des demandeurs d’emploi est satisfaisante, malgré la persistance de dossiers « papier », qui devraient être appelés à disparaître, et d’une complexité de la réglementation, qui perdure. »
- un avis réservé concernant les actions de placement : « En matière de placement des demandeurs d’emploi, les résultats de Pôle emploi sont plus difficiles à mesurer, car il n’existe pas d’indicateur permettant d’identifier sa performance propre par rapport notamment à l’intervention des autres acteurs sur le marché de l’emploi. Les données disponibles relatives au chômage de longue durée et à la satisfaction des offres d’emploi traduisent toutefois une évolution défavorable. » « La fusion de 2008 s’est accompagnée de coûts croissants, notamment du point de vue salarial. Depuis lors, les coûts de Pôle emploi ont augmenté et se sont rigidifiés, du fait du recrutement de conseillers en CDI (+ 4 000 entre 2012 et 2014) pour faire face à la montée du chômage. »[3]
« Pôle emploi se voit confier des missions exigeantes et connaît des résultats contrastés, avec des coûts croissants. »
LA QUALITÉ DES SERVICES RENDUS AUX DEMANDEURS D’EMPLOI EST DÉFICIENTE
Ce billet reprend des extraits de l’analyse de la Cour des comptes qui semblent corrects et ne méritent pas de commentaire. Pôle Emploi a redéfini en 2012 sa stratégie, mais l’organisme « continue de connaître des difficultés opérationnelles, en dépit de l’engagement de ses personnels ».
Les problèmes de Pôle Emploi sont essentiellement dûs aux choix de sa direction qui imposent un mode de fonctionnement aux conseillers peu adapté à la situation.
« La différenciation des services rendus aux demandeurs d’emploi, qui se situe pourtant au cœur de la stratégie de l’opérateur, est insuffisante. » « Paradoxalement, l’accompagnement « renforcé » est celui qui présente la plus faible proportion de demandeurs d’emploi de longue durée (au chômage depuis plus d’un an). » « La fréquence des contacts entre conseillers et demandeurs d’emploi diminue avec la durée du chômage. »
« L’intensité de l’accompagnement individuel des demandeurs d’emploi est en outre trop faible : 75 % des demandeurs d’emploi placés en accompagnement « renforcé » n’ont bénéficié que de quatre contacts ou moins en six mois avec leur conseiller, cette notion de contact englobant au demeurant non seulement les entretiens, mais aussi les échanges téléphoniques et les MÉLS. 59 % des demandeurs d’emploi en « suivi », 49 % en « guidé » et 33 % en « renforcé » ont au maximum un contact tous les trois mois. »
« La Cour constate en outre que les moyens humains sont dispersés. La part trop importante du temps de travail des conseillers consacré à des activités de gestion et de management (22 %) aboutit à ce que la part consacrée à l’accompagnement des demandeurs d’emploi, qui est pourtant une priorité, est en définitive inférieure à 30 %. Le millier d’agences forme un réseau dont la densité est peu propice à une mutualisation des effectifs. L’absentéisme est élevé (près de 25 jours calendaires par an et par agent). »
Pôle Emploi a certes été confronté depuis sa création à une augmentation continue du nombre de demandeurs d’emploi, mais cette donnée importante ne suffit pas à expliquer les problèmes de fonctionnement de cet opérateur public. Un effectif de 53 000 personnes à Pôle Emploi pour 3 800 000 demandeurs d’emploi de catégorie A ne semble pas complètement insuffisant.
LA MISSION D’INTERMÉDIAIRE ENTRE OFFRE ET DEMANDE D’EMPLOI DE POLE EMPLOI N’EST PLUS PRIORITAIRE.
Pôle emploi a redéfini profondément sa stratégie en 2012, avec l’accord de l’État et de l’Unedic : « son orientation majeure vise à différencier davantage les services rendus par l’opérateur en fonction des profils des demandeurs d’emploi[4] et des entreprises ».
Pôle emploi a ainsi renoncé à tout objectif global de collecte des offres d’emploi (voir billets sur ce blog déjà parus à ce propos).
« Toutefois, les conséquences que Pôle emploi a tiré de cette réorientation stratégique modifient en profondeur son rôle d’intermédiaire général entre l’offre et la demande d’emploi, alors même que la loi n’a pas modifié la définition de ses missions. Pôle emploi a ainsi renoncé à tout objectif global de collecte des offres d’emploi : de ce fait, le nombre d’offres d’emploi collectées par l’opérateur est en baisse depuis plusieurs années. » « La répartition du temps de travail des conseillers de Pôle emploi ne favorise pas l’intermédiation entre l’offre et la demande d’emploi. La part du temps de travail consacré à l’entreprise est faible (12 % au total, avec seulement 2 % pour la prospection et les visites d’entreprises) et constitue en pratique une variable d’ajustement. » « Ces évolutions ont contribué à affaiblir le lien avec les entreprises et à fragiliser l’expertise par Pôle emploi du marché du travail. »
ANALYSE DES « CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS » DU RAPPORT DANS UN PROCHAIN BILLET DE CE BLOG.
A SUIVRE
[1] Rapport de la Cour des Comptes : « Pôle emploi à l’épreuve du chômage de masse » – https://www.ccomptes.fr/Actualites/A-la-une/Pole-emploi-a-l-epreuve-du-chomage-de-masse
[2] Issu de la fusion de l’Agence Nationale Pour l’Emploi et des Assédic, en 2008, Pôle emploi est le plus gros opérateur de l’État, avec 53 000 agents, plus d’un millier d’agences et de points relais, 32 milliards d’euros d’allocations chômage et d’aides versées et environ 5 milliards d’euros de budget.
[3] Entre janvier 2009 et janvier 2015, le nombre de personnes inscrites à Pôle Emploi a augmenté de 58 %.
[4]« Pôle emploi a défini depuis 2012 essentiellement trois modalités d’accompagnement des demandeurs d’emploi :
- la modalité de « suivi » concerne plus de 900 000 demandeurs considérés comme autonomes, pour lesquels l’action de Pôle emploi se limite désormais à fournir des outils numériques de recherche d’emploi ;
- l’accompagnement « guidé », qui s’applique à près de 1,5 million de demandeurs ;
- l’accompagnement « renforcé », qui concerne un peu moins de 290 000 demandeurs d’emploi ayant besoin d’être fortement accompagnés.
Cette dernière modalité ne rassemble qu’environ 10 % du total des demandeurs d’emploi faisant l’objet d’un suivi interne, mais mobilise 20 % des conseillers référents. »
Pas de commentaire sur “La Cour des comptes critique les pratiques de Pôle Emploi (1).”