Dans un contexte de remise en cause des financements et de la gestion du RSA dont bénéficient près de 2 000 000 de personnes, il semble indispensable de s’interroger sur l’articulation entre cet outil de politique sociale et la politique publique de l’emploi. Le défaut d’articulation actuel entre les deux apparait choquant.
LE BUDGET DU REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE S’ACCROIT.
Le budget du Revenu de Solidarité Active (RSA) augmente pour deux raisons :
- Le gouvernement a décidé d’augmenter de 2% le montant du RSA au 1er septembre 2014[1] (dans le cadre d’un plan portant sur une augmentation de 10% sur 5 ans),
- Le nombre de bénéficiaires du RSA continue à augmenter fortement : 3,5% sur un an à fin juin 2015 : 1 622 000 bénéficiaires du RSA socle (+2,9%) et 273 000 bénéficiaires à la fois du RSA socle et du RSA activité (+7,9%).
Au total, on comptait à fin juin 2015, 1 895 000 bénéficiaires du RSA socle (France entière)[2].
Au titre du RSA, l’État verse aux départements 6,4 milliards d’euros et les départements doivent verser 4 milliards d’euros en 2015, contre 3,3 milliards d’euros en 2013.
La participation des départements augmente de manière continue.
DES DÉPARTEMENTS NE SONT PAS EN MESURE D’ASSURER LE PAIEMENT DU RSA POUR LA FIN 2015.
Une dizaine départements, dont les départements du Nord et de la Seine-Saint-Denis, ont avertis qu’ils ne sont pas en mesure d’assurer le paiement du RSA pour la fin 2015.
Les projections de l’Association des départements de France (ADF) indiquent que cette situation devrait toucher une quarantaine de départements en 2016… L’ADF demande à l’état la prise en charge de la hausse de 700 millions d’euros enregistrée en 2015 du coût du RSA.
Cette situation s’inscrit dans le contexte général de la diminution des dotations d’état aux collectivités locales qui impliquent de fortes inquiétudes pour l’équilibre des budgets des exécutifs locaux.
Le gouvernement a annoncé qu’une dizaine de départements devraient bénéficier d’une aide d’urgence afin de pouvoir verser le RSA en 2015[3]. Ce budget exceptionnel devrait être voté à l’occasion de l’examen de la loi de finances rectificative de fin d’année. Mais, son montant est encore inconnu et l’aide pourrait être liée à la pratique de gestion mise en place par les départements concernés.
L’ADF « aurait préféré des mesures structurelles immédiates applicables à l’ensemble des Départements ».
L’HYPOTHÈSE D’UNE « RECENTRALISATION » DU RSA A ÉTÉ ÉVOQUÉE PAR LA MINISTRE DE LA DÉCENTRALISATION
Une réflexion va avoir lieu sur une possible « recentralisation » du RSA au niveau de l’État. Elle devrait mobiliser les services de l’État et les responsables de l’ADP. Elle concerne également les autres aides sociales.
En 2014, globalement, les Allocations individuelles de Solidarité (AIS)[4] ont représenté un coût brut de 17 milliards d’euros et leur augmentation dépasse les possibilités des Départements.
Ce souhait de l’Etat étonne, dans la mesure où les lois successives sur l’organisation des territoires (Mise en place des métropoles, loi NOTRe, etc.) et la répartition des compétences semblaient avoir abouti.
Dans le cadre actuel, le département apparait comme le seul niveau compétent en charge les allocations individuelles de solidarité (AIS).
Des décisions sur ce sujet pourraient être prises à la fin mars, après le vote du projet de budget des départements pour 2016[5].
En première analyse, il apparait que le gouvernement n’a pas anticipé l’augmentation du budget des Allocations individuelles de Solidarité dans le plan des réductions du budget (pas de gel du montant du RSA par exemple). Faute de pouvoir assurer le besoin financier nécessaire aux Départements, le gouvernement imagine pouvoir faire des économies en mutualisant la gestion du RSA au niveau national. Ce projet, s’il aboutissait, serait pour le moins discutable sur le plan financier et de toute manière catastrophique sur le plan social. Enfin, il tourne le dos à la politique de décentralisation entamée depuis des décennies.
LE SYSTÈME D’AIDE SOCIALE N’EST PAS ACCOMPAGNE DE LA NÉCESSAIRE DÉMARCHE EN FAVEUR D’UN RETOUR A L’EMPLOI
La baisse des moyens autour du RMI, puis du RSA, dans les départements a conduit ceux-ci à abandonner progressivement le financement d’actions engagées en faveur de l’insertion professionnelle d’une part des bénéficiaires du RSA. Ces actions étaient menées selon les cas par des associations, des entreprises ou par l’ANPE et rémunéré selon les résultats de sortie du système d’aide. Il y avait des départements qui choisissaient de faire accompagner les personnes entant tout juste dans le RSA et d’autres qui concentrait leurs efforts sur des personnes très éloignées de l’emploi.
Beaucoup de ces dispositifs d’accompagnement vers l’emploi ou le retour vers l’emploi donnaient pleine satisfaction et venaient diminuer le nombre de bénéficiaires. Un opérateur était généralement rémunéré par un montant variant entre un et deux mois de RSA, selon les actions menées. L’économie pour le département apparaissait vite, sans avoir besoin d’un grand audit. Et le retour à l’emploi est bien la meilleure des aides sociales…
Avec la fusion entre ANPE et UNEDIC, ayant abouti à la création de Pôle Emploi, les départements se sont repliés vers le seul volet social, compte tenu des missions du service public de l’emploi. Il s’est produit une régression dans les politiques de l’emploi.
Pôle Emploi a perdu progressivement ses financements des départements. Les opérateurs de placement ont opéré un repli en bon ordre ou une liquidation judiciaire rapide. Dans ce contexte de perte de financement, Pôle Emploi a abandonné le critère « bénéficiaire du RSA » pour sa prise en charge des demandeurs d’emploi.
Près de 700 000 bénéficiaires du RSA Socle sont inscrits à Pôle Emploi[6] en catégorie A, B ou C, dont plus de 600 000 en catégorie A (chiffres de fin août 2015). La croissance de leur nombre approche les 8% sur un an.
ENVIRON 900 000 BÉNÉFICIAIRES DU RSA NE SONT PAS MÊME INSCRITS À POLE EMPLOI.
[1] Pour une personne seule, le montant du RSA est de 524,16 € depuis le 1er septembre 2015.
[2] RSA Conjoncture n°11 –septembre 2015.
[3] Annonce faite au 85ème congrès de l’Assemblée des départements de France (ADF) à tient à Troyes (Aube) le 15 aout 2015.
[4] Depuis 2012, le montant restant à charge des départements a augmenté de 10,9% pour la prestation de compensation du handicap (PCH) et de 20,6% pour l’allocation personnelle d’autonomie (APA). Pour l’ensemble des AIF, le « restant à charge », non compensé par l’Etat, s’élèverait à 8,1 milliards, soit une progression de 13,2% sur ces trois dernières années.
[5] Selon l’ADF : « Ces mesures indispensables pour permettre la pérennité des politiques sociales, essentielles pour nos concitoyens les plus fragiles devraient être décidées au 1er trimestre 2016, à l’issue d’une étroite concertation avec les Départements. Elles seraient, selon le Premier Ministre, axées autour d’une recentralisation totale ou partielle du RSA et devraient préserver les ressources budgétaires dynamiques dont les Départements disposent encore. » Communiqué du 9 octobre 2015.
[6] Inscrits à Pôle Emploi en catégorie A, B ou C à fin août 2015 en France métropolitaine.
Catégorie | RSA socle | RSA socle +RSA activités | Total |
Aout 2015 | 624 100 | 125 200 | 749 300 |
Aout 2014 | 582 600 | 111 800 | 694 400 |
Evolution sur un an | +41 500 | +13 400 | +54 900 |
+7,1% | +12,0% | +7,9% |
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